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Brésil : la suppression du ministère de la Culture fait scandale

Depuis ce week-end, les artistes s'insurgent contre le gouvernement nommé à la suite de l'éviction de la présidente Dilma Rousseff. Certains ont qualifié ainsi de "grand recul" la disparition d'un ministère exclusivement dédié à la Culture sous la nouvelle équipe nommée jeudi par le président intérimaire Michel Temer.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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La nuit va-t-elle retomber sur la culture au Brésil ? Caetano Veloso et Gilberto Gil (ancien ministre de la Culture du Brésil), membres de l'association Procure Saber, en concert à Tel-Aviv (28 juillet 2015)
 (Ariel Schalit / AP / Sipa)

Mendonça Filho a été nommé jeudi ministre de l'Éducation et de la Culture au sein d'un gouvernement resserré qui a succédé à celui de la présidente Dilma Rousseff, écartée du pouvoir dans le cadre d'une procédure de destitution, en attendant son jugement par le Sénat d'ici six mois.

Si "Dilma", comme on dit là-bas, a été évincée pour des motifs relatifs à des scandales de corruption, au moins trois membres du nouveau gouvernement sont cités dans l'enquête Petrobras, dont Romero Juca, ministre-clé en charge de la Planification. Trois autres font l'objet d'une enquête, selon le site spécialisé Congresso em Foco, tandis que deux ministres sont les fils d'hommes politiques cités dans le scandale Petrobras. Et après un gouvernement mené par la première femme présidente du Brésil, l'équipe de Temer donne une étrange impression de retour en arrière : pas de femme, pas de Noir, pas de profil proche des classes pauvres.

Lettre ouverte à Temer

L'association Procure Saber (cherche à savoir), qui regroupe des artistes comme les chanteurs Chico Buarque, Caetano Veloso et Gilberto Gil, a écrit une lettre ouverte à l'attention de Michel Temer, publiée par le journal "O Globo" pour critiquer la fusion des deux ministères.

"Si le ministère de la Culture perd son statut et dépend d'un ministère qui a une autre priorité (...), on court le risque de perdre toute l'expertise qui s'y est développée au sujet notamment des règlements du droit d'auteur, de la législation sur divers aspects d'internet (comme la reconnaissance et le respect d'organismes internationaux spécialisés), de la protection du patrimoine et du soutien aux expressions populaires", écrit l'association.

"Un grand pas en arrière"

"C'est pourquoi la disparition du ministère de la Culture sous votre autorité, comme chef de la nation, est considérée par le milieu artistique comme un grand pas en arrière. Le ministère de la Culture représente le principal moyen pour développer une situation de tolérance et de respect des différences, quelque chose de fondamental dans le moment que le pays traverse".

Selon les observateurs de la situation politique du Brésil, cette disparition constitue un nouveau signe d'allégeance aux conservateurs et aux élites du pays qui ont obtenu l'éviction du pouvoir de la présidente Rousseff. Cette mesure est "une vengeance contre le rejet immensément majoritaire, de la part du monde des arts et de la culture, du coup d'Etat accompli", a fustigé l'écrivain Eric Nepomuceno, cité lundi dans "Télérama".

Vendredi, dans le bâtiment du ministère de la Culture , Mendonça Filho a été chahuté par des fonctionnaires qui lui ont crié "putschiste !" et ont ponctué son premier discours de chants hostiles. Certains portaient également des pancartes critiques, comme "Dégage" ou "Nous ne reconnaissons pas un gouvernement putschiste". Mendonça Filho, qui s'est dit ouvert au dialogue, a quitté sous les sifflets le siège du ministère voué à disparaître.

Le maire de Rio a également critiqué la disparition d'un ministère de la Culture autonome. "Je pense qu'incorporer la Culture dans le ministère de l'Education est une erreur", a estimé Eduardo Paes. "Nous devons nous mobiliser de façon tranquille et sereine. Je vais essayer d'aider à cela, dans la compréhension et le dialogue."

Des pétitions en ligne

Différentes pétitions sont apparues sur internet afin de protester contre la disparition du ministère de la Culture et réclamer son retour, en tête desquelles celle de Change.org, de Avaaz, ou encore du site des "Pétitions publiques".

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