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A Ambronay, la kora traditionnelle de Sona Jobarteh a fait danser les festivaliers

Venues des contrées d'Afrique de l'Ouest, les entraînantes mélodies de la chanteuse et joueuse de kora Sona Jobarteh, ont conquis le week-end dernier, le public du Festival d'Ambronay.

Article rédigé par Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Sona Jobarteh et ses musiciens sous le chapiteau du Festival d'Ambronay, le 14 septembre 2019.  (BERTRAND PICHENE / FESTIVAL D'AMBRONAY)

Sous le chapiteau installé sur la place conventuelle de l'abbaye d'Ambronay, Sona Jobarteh impose sa silhouette majestueuse. Robe longue rouge au grand col doré, cheveux tirés en arrière, elle déploie sa kora sur ses cuisses, sanglée à la taille. Demi-calebasse blanche élégamment couverte d'un tissu rouge, la caisse de résonnance est reliée à 21 cordes qu'elle pince de ses deux pouces, debout, la tête baissée vers l'instrument. Concentrée, à la manière d'un Miles Davis. Emportée.

Privilège de jouer de la kora

Sona Jobarteh est l'invitée de la programmation "musiques du monde" du 40e Festival d'Ambronay. Dès le premier morceau, la musicienne et chanteuse, entourée de ses musiciens, séduit son auditoire. Anglophone (père gambien et mère britannique), elle tente un français approximatif mais charmeur pour appeler le public à la rejoindre sur son titre Jarabi, allant et rythmé. Et ça marche. D'un coup d'un seul, les gradins du chapiteau s'animent, on bat les mains, claque des doigts, suivant le tempo du percussionniste Mouhamadou Sarr qui fait son show.

Sona Jobarteh à la kora au Festival d'Ambronay, le 14 septembre 2019.  (BERTRAND PICHENE : FESTIVAL D'AMBRONAY)

Musicienne complète, formée entre autres au Royal College of Music de Londres, Sona Jobarteh est surtout une joueuse de kora, ce qui ne va pas de soi. Déjà, seul le privilège de descendre d'une dynastie de griots l'autorise à jouer de cet instrument de manière professionnelle : petite-fille du grand maître de la kora Amadu Bansang Jobarteh, elle est issue d'une des cinq plus grandes familles de musiciens et poètes d'Afrique de l'ouest. Mais cela ne suffit pas : Sona a été initiée par son frère Tunde Jegede, autre virtuose, mais au mépris de la règle prévoyant la transmission de cet art uniquement entre hommes.

Tradition classique

A Ambronay, la kora ne dépareille pas : "l'instrument, vieux de 700 ans, est plus ancien que la plupart des instruments occidentaux utilisés ici", s'amuse Sona, que nous avons rencontrée avant le concert. "La tradition, classique, de la kora appartient à la cour royale, comme le baroque dont l'histoire est associée aux courts royales", précise-t-elle. La musicienne a l'art d'être à la fois gardienne du patrimoine, et d'en faire bouger les lignes : c'est elle qui compose ses musiques et en écrit les paroles de manière à les rendre "plus proches d'aujourd'hui". Mais n'y voit aucune contradiction : "c'est une mauvaise idée de croire que la tradition est dans le passé, pour moi elle doit être vivante, dans le présent. Autrement on risque de la perdre, cette tradition, et on ne sera plus percutant", lance-t-elle.

 

Mamamuso est l'un des moments forts du concert. Chanson hommage à sa grand-mère, Sona Jobarteh y célèbre cette femme courageuse, ciment de la famille, qui l'a encouragée à faire ce métier. Sa voix légèrement voilée épouse avec bonheur les gammes montantes de la kora, accompagnée par ses excellents musiciens qui lui donnent des allures contemporaines, entre jazz et pop. Il y a "une chanson sur les différentes cultures qu’on a en Afrique de l’Ouest", dit-elle, "sachant que la Gambie est un tout petit pays mais qui a beaucoup de différentes cultures, langues, instruments, j’appartiens à différentes traditions, donc c’est important de les respecter", nous explique-t-elle.

Thématiques sociales

Puis viennent Kaira, morceau traditionnel sur la paix, revisité par la chanteuse et Gambia, reprise en chœur par le public. "C'est une chanson qui célèbre l'indépendance du pays, mais qui veut aussi rappeler le long chemin qu'il reste à parcourir pour réaliser cette indépendance pour le peuple et pas seulement pour la politique". Pour Sona, ses textes se veulent "critiques, ils parlent de la nécessité de mettre en cause certaines certitudes sociales, ce qu’on accepte comme normal". Mais sous le chapiteau d'Ambronay, l'heure est à la fête, aux chansons d'amour, comme Kanu, et à la danse. Le public est debout, conquis par Sona Jobarteh et le son des cordes pincées de sa kora.

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