Cet article date de plus de huit ans.

L'opéra "Ariane à Naxos" dans une séduisante version originale à Salzbourg

Mise en abîme et jeu de miroirs, l'opéra "Ariane à Naxos" du compositeur allemand Richard Strauss, donné dimanche au Festival de Salzbourg dans sa version originale, a étalé sa palette foisonnante qui mêle théâtre et danse à une musique riche en couleurs.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Elena Mosuc interprète Zerbinetta dans l'opéra "Ariane à Naxos" au Festival de Salzbourg 2012
 (ERNST WUKITS / AFP)

Cette oeuvre, créé à Stuttgart en 1912 sur un livret du collaborateur favori de Strauss, Hugo von Hoffmansthal, associe une comédie de Molière, "Le Bourgeois Gentilhomme", et un opéra en un acte "Ariane à Naxos". Elle visait à rendre hommage à l'ami commun des deux hommes, le directeur de théâtre Max Reinhard.

Dirigée par Richard Strauss lui-même lors de la "première", "Ariane à Naxos" connut un échec total. Elle fut abandonnée dans cette version et remaniée pour faire place en 1916 à une nouvelle oeuvre, donnée à Vienne, où la pièce de Molière disparaissait au profit d'un prologue entièrement chanté qui précède l'opéra lui-même.

Cent ans après, "Ariane à Naxos", dans sa version originale, a été longuement applaudi par le public de Salzbourg qui n'a pas ménagé ses bravos aux artistes, dont le célèbre ténor allemand Jonas Kaufmann, le chef britannique Daniel Harding à la tête du prestigieux Orchestre philharmonique de Vienne et le metteur en scène allemand Sven-Eric Bechtolf.

Opéra, théâtre et ballet à la fois

Ultime ajout, Sven-Eric Bechtolf fait figurer dans cette oeuvre le librettiste Hugo von Hofmannsthal lui-même et une jeune veuve dont il était épris dans la vie réelle, Ottonie. Cette intrigue fait écho à celle développée dans l'opéra où Ariane, abandonnée sur une île déserte par Thésée, qu'elle aimait, se laisse enfermer dans le chagrin, avant d'être sauvée par l'amour de Bacchus.

Au premier plan, Ariane (Emily Magee) et Bacchus (Jonas Kaufman) dans l'opéra de Strauss
 (ERNST WUKITS / AFP)
Dans une vaste pièce lumineuse, où de hautes portes-fenêtres donnent sur un parc verdoyant, Hofmannsthal tente de consoler et de séduire Ottonie en lui racontant l'oeuvre qu'il a écrite. Sur scène, des personnages se mettent à jouer le "Bourgeois Gentilhomme", une pièce entrecoupée de ballets.

Mais M. Jourdain modifie l'ordre initialement prévu. Le dîner qu'il donne chez lui devait être suivi de la représentation de l'opéra "Ariane à Naxos" et d'une farce donnée par une troupe de comédiens italiens. Mais, pour permettre la tenue d'un feu d'artifice, le maître de maison annonce que l'opéra et la farce seront joués simultanément.

Cela au grand dam du compositeur de l'opéra, regard ironique de Richard Strauss sur lui-même. L'humour et la drôlerie foisonnent sur scène où, en même temps qu'un éloge du théâtre, s'opposent le monde tragique de l'opéra seria et celui, léger, de la commedia dell'arte.

Murée dans son chagrin, Ariane, endeuillée, déroule sa plainte, chantée avec une grande intensité par la soprano américaine Emily Magee, jusqu'au magique duo avec l'envoûtant Bacchus, alias Jonas Kaufmann. A l'opposé d'Ariane, Zerbinetta, affublée pour robe d'une énorme boule rouge, fait elle aussi merveille. Incarnée par la soprano roumaine Elena Mosuc, elle raconte dans une véritable jouissance d'acrobaties vocales comment, pour elle, l'amour d'un homme chasse le précédent.

Cornelius Obonya dans le rôle de M. Jourdain, dans "Ariane à Naxos" de Strauss
 (ERNST WUKITS / AFP)
Un bjou mal accueilli à l'époque

L'orchestre passe avec brio des couleurs sombres de l'amour blessé et de la solitude à la facétie, aux timbres clairs et légers, dans un feu d'artifice de sonorités.

Dans ses mémoires, Richard Strauss explique l'échec de la version originale d'"Ariane à Naxos" lors de sa création par la longueur de la représentation, alors même qu'à l'entracte le roi Karl de Würtemberg avait donné une réception rallongeant d'autant le spectacle.

En outre, selon lui, "des spectateurs venus voir une pièce de théâtre ne veulent pas entendre un opéra et vice-versa". Pour lui, simplement, il n'y avait pas alors "de compréhension culturelle de ce ravissant hybride".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.