Joseph Calleja Paris : un ténor pur malte
L’ambassadeur de Malte, Pierre Clive Agius, jeune diplomate féru de culture, reçoit ce soir, en la « cathédrale des soldats », Saint-Louis des Invalides. Un public choisi, d’invités mais aussi de mélomanes, traverse la grande cour Louis XIV sous un ciel tout bleu.
A l’entrée de l’église ils sont accueillis par deux jeunes gardes en habit rouge, galonné d’or sur la veste et toque rouge à plumet rouge ou blanc, et par un grand-maître des chevaliers de l’Ordre en habit bleu marine. L’ambassadeur a fait venir leur tenues depuis son pays pour célébrer l’amitié franco-maltaise.
Car il vous a peut-être échappé que le premier ministre maltais, Joseph Muscat, nommé il y a à peine un mois, était chez nous ces jours-ci en visite officielle. En sa présence, dans l’immense nef dont la lumière du couchant éclairait la pierre dorée à travers les fenêtres hautes, Marisol Touraine, ministre de la Santé, représentait notre gouvernement.
Pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça ? Parce que Joseph Calleja chantait ce soir-là. Calleja, 35 ans, seul maltais connu hors de son pays, est l’un des trois ténors qui comptent aujourd’hui avec Jonas Kaufmann et « notre » Roberto Alagna (on mettra à part Rolando Villazon, qui est en train de revenir, et Juan Diego Florez, à qui sa voix radieuse de tenorino interdit les rôles trop lourds).
Et Calleja commençait en célébrant l’amitié franco-maltaise : airs du « Werther » de Massenet, des « Contes d’Hoffmann » d’Offenbach, le difficile « Ah ! lève-toi, soleil ! » du «Roméo et Juliette » de Gounod (timbre mâle, perfection de la ligne de chant, égalité parfaite de la voix dans les changements de registre). Et notre « Marseillaise » dans la puissante version de Berlioz, lancée à pleins poumons dans un français… que bien des Français lui envieraient. Ensuite, statut de ténor oblige, un Verdi et les deux airs de Cavaradossi dans « Tosca » de Puccini (dont l’incontournable « E lucevan le stelle », bissé sous les ovations).
En intermèdes, l’orchestre de la Garde Républicaine et son excellent chef, François Boulanger, donnait des extraits symphoniques pas si fréquentés d’opéra, dont la belle ouverture du « Roi d’Ys » de Lalo.
On brûle maintenant d’entendre dans un rôle entier (il en a déjà 28 à son répertoire), sur une de nos grandes scènes nationales où il n’a jamais chanté, cette voix pleine, cuivrée, d’une vaillance rare. Calleja a aussi la vertu de ne pas faire un sort aux notes hautes de ténor que guettent tous les amateurs mais de les intégrer au chant, d’en faire un passage naturel de la mélodie qu’il réussit tout aussi naturellement, avec une désespérante facilité. Petit bémol cependant: des diminuendos très hasardeux à trois reprises, étranges pour un artiste de sa qualité.
Dans les salons crémeux du gouverneur un cocktail concluait la soirée, me confirmant que la gastronomie (à part les cannellonis sucrés à la ricotta) n’est pas la plus belle vertu de cet archipel austère et splendide. Sur l’esplanade une autre musique se faisait entendre, celles des militants anti-mariage pour tous. Deux mondes ne se croisaient pas.
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