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Dernier hommage à Cesaria Evora au Cap-Vert

Des milliers de personnes ont assisté, mardi au Cap-Vert, aux obsèques nationales de la chanteuse Cesaria Evora, morte samedi à l'âge de 70 ans, sur son île natale de Sao Vicente.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture
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L'hommage à Cesaria Evora à Mindelo (20/12/11)
 (AFP / STR)

Un long adieu en quatre actes
Mardi dans la matinée, la dépouille de la "diva aux pieds nus" a d'abord été transférée de l'hôpital où elle a rendu son dernier souffle à la résidence de sa famille à Mindelo. Dans les rues, des milliers de personnes émues aux larmes ont chanté et applaudi au passage de son cercueil accompagné de 30 gardes d'honneur de l'armée capverdienne.

Puis, toujours dans la même ferveur populaire, le corps a été transporté jusqu'à la mairie, où un défilé ininterrompu d'admirateurs est venu se recueillir. C'est là que la cérémonie officielle s'est déroulée. "Elle a chanté et enchanté tous les continents depuis plus de deux décennies de carrière, elle a illuminé le monde", a déclaré le président de la République Jorge Carlos Fonseca. "Ceseria n'est pas une héroïne. Cize (comme elle était appelée dans son pays) est nous tous. Cesaria est le Cap-Vert" et c'est pour cela qu'avec elle, "nous mourrons tous un peu", a ajouté le chef de l'Etat.

A ses côtés, se trouvaient le Premier ministre José Maria Neves, le ministre de la Culture Mario Lucio Sousa, lui-même chanteur et ami de Cesaria Evora, ainsi que de très nombreuses autres personnalités politiques et du monde culturel, en particulier de nombreux chanteurs et chanteuses de l'archipel, dont Lura. Le secrétaire d'Etat à la Culture du Portugal, Francisco José Viegas, avait fait le déplacement.

Les obsèques de Cesaria Evora (20/12/11)
 (AFP / STR)

Le cercueil a ensuite été amené jusqu'à l'église Nossa Senhora de Luz pour l'éloge funèbre de l'évêque du diocèse de Mindelo, Mgr Ildo Strong, avant l'enterrement au cimetière de la ville, où Cesaria Evora a été inhumée à 17H00 GMT.

Depuis l'annonce de sa disparition, qui a soulevé une émotion considérable, les hommages n'ont cessé d'affluer vers le Cap-Vert, République insulaire de l'océan Atlantique au large de l'Afrique.

Deuil national
Samedi 17 décembre, le gouvernement capverdien avait décrété un deuil national de 48 heures après la mort de la chanteuse, dont le président de la République, Jorge Carlos Fonseca, a estimé qu'elle était "l'une des références majeures de la culture du Cap Vert". Dimanche, les drapeaux étaient en berne sur tous les bâtiments publics des neuf îles habitées de l'archipel du Cap-Vert, situé dans l'Atlantique à 500 km à l'ouest de la capitale du Sénégal, Dakar. Ils le sont restés jusqu'à mardi.

Une santé trop fragile
De santé fragile depuis plusieurs années, Cesaria Evora avait décidé, fin septembre, de mettre fin à sa carrière. Son grand état de faiblesse avait obligé la "diva aux pieds nus" à annuler tous les concerts prévus à la fin de cette année 2011. Elle avait déjà ralenti le rythme de ses apparitions sur scène depuis quatre ans, en raison de soucis de santé. Elle avait été victime d'un accident vasculaire cérébral en mars 2008 avant de subir une opération à coeur ouvert en mai 2010 à la suite d'un problème coronarien.

Cesaria Evora avait raconté au Monde en septembre qu'elle n'avait plus la force : "La vie continue, je suis venue vers vous, j'ai fait de mon mieux, j'ai eu  une carrière que beaucoup aimeraient avoir." Elle était retournée dans son île natale un mois plus tard.

Vendredi 16 décembre, la chanteuse capverdienne avait été admise au service de soins intensifs de l'hôpital Baptista de Sousa sur l'île de Sao Vicente, selon le directeur de l'hôpital cité par le site du journal portugais "Jornal de Noticias". Elle s'est éteinte le lendemain.
 

 

La fille d'une cuisinière du Cap-Vert devenue star internationale
Cesaria Evora était née dans l'île de Sao Vicente, dans le nord du Cap-Vert. Elle était la fille d'un musicien et d'une cuisinière et faisait partie d'une fratrie de sept enfants. Son père meurt alors qu'elle n'a que sept ans et sa mère, incapable de nourrir ses enfants, la confie à un orphelinat.

A l'âge de 16 ans, elle chante la "sodade" (blues, nostalgie) dans les bars et les soirées privées, émerveillant son public avec des chansons sur l'amour, la pauvreté ou la mer. Pendant dix ans, elle connaît une période noire entre alcool et solitude, où elle se tait.

C'est la proposition de concerts au Portugal, en 1985, qui la sort du marasme. Elle rencontre le Franco-Capverdien José Da Silva qui devient son producteur et son mentor. Il lui offre de se produire à Paris. Elle est sur le chemin de la reconnaissance internationale.

Cesaria Evora le 10 octobre 2009 à Paris
 (Thomas Coex / AFP)

Un succès tardif et énorme
Le public français découvre la voix rauque de cette ancienne chanteuse des bars de Mindelo (capitale de Sao Vicente) en 1992, au moment de la parution de son troisième album, "Miss Perfumado ", et de deux concerts triomphaux au Théâtre de la Ville à Paris.

Le succès, tardif pour une chanteuse alors déjà âgée de 50 ans, ne s'est ensuite jamais démenti. Elle a conquis le monde entier, popularisant le style musical capverdien de la "morna". "Miss Perfumado", qui s'ouvre avec le célèbre "Sodade ", et tous ses albums suivants se sont vendus à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires.

Ses tournées la mènent des Etats-Unis à la Suède, du Japon au Sénégal. Elle arrive sur scène pieds nus, et ne se prive pas d'une cigarette ou d'une gorgée de cognac entre deux chansons.

En octobre 2008, Cesaria Evora avait publié son onzième et dernier album studio "Nha Sentimento", après plus de trois ans et demi d'absence. En 2010, elle avait publié un album de duos avec les plus grands chanteurs lusophones et hispanophones (Bonga, Teofilo Chantre, Marisa Monte, Caetano Veloso, Compay Segundo), africains, français (Salif Keita, Bernard Lavilliers).

Elle avait reçu le Grammy Award du meilleur album de world music en 2005 et avait été faite chevalier de la Légion d'honneur en février 2010.

Sacrée Chevalier de la Légion d'Honneur à Paris (9/2/09)
 (AFP / Patrick Kovarik)

Hommages
- Bernard Lavilliers a rendu hommage à une voix "unique". "C'est pas une voix traficotée qui ferait du blues parce que c'est la mode", a-t-il déclaré sur France Inter. "Elle avait beaucoup d'humour et  elle draguait les garçons. On a dansé ensemble à Paris dans le XVIIIe, elle me disait, en portugais : 'Tu peux me serrer plus fort, les vieilles, ça s'accroche pas'."

- Le président  capverdien, Jorge Carlos Fonseca, a déclaré samedi après l'annonce de la mort de Cesaria Evora : "Cette mort nous attriste et nous désole, parce qu'elle était l'une des références majeures de la culture du Cap Vert (...) Quand on parle du Cap-Vert dans le monde, le nom de Cesaria vient toujours en premier, ce qui montre le poids symbolique que la chanteuse et sa voix étaient pour le pays."

- Le ministre français de la Culture Frédéric Mitterrand a exprimé samedi la "Sodade pour tous les amoureux de la musique". "Le succès de Cesária Évora, c'est aussi le symbole d'une profonde amitié franco-capverdienne", a-t-il affirmé, rappelant que la chanteuse a commencé sa carrière internationale "par la fulgurance de sa percée auprès du public français". "Aujourd'hui, la France partage sa peine avec le Cap-Vert."
 

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