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L'organiste Mamman Sani, au-delà des frontières du Niger

Inconnu du grand public, Mamman Sani est devenu une légende au Niger avec un seul album, sorti sur cassette en 1981. Grâce à cette cassette retrouvée en 2013 par un producteur américain, l'organiste autodidacte est parti en tournée en Europe. Il travaille actuellement sur la sortie d'une œuvre intégrale.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Mamman Sani, organiste autodidacte, à Niamey (Niger) le 21 juillet 2016.
 (ISSOUF SANOGO / AFP)

L'orgue hypnotisant de Mamman Sani s'apprête à sortir des limbes du Niger. Plus de trente ans après la sortie de son unique album, en 1981, le musicien travaille au Ghana sur la sortie d'une oeuvre intégrale. Elle devrait compter des dizaines d'albums.

En 2013, le musicien et producteur américain Christopher Kirkley fouille dans les archives musicales du musée de Niamey (capitale du Niger) à la recherche de morceaux oubliés. "L'endroit débordait de CD, de cassettes et de bobines, tous poussiéreux. Je me préparais à une semaine de recherche pour échapper à l'insoutenable chaleur dehors, mais la cassette de Mamman a été la première que j'ai tirée des étagères", se souvient ce spécialiste des musiques sahéliennes auprès de l'AFP. "J'ai failli passer à autre chose mais la photo -en noir et blanc d'un jeune homme devant un orgue- m'a attiré."

"On aurait dit la bande-son d'un jeu vidéo de caravanes"

Le producteur découvre alors la musique "intrigante" d'un artiste devenu incontournable dans son pays. "Les compositions instrumentales étaient simples mais oniriques, répétitives, hypnotiques. C'était ésotérique et bizarre. Ca ne ressemblait à rien de ce que je connaissais. On aurait dit la bande-son d'un jeu vidéo de caravanes traversant un désert pixelisé."

Dans la foulée, Christopher Kirkley tente de lancer Mamman Sani en Europe. Entre 2013 et 2015, les deux hommes partent en tournée et trois vinyles sortent : "Mamman Sani et son orgue : la musique électronique du Niger", "Taarit" et "Mamman Sani Abdoulaye – Unreleased Tapes 1981-1984". Pour le producteur, "Mamman est l'un des premiers à avoir "hybridisé" la musique traditionnelle avec un synthé moderne" pour créer une musique "d'avant-garde, très personnelle, sans compromis."

Mamman Sani et l'orgue, un "coup de foudre" 

Avant de se mettre à l'orgue, Mamman Sani était "l'homme à l'harmonica". Né à Accra (capitale du Ghana) en 1952, d'un père nigérien et d'une mère ghanéenne, il arrive au Niger à la fin des années 50. A partir de 1968, il se met à la musique : "Un maçon me prêtait son harmonica pour les week-ends. Je jouais le samedi soir les tubes français de l'époque : "J'entends siffler le train"; Johnny Halliday, Sylvie Vartan…" Le musicien autodidacte se fait ensuite les doigts sur une guitare, dont une partie des six cordes sont des câbles de frein. Bercé par la musique noire américaine (Otis Redding, James Brown, Percy Sledge…), Mamman Sadi compose ses premières chansons. Le soir, il se produit régulièrement en public.

Ce n'est qu'en 1970 qu'il découvre l'orgue grâce à un musicien burundais de passage. C'est le "coup de foudre" immédiat, se souvient le musicien. Pour pouvoir s'en acheter un, il brade sa moto en avril 1979 après être tombé sur une annonce : "Vends orgue électronique à deux claviers Orla Compagnon Duo. 250.000 F CFA (400 euros)."

Trente ans plus tard, malgré son succès et une reconnaissance nationale, Mamman Sani a toujours du mal à joindre les deux bouts. Celui qui n'a jamais vécu de son art, "à l'exception de quelques cachets souvent minables" confie-t-il, a été obligé de vendre un de ses deux orgues cette année. Il s'est retrouvé plusieurs semaines sans instrument.

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