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Le chanteur brésilien Toquinho en concert à Paris : dix perles de son répertoire

Toquinho, illustre guitariste et chanteur brésilien, se produit à Paris, à la Cigale, dimanche 6 octobre. Avec Vinicíus de Moraes, Chico Buarque ou encore Jorge Ben, il a cosigné de nombreux joyaux de la musique populaire brésilienne. En voici une petite sélection.

Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12min
Le chanteur et guitariste brésilien Toquinho en concert le 25 juillet 2019 à Carthagène, en Espagne, au festival La Mar de Músicas (MARCIAL GUILLEN / EFE / MaxPPP)

La carrière de Toquinho, entamée il y a plus d'un demi-siècle, est marquée par de nombreux partenariats musicaux. On se souvient surtout de sa grande histoire d'amitié avec Vinícius de Moraes, interrompue par la mort du poète en 1980. Avant cette rencontre majeure, le guitariste, chanteur et compositeur natif de São Paulo avait enregistré sa première chanson avec Chico Buarque et connu son premier succès avec Jorge Ben. À partir des années 80, Toquinho, de son vrai nom Antonio Pecci Filho, a poursuivi sa carrière en solo, enregistré des disques pour enfants, signé l'adaptation brésilienne de la comédie musicale Cats... Ces dernières années, le musicien, qui a rasé sa célèbre moustache, a entamé une collaboration avec la violoncelliste Ophélie Gaillard. Un disque en duo sort en novembre. La musicienne française, qui s'est déjà produite sur scène avec lui, participe au concert que Toquinho donne à la Cigale, à Paris, dimanche 6 octobre, avec le pianiste Gabriel Sivak. En attendant, voici une sélection de compositions du guitariste...


1Tarde em Itapoã (paroles de Vinícius de Moraes) - 1971

Probablement la plus célèbre composition de Toquinho, sur un texte de Vinícius de Moraes. En 1970, le guitariste de 24 ans entame une collaboration avec le poète, diplomate et parolier de la bossa nova. Pas encore complètement convaincu par le jeune homme avec lequel il vient d'écrire deux ou trois chansons, Vinícius écrit un texte, Tarde em Itapoã, sur la douceur d'un après-midi dans ce quartier de Salvador de Bahia. Il envisage d'en confier la musique au chanteur et compositeur Dorival Caymmi d'origine bahianaise. Sans prévenir son illustre aîné, Toquinho subtilise les paroles dactylographiées et compose en quelques jours une musique qui ne nécessite pas de changer le moindre mot, la moindre virgule. Quand il présente la chanson à Vinícius, ce dernier renonce à contacter Caymmi... Après son partenariat doré avec Tom Jobim, il s'est trouvé son nouveau frère de musique. La chanson figurera l'année suivante dans un album studio du tandem, Como dizia o poeta... (1971) enregistré avec la chanteuse Marília Medalha. La vidéo ci-dessus en présente peut-être la plus belle version filmée :Toquinho l'interprète avec un illustre Bahianais, Gilberto Gil.

2Samba pra Vinícius (partenariat avec Chico Buarque) - 1974

Parue sur l'album Vinícius & Toquinho (1974), cette chanson est une déclaration d'amour et d'admiration de Toquinho et Chico Buarque à Vinícius de Moraes, alors ami depuis quatre ans pour le premier, ami de toujours pour le second (le père de Chico, l'historien Sergio Buarque de Holanda, fréquentait l'élite intellectuelle brésilienne bien avant la naissance de son fils chanteur). Chico Buarque chante sur la version du disque qui comporte des clins d'œil aux classiques Samba da Bênção (Baden Powell/Moraes) et Se todos fossem iguais a você (Jobim/Moraes). Le document vidéo ci-dessus enchaîne deux performances télévisées. La première, datant probablement de 1974, montre un Vinícius silencieux tandis que Toquinho et le groupe vocal féminin Quarteto em Cy interprètent la chanson. La seconde, qui date des années 80, réunit les deux auteurs de la chanson, Toquinho et Chico, dans un hommage radieux, lumineux, au poète disparu.

3Que maravilha (partenariat avec Jorge Ben) - 1971

Toquinho et le chanteur Jorge Ben ont commencé à travailler ensemble en 1969. La même année, les deux musiciens, réunis chez la petite amie du guitariste, Carolina, composent et écrivent Que Maravilha, une chanson qui parle de pluie et d'amour. Le titre sera présenté à un concours mensuel de musique populaire brésilienne (MPB) sur la chaîne TV Tupi où il remportera le 1er prix. D'abord sortie en single en 1969, la chanson a intégré plus tard le répertoire de l'album Negro é lindo (1971) de Jorge Ben (en voici une belle version live de 1972). Que maravilha est le premier grand succès de la carrière de Toquinho. En face B du disque, on trouve une autre pépite signée Toquinho et Jorge Ben : Carolina Carol Bela.

4Regras Tres (paroles : Vinícius de Moraes) - 1971

Une samba mélodieuse et entraînante (comme tant d'autres du tandem), composée par Toquinho et mise en paroles par Vinícius de Moraes. Ce classique de leur répertoire commun a été enregistré initialement dans l'album São demais os perigos desta vida (1971). Vinícius a dû réécrire les paroles parce que le guitariste n'aimait pas le premier texte, ce qui n'a pas manqué de vexer le poète... Aussi, dans la seconde mouture, l'illustre parolier met en garde contre l'inconstance et le papillonnage en amour qui amènent inévitablement à blesser une femme et à se retrouver soi-même, un jour, seul avec sa tristesse. Ces paroles cinglantes s'adressaient directement à Toquinho qui collectionnait à l'époque les petites amies...

5Samba de Orly (paroles : Chico Buarque) - 1971

La chanson, un classique du répertoire de Chico Buarque qui en est l'auteur, a été composée et écrite entre 1969 et 1970 sur une musique de Toquinho, avec une intervention de Vinícius de Moraes sur le texte. En 1969, Chico Buarque, exilé en Italie pour fuir la pression de la junte au pouvoir au Brésil, invite Toquinho à lui rendre visite. Après quelques mois de séjour, avant de repartir, Toquinho soumet un thème à Chico Buarque, sur lequel ce dernier pose des paroles exprimant son ressenti d'exilé. Quand Vinícius voit le texte, il le trouve trop mesuré et propose de durcir certains vers. Passée au crible de la censure, la chanson sera recalée à cause de ces lignes. Chico Buarque a dû faire marche arrière le temps de laisser passer l'orage... Le titre de la chanson fait bien sûr référence à l'aéroport d'Orly, escale bien connue des exilés brésiliens en Europe. La chanson figure sur le mythique album Construção (1971) de Chico Buarque.

6Carta ao Tom 74 (paroles : Vinícius de Moraes) - 1974

Extraite de l'album Toquinho & Vinícius (1974), la chanson Carta ao Tom 74 fait un clin d'œil à une charmante habitude d'Antônio Carlos "Tom" Jobim : celle d'échanger d'abondantes correspondances avec ses proches. En 1974, nostalgique de son ami qui passe beaucoup de temps aux États-Unis pour sa carrière, Vinícius lui dédie quelques lignes formulées comme une lettre. Il ne les poste pas, mais il demande à Toquinho de les mettre en musique. Les paroles évoquent la "saudade" des débuts de la bossa nova, avec des souvenirs précis de l'époque où Jobim habitait au "107, rue Nascimento Silva", à Ipanema. De fait, dans les premières notes instrumentales de la chanson, Toquinho cite ouvertement l'introduction de Corcovado, grand succès de Jobim. En réponse, ce dernier, écologiste dans l'âme, écrit une version parodiée de la chanson, soulignant avec un humour sarcastique que le Rio de leur jeunesse n'existe plus, bétonné par les promoteurs immobiliers décidés à "en finir avec la nature"... Dans les années 1977-78, les trois musiciens s'amuseront à jouer sur scène une version incluant la "lettre à Tom" et sa réponse.

7Lua Cheia (paroles : Chico Buarque) - 1967

À 17 ans, Toquinho noue une relation d'amitié avec Chico Buarque. À la même époque, celui-ci devient le premier auteur à poser un texte sur une des compositions du jeune guitariste. La chanson Lua Cheia (pleine lune) sera enregistrée par Chico sur l'album Chico Buarque de Hollanda - Volume 2 (1967). Des années plus tard, en 1996, Toquinho la chantera lui-même pour un recueil discographique du label brésilien Biscoito Fino, Toquinho e suas canções preferidas.

8Cotidiano n°2 (paroles : Vinícius de Moraes)

Lancée en 1973 dans l'album Sao demais os perigos dessa vida, cette chanson est un clin d'œil au titre Cotidiano de Chico Buarque sorti deux ans plus tôt. Dans le texte, Vinícius mentionne Pablo Neruda qu'il cite dans le premier vers, "Há dias que eu não sei o que me passa". Enfin, c'est ce qu'il croit. En vérité, sa mémoire lui a joué des tours. À l'occasion d'une rencontre avec l'illustre poète chilien, il fait mention de sa citation. Neruda le remercie de l'hommage mais l'assure que ce vers ne provient pas d'un de ses poèmes mais d'un tango argentin. Gros embarras de Vinícius, alors que Toquinho, qui assiste à la scène, se retient de s'esclaffer... jusquà ce que tout le monde éclate de rire. Cette anecdote figure dans le livre Toquinho (Leya) consacré aux partenariats musicaux du guitariste, et dont certains passages ont été relayés dans les médias au Brésil.

9Como dizia o poeta (partenariat avec Vinícius de Moraes) - 1971

Cette chanson est un classique du partenariat entre Toquinho et Vinícius. Elle figure dans leur album studio Como dizia o poeta... sorti en 1971, soit un an après leur tout premier disque qui était une captation de leur concert mythique donné avec la chanteuse Maria Creuza en Argentine en 1970, Vinicius de Moraes en "La Fusa" con Maria Creuza y Toquinho. L'année 1971 s'avère très riche pour les deux compères en termes de production discographique.

10Sei lá (partenariat avec Vinícius de Moraes) - 1971

La chanson Sei lá... A vida tem sempre razão, lancée dans l'album Toquinho e Vinícius en 1971, connaît une belle carrière dans la décennie qui suit. Tom Jobim la reprend dans l'un de ses deux albums enregistrés en duo avec la chanteuse Miúcha, Miúcha & Antônio Carlos Jobim (1977). Elle fera partie de la set-list de la tournée internationale de prestige que Jobim, Vinícius, Toquinho et Miúcha feront ensemble dans la foulée. Cette tournée passera notamment par l'Olympia en 1978, ou encore à Milan en octobre de la même année, où une émission télévisée sera consacrée à leur tour de chant. La vidéo ci-dessus en est extraite. On y voit une jeune percussionniste qui est une des filles de Vinícius de Moraes.

Bonus : Vinícius et Toquinho répètent sur une plage "A Tonga da Mironga do Kabuletê"


Cette chanson de 1970, qui emploie des termes puisés dans le candomblé afro-brésilien, constitue une protestation contre la junte militaire qui, de son côté, se targue à l'époque d'avoir réussi un "miracle économique" au Brésil. De son texte opaque, la censure ne verra que tu feu. La chanson connaîtra un grand succès. Ce document vidéo est touchant car on voit Toquinho et Vinícius de Moraes, avec un enfant sur les genoux, répéter la chanson au bord de l'eau... Puis Toquinho, bien des années plus tard, la chante avec sa guitare pour la télévision brésilienne ou un documentaire.

On aurait pu ajouter tant de chansons comme le très beau Doce Vida (1981), cosigné par Francis Hime, ou d'autres classiques de l'époque de Vinícius comme le sarcastique et joyeux Testamento (1975)... Reste à savoir ce que nous réserve Toquinho pour dimanche soir.

Toquinho en concert à Paris
Dimanche 6 octobre 2019 à La Cigale, 19H00
120, bd de Rochechouart 75018
Avec Ophélie Gaillard (violoncelle) et Gabriel Sivak (piano) sur une partie du concert

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