A Bastille, des "Puritains" qui ne font pas rêver
![Maria Agresta (Elvira)
(Opéra national de Paris/ Andrea Messana)](https://www.francetvinfo.fr/pictures/VuU1Zz5TiPKltysJzbgMgGq-ppI/36x0:623x330/432x243/2019/04/12/puritains_1.jpg)
Pourtant chacun des spectateurs que j’écoutais samedi soir y allait de sa réserve : pour l’un une histoire idiote, pour l’autre des voix peu idiomatiques, ou le décor lugubre, bref une production sèche et grise. Précisons… et nuançons!
« Les Puritains », d’un Bellini de 33 ans dont c’est la dernière œuvre, conte l’éternelle histoire des amants confrontés à la grande Histoire : dans l’Angleterre de Cromwell qui vient de décapiter son roi, Elvira, promise par son père au cromwellien Riccardo, aime et est aimée d’Arturo, partisan du roi. Mais Arturo croise la reine, elle aussi condamnée à mort, et l’a fait évader en lui donnant l’identité d’Elvira. Elvira se croit trahie, elle sombre dans une folie mélancolique dont ni Giorgio, son oncle, ni Riccardo, ne cherche à la sortir. Arturo revient, s’explique (vaguement), on l’arrête pour trahison, mais la paix est signée, tout le monde s’embrasse et les amants sont heureux.
De ce livret plein de trous, où les rebondissements ne sont jamais relayés par la psychologie des personnages, Bellini ne tire rien, son Angleterre puritaine n’est qu’une toile de fond comme une autre. Tout au contraire d’un Verdi, trente ans plus tard, qui rendra à merveille, dans « Don Carlo », la sinistre atmosphère de l’Espagne de Philippe II. Or, cette intrigue décousue, Laurent Pelly, le metteur en scène, ne fait rien lui non plus pour la rendre cohérente. Un château stylisé emprisonne l’héroïne sur un plateau nu aux magnifiques éclairages (de Joël Adam), les sinistres (car « Puritains ! ») costumes gris et noir sont très beaux, les mouvements de foule superbement chorégraphiés (les chœurs sont excellents) et… les solistes laissés à eux-mêmes et à l’énigme de leur sort. La rencontre d’Arturo et de la reine déchue est d’ailleurs mise en scène comme ne l’oserait pas un assistant d’école de spectacle.
Reste le cas de Dimitri Korchak. Ce jeune russe de 34 ans est le premier de son pays à se spécialiser dans le répertoire italien. Pas comme un Alagna ou un Pavarotti (beaucoup le regrettent !) mais de cette voix « blanche » et claire, qui tranche et frappe (et à laquelle je suis personnellement très sensible), aux aigus d’une incroyable facilité (les aigus les… plus hauts du répertoire de ténor !), évidemment sans le velours et la moire des grands chanteurs latins. Il est en tout cas le seul à composer un personnage cohérent, fougueux, inconscient et bravache, une sorte de modèle du combattant romantique qui cherche la mort avec éclat…
Mais voilà : pour tout puriste de l’opéra, Bellini, c’est la quintessence du chant, le « bel canto » absolu, le nectar… On se fiche que l’histoire soit mal fichue, on veut simplement les meilleurs chanteurs du monde ! Globalement ces « Puritains » sont dignes, et très largement, de notre grande scène nationale. Dans les détails, dans les recoins, dans nos rêves de chant parfait (et qui, peut-être, n’existe pas), c’est autre chose.
Réservations : 01 40 01 19 70
9 représentations du 25 novembre au 19 décembre
Direction musicale : Michele Mariotti
Mise en scène et costumes : Laurent Pelly
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.