Le ténor Jonas Kaufmann chante Faust à l'Opéra Bastille : "Après les attentats, mon métier ne sera plus jamais le même"
"Je réalise avec les attaques terroristes que notre métier ne sera plus jamais le même. Partout où vous irez il y aura des portiques, des contrôles de sécurité, cela change la vie", constate-t-il. A l'Opéra Bastille, où il chantera "La Damnation de Faust" du 5 au 20 décembre avec un plateau de rêve (Sophie Koch, Bryn Terfel, et Bryan Hymel en alternance dans le rôle de Faust du 23 au 29) les forces de l'ordre sont omniprésentes et un portique a été installé. "Il se peut que les attentats dissuadent les gens de sortir, si vous devez faire la queue des heures pour entrer... ça pourrait être à terme la fin des performances live", craint-il.
La réponse militaire aux attentats lui semble une erreur : "c'est ce qu'on fait depuis le début et cela n'a fait qu'empirer", dit-il, appelant de ses voeux "un grand fond mondial pour aider les pays en difficulté, éviter les situations propices à la radicalisation". Il se déclare "impressionné" par la tenue de la conférence sur le climat à Paris "alors que jamais on a eu autant de chefs d'Etat réunis en un seul lieu: deux semaines après les attentats, c'est courageux".
Le ténor au physique de beau ténébreux que s'arrachent les scènes internationales prend trop souvent l'avion pour revendiquer un rôle de défenseur du climat, mais il s'y intéresse : "j'ai des enfants, et je sais que cette génération sentira déjà la différence. Nous avons désespérément besoin d'une solution", dit-il. Heureuse coïncidence, la production de "La Damnation de Faust" jette un pont vers la COP 21: dans la mise en scène, "la question est de savoir si nous pourrons rester sur Terre ou si nous devrons fuir vers une autre planète pour survivre", explique-t-il.
Colonisation de Mars
Le metteur en scène letton Alvis Hermanis a cherché une figure contemporaine pour actualiser le mythe, et l'a trouvé dans le scientifique Stephen Hawking, pour qui la colonisation d'autres planètes comme Mars pourrait être la solution face à la catastrophe écologique annoncée. Stephen Hawking, qui vit cloué dans une chaise roulante à la suite d'une maladie neurodégénérative, sera incarné par le danseur Dominique Mercy, un fidèle de la chorégraphe Pina Bausch."Hawking est une sorte de figure paternelle, et il devra trancher à la fin entre Méphistophélès, qui prône la fin de la planète Terre, et Faust, qui pense qu'on peut encore la sauver", explique Jonas Kaufmann. La production fait largement appel à la vidéo, un atout pour passer d'une scène à l'autre en un clin d'oeil dans un opéra aux scènes disparates, réputé difficile à monter. Berlioz avait composé au départ "Huit scènes de Faust", avant d'étoffer l'oeuvre (1846).
Jonas Kaufmann reprend Faust "avec beaucoup d'appétit"
"On a dans cette production ce qu'il faut en terme d'image, de vidéo, de danse" constate Jonas Kaufmann mais il regrette que les trois chanteurs, "qui adorent jouer", ne soient pas plus sollicités: "on pourrait probablement en faire plus".Il reprend le rôle à 46 ans avec "beaucoup d'appétit". "Je ne l'ai pas chanté depuis 2005, et j'ai une voix complètement différente aujourd'hui : je n'ai pas perdu les aigus, mais j'ai plus de confiance dans mes graves, plus d'amplitude".
Jonas Kaufmann va revenir bientôt à l'Opéra de Paris pour une production encore secrète, et y reprendra en janvier 2017 une de ses productions préférées, le "Lohengrin" monté par l'Allemand Claus Guth en 2012 à La Scala de Milan, alors dirigée par un certain... Stéphane Lissner, aujourd'hui directeur de l'Opéra de Paris.
La Damnation de Faust
Opéra de Paris Bastille
Du 5 au 29 décembre 2015
Musique Hector Berlioz Livret Hector Berlioz Almire Gandonnière, d'après Johann Wolfgang von Goethe (Traduit par Gérard de Nerval)
Direction musicale : Philippe Jordan
Mise en scène : Alvis Hermanis
Marguerite : Sophie Koch
Faust : Jonas Kaufmann du 5 au 20 déc et Bryan Hymel du 23 au 29 déc.
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