Algeciras rend un dernier hommage à Paco de Lucia
Dans la petite église Notre Dame de la Palma, noire de monde, les amis musiciens de Paco de Lucia ont chanté et joué et joué de la guitare les uns après les autres. A l’extérieur, des centaines d’admirateurs suivaient la cérémonie sur un écran géant, massés sous la pluie.
A l’issue de la messe, le cercueil a été transporté dans une voiture couverte de fleurs jusqu’au cimetière de la ville, où l’enterrement s’est déroulé dans la plus stricte intimité.
La dépouille de Paco Lucia était arrivée la veille à Algeciras, sous une pluie d’œillets rouges, et avait été installée à la mairie, enveloppé dans le drapeau espagnol, rouge et jaune, et le drapeau andalou, vert et blanc. Elle a été accueillie dans les rues par une foule frappant en rythme dans les mains, criant "Maître, tu quittes ta ville. Maître tu quittes ta terre". Les fans ont défilé toute la nuit à la mairie pour lui rendre hommage.
Les uns l'écoutaient quand ils étaient petits. Les autres ont appris avec lui à jouer leurs premières notes. Lola Leon, une femme de 58 ans qui vient de signer le livre de condoléances, a passé son enfance dans le même quartier que lui. "Nous habitions tous deux à la Bajadilla", le quartier populaire où est né, le 21 décembre 1947, Francisco Sanchez Gomez, devenu mondialement célèbre sous le nom de Paco de Lucia, dans une famille modeste où jouer du flamenco était un gagne-pain.
A côté du livre déjà signé par des centaines de personnes, près des offrandes, des fleurs et des bougies, une grande photo du musicien, sa guitare dans les bras, regardait la foule qui attendait. Lola, témoin des concerts improvisés avec Camaron
"Nous étions très jeunes, j'avais 11 ans et il devait en avoir 19", a raconté Lola. Elle se souvient des concerts improvisés de Paco et de son compagnon de route, Camaron de la Isla, voix mythique du flamenco avec lequel il a formé un duo de légende. "Ils allaient chez un ami, et ils se mettaient à jouer. Nous les filles, on s'asseyait à la porte et on écoutait, ébahies", poursuit-elle.
Quelques mètres derrière, Juan Sanchez ne pouvait contenir ses larmes. Il a fait neuf heures de route depuis Barcelone, dans le nord-est de l'Espagne, pour dire adieu à l'ami qu'il a connu il y a 11 ans à Algésiras. "Ma soeur a une maison près de là où il habitait. Nous sommes devenus amis sur la plage du Rinconcillo et le dimanche, on passait notre temps à jouer aux cartes et aux dominos", se souvient cet électricien de 49 ans, la voix hachée par les sanglots. "J’ai appris à jouer en l’écoutant"
"C'était quelqu'un de très bien. Il donnait tout. Et c'était un grand maître. J'ai appris à jouer en l'écoutant", a-t-il ajouté, évoquant le souvenir de la rumba "Entre dos aguas", un des grands succès de Paco de Lucia.
"La vérité c'est que personne n'y croit. Paco était une icône, un génie. Nous avons toujours pensé que c'était un dieu et qu'il était immortel", a confié le danseur de flamenco David Morales, venu comme d'autres figures du flamenco, le danseur Farruquito ou la chanteuse Nina Pastori.
Surnommé "de Lucia" parce que c'était le prénom de sa mère, et formé par son père, un chanteur de flamenco méconnu, le jeune Paco avait commencé à 12 ans à jouer de la guitare, la nuit, dans les "tablaos", les salles de flamenco, avant de révolutionner ce genre traditionnel, le mêlant au jazz, à la musique classique, le métissant de multiples influences.
Rapatrié du Mexique, le cercueil exposé à Madrid et Algeciras
Le guitariste est mort mardi à 66 ans, d'une crise cardiaque, alors qu’il jouait avec son fils sur une plage mexicaine. La nouvelle a profondément ému toute l'Espagne.
Rapatrié vendredi, le cercueil a été exposé toute la journée dans une chapelle ardente à Madrid, où il a été salué par des milliers de personnes. Le prince héritier Felipe et la princesse Letizia eux-mêmes sont venus réconforter la famille.
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