Les "Voix étouffées" : une exposition sur le passé nazi du festival de Bayreuth
Une exposition qui met en lumière le géni musical et l’antisémitisme de Richard Wagner
Cette exposition en marge du festival de Bayreuth évoque Richard Wagner, un antisémite notoire et retrace les relations difficiles d'artistes juifs, au destin parfois funeste, avec ce rendez-vous incontournable de la musique classique.
Le destin de Lucian Horwitz et de nombreux autres artistes juifs
Peu de gens se souviennent de Lucian Horwitz, l'un des plus grands violonistes autrichiens du XXe siècle, qui a fait partie des orchestres les plus renommés et donné nombre de représentations en solo. Le destin d'Horwitz et celui de nombreux autres artistes juifs est l'objet d'une exposition intitulée "Voix étouffées", ouverte depuis la semaine dernière à Bayreuth dans le parc de la Festspielhaus..
Né à Vienne en 1879, Horwitz a joué dans l'orchestre philharmonique de Berlin et quelques-uns des plus grands ensembles autrichiens. Il n'est donc pas surprenant de voir sont nom apparaître aux côtés d'autres artistes éminents de cette époque, triés sur le volet pour faire partie du prestigieux orchestre du Festival de Bayreuth, l'un des principaux évènements
de musique classique au monde.
Mais s'il figure bien sur une liste de possibles remplaçants pour l'édition de 1924, Horwitz n'a jamais eu l'occasion de jouer dans la fosse couverte de la fameuse "Festspielhaus". Le chef d'orchestre de Bayreuth à l'époque, Karl Muck, avait mis son veto
en raison de ses origines juives.
Horwitz poursuivit sa carrière à Vienne, mais l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie en 1938 marqua le début des persécutions dont il fut victime. Il fut déporté au camp de Theresienstadt en 1942, puis à Auschwitz deux ans plus tard, où il mourut en 1942.
Adolf Hitler régulièrement invité au festival
Grand admirateur de l'oeuvre de Richard Wagner, Adolf Hitler était régulièrement l'invité du festival et un ami proche de Winifred Wagner, veuve de Siegfried, le fils du compositeur. Mais pour l'historien Hannes Heer, déjà à l'origine d'une exposition controversée sur l'armée allemande, la Wehrmacht, il y a quelques années, les racines de l'antisémitisme à Bayreuth remontent aux premières années du festival.
Cosima Wagner, veuve du compositeur, et dont l'antisémitisme valait largement celui du maître, dont elle avait pris la suite à la tête de la manifestation après sa mort en 1883, n'engageait des artistes juifs que lorsque aucune autre solution n'était possible. Même Lilli Lehmann, qui incarnait Brünnhilde lors de la première mondiale de la tétralogie du Ring, fut traitée à son retour à Bayreuth, en 1896, au sommet de sa gloire, de "vieille grand-mère juive dénuée de tout talent d'actrice ou du moindre sentiment".
Hermann Levi, chef d'orchestre du dernier opéra de Wagner, Parsifal, en 1882, se plaignait déjà: "Je suis juif. Et quoique je fasse, c'est à cette aune que je suis jugé. Ils trouvent toujours des objections ou des choses qui ne conviennent pas dans ce que je fais". Sur les dizaines de musiciens d'orchestre, membres du choeur ou solistes évoqués dans l'exposition, douze ont été tués par les nazis.
Les organisatrices Katharina Wagner et Eva Wagner-Pasquier se sont engagées à ouvrir les archives du festival aux historiens pour faire intégralement la lumière sur le passé nazi de Bayreuth.
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