"Così fan tutte" au théâtre du Châtelet : Dmitri Tcherniakov rafraîchit l’opéra de Mozart en le transposant dans un lieu échangiste

Le metteur en scène russe dépoussière l’œuvre de Mozart en questionnant le trouble amoureux et le désarroi chez les quinquagénaires. Original.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Scène de "Così fan tutte" au théâtre du Châtelet. (THOMAS AMOUROUX)

Le titre est pour le moins misogyne, sexiste. Così fan tutte, "Ainsi font-elles toutes". Elles font quoi ? Être infidèles, tromper leurs maris. Dans le livret de Lorenzo da Ponte écrit en 1789, Don Alfonso, personnage cynique, veut convaincre deux jeunes officiers très amoureux que leurs fiancées sont, selon lui, comme toutes les autres femmes, infidèles. Et d’élaborer tout un stratagème pour prouver sa thèse. Il leur demande de se déguiser en riches Albanais pour séduire les deux sœurs. L’ultime opéra de Mozart commence comme un marivaudage qui interroge la loyauté des femmes, sans jamais remettre en cause le statut des hommes.

Le metteur en scène Dmitri Tcherniakov modernise radicalement l’opéra, composé deux ans avant la mort de Wolfgang Amadeus Mozart, en sondant le désordre amoureux. Les jeunes ont pris un coup de vieux et sont à la recherche d’un peu d’aventures pour épicer leur vie. "Tout a changé depuis la création de cet opéra il y a près de 250 ans, mais aussi depuis que j’ai travaillé pour la première fois sur Così, il y a vingt-cinq ans, en Allemagne. Tout a changé : nous avons des normes sociales et morales différentes ; les lignes rouges à ne pas franchir ne sont plus les mêmes. Si l’on veut être honnête en abordant cette œuvre, si l’on veut considérer ces personnages comme des êtres vivants, il est impossible de prendre le livret au pied de la lettre", explique le metteur en scène dans sa note d’intention.

Ainsi font-ils tous

Dmitri Tcherniakov questionne donc le désir et l’amour. Il transpose ses personnages, quinquagénaires aisés, dans un lieu échangiste, coupé du monde. Le décor est composé de deux chambres identiques, une table pour six personnes et de deux fauteuils autour d’un poêle. Don Alfonso et sa complice Despina, jouée par une Patricia Petibon très inspirée, sont les gardiens de ce lieu au design froid. Les jeunes officiers sont grisonnants. Ils ne sont plus fiancés, mais mariés depuis des décennies. Il n’y a plus de tromperie, car les couples sont consentants. Vont-ils échanger les partenaires le temps d’un week-end ? Ce qui a commencé par un jeu peut prendre une autre tournure.

Scène de "Così fan tutte" au théâtre du Châtelet. (THOMAS AMOUROUX)

En dépoussiérant une œuvre qu’il juge anachronique, Dmitri Tcherniakov a séduit une grande partie du public, mais a aussi suscité les huées de quelques-uns. Sur scène, une grande complicité règne entre les artistes. Les six chanteurs ont déjà interprété les différents personnages par le passé et connaissent donc parfaitement leurs rôles. L’un des moments forts de Così fan tutte est le solo d’Agneta Eichenholz. La soprano suédoise a remarquablement incarné Fiordiligi. La musique occupe un espace particulier dans Così fan tutte, elle est même le septième personnage, porté par le chef d’orchestre Christophe Rousset. Avec Dmitri Tcherniakov, Così fan tutte est devenu Così fan tutti (Ainsi font-ils tous). Ils et elles font quoi ? Vivre avec leurs failles et leurs forces.

La fiche

Titre : Così fan tutte

Musique : Wolfgang Amadeus Mozart

Livret : Lorenzo da Ponte

Direction musicale : Christophe Rousset

Mise en scène, scénographie : Dmitri Tcherniakov

Distribution : Agneta Eichenholz, Claudia Mahnke, Rainer Trost, Russell Braun, Georg Nigl, Patricia Petibon

Orchestre : Les Talents Lyriques

Durée : 3h20 (avec entracte)

Langues : italien surtitré en français et en anglais

Lieu : théâtre du Châtelet, 1 place du Châtelet, 75001 Paris

Dates : jusqu’au 22 février 2024

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