Lollapalooza : The Weeknd en esthète, Imagine Dragons unis, les Hives survoltés
Ce samedi, les tribunes de l'Hippodrome de Longchamp étaient bien vides. Sur le terrain, ce n'étaient pas les sabots des chevaux de courses qui piétinaient le sol, mais ceux de plus de 50.000 festivaliers venus du monde entier assister à la première édition parisienne du festival Lollapalooza. Pop, rock, électro, hip hop : tous les genres étaient proposés pour cette célébration de la musique à l'envergure démesurée.
Premier arrêt sur la scène alternative ("Alternative stage"), en milieu d'après-midi, avec le groupe d'indie pop anglo-espagnol Crystal Fighters. Au pied de la batterie, des petits motifs de tournesol. Sur les micros et amplis, des longues lianes de lierre touffues. En fond, une énorme toile multicolore aux motifs aztèques. Et, au milieu de la scène, un djembé, un exotique instrument à percussions et des xylophones en suspension. Bref, avec Crystal Fighters, on part en voyage assumé vers l’Amérique du Sud et ses sonorités chaleureuses et joyeuses. C’est d’ailleurs le message scandé en permanence par Sebastian Pringle, le chanteur du groupe, qui apporte à lui tout seul tout l’enthousiasme de la scène, habillé d’un poncho géant et coloré, la tête couronnée d’un masque à plumes blanches. "Ouvrez votre âme à l’amour le matin, le soir et le weekend !", crie-t-il en milieu de concert.
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Par moments, il agite une branche de laurier tel un prêtre en train de prêcher devant une foule de mélomanes croyants. Il est en transe. Il s’agite, se tord le cou, multiplie les mimiques au milieu de ses deux chanteuses qui se déhanchent en sourire. C’est jubilatoire. Même lors des virages électros plus brutaux, aux sons saccadés, l’atmosphère se parfume d’optimisme. Et que dire alors de ces moments où il appelle le public à se donner la main pour combattre "tout ces trucs merdiques (sic) qui se passent dans le monde" ? Les cœurs un peu cyniques pourraient en rire, mais ici, le public joue le jeu et assume d’être naïf. Malgré la petite bruine, les fans ne se découragent pas et resteront jusqu’à la fin. La fin, justement, où le groupe chante "Do you want to go to the plage with me ?" Drôle de contraste sous le ciel gris qui surplombe l’Hippodrome. Mais ce contraste ensoleillé est le bienvenu.
Les Hives, maîtres de l'autodérision
Ils entrent sur la B.O. des Dents de la mer. Preuve que les rockeurs suédois des Hives ont faim. Mais cette faim, ils en font montre avec une allure de dandy, engoncés dans leurs costumes noirs et blanc. En guise de première chanson, le classique "Come On" qui permet de vite donner le rythme. Ca crie, ça va vite, ça s’arrête, ça reprend. Entre-temps, le chanteur, Howlin Pelle Almqvist en profite pour galvaniser le public. Tout le concert est un jeu de dialogues empreints d’humour. "Pourquoi êtes-vous silencieux ?" ose-t-il demander à la foule tous les quarts d’heure. "Ca vous dérange si je me comporte comme un connard ? (sic) De toute façon, c’est un jeu de rock’n’roll", lance-t-il avant d’entamer un nouveau morceau. Ou de plonger vers la foule pour attraper des mains.https://twitter.com/lollapaloozafr/status/888817542105628672
Howlin Pelle Almqvist séduit. Il a la classe. Quand il s’assied sur la grosse caisse de la batterie du fond, il croise les jambes élégamment. Quand il boit une bière, il prend la pose. Comme au cinéma. Et quand il se retourne pour se désaltérer, il ne peut s’empêcher de trémousser son derrière pour divertir le public. Il est comme ça, il ne se prend pas au sérieux. "On commence par être fantastique, on devient magnifique, puis on atteint les Hives !" crie-t-il pour décrire l'ambiance incroyable du concert. Le culte "Tick Tick Boom" démarre. Ca transpire, ça mitraille, ça en jette. On peut appliquer aux Hives tous les poncifs propres aux concerts de rock. Oui, ils sont survoltés. Oui, ils retournent la scène et la tête du public. Oui, ce sont de vraies bêtes de scène. "C’est un tel privilège pour nous d’être ici, et pour vous aussi", rit le leader du groupe. Il n'a pas tort.
Imagine Dragons appelle à l'union
De quoi lancer avec brio le tube "It’s Time", toujours en chœur avec la foule de spectateurs. Puis, moment solennel. Avant d’entonner la ballade "Demons" qui évoque les affres de la dépression, Imagine Dragons choisit de faire un court hommage à Chester Bennington, leader des Linkin Park qui s’est suicidé il y a peu. Ce sera l’une des rares allusions à ce drame dans la journée. Puis, le show reprend et s’accélère. Vient ce moment insolite où, "transpirant beaucoup trop dans son pantalon", Dan Reynolds décide de le retirer sous les yeux de ses milliers de fans. Il finit donc en caleçon, avant de finalement enfiler un short "moche, le plus moche que j’ai jamais vu" pour rassurer son compagnon guitariste légèrement inquiet.
La mécanique est lancée : une reprise de "Song 2" de Blur chauffe la foule, enchantée de pouvoir porter et toucher de près le chanteur qui a courageusement décidé de s’y laisser porter à bout de bras. On le sent heureux d’être là, souriant comme un grand enfant, notamment sur le titre jouissif "On top of the world". A la fin, on jubile encore : le célèbre single "Radioactive" est revisité à coups de violons et de tambours géants, augmenté d’une scénique explosive, sous les cotillons qui pleuvent par milliers sur l’auditoire. L’atmosphère est à son apogée. Mais c’est déjà la fin. On aurait aimé voir ça un peu plus tôt sur scène.
The Weeknd en apothéose
Le soleil se couche sur l’hippodrome. Tout le monde se masse, se serre, pour voir ne serait-ce qu’un bout de la grande scène principale. C’est le clou final de la journée, et personne ne veut le manquer. The Weeknd se fait un peu attendre. Mais l'interprète de R'n'B/électro ouvre de façon percutante : un amas de projecteurs en forme d’équerre s’élève lentement au dessus de la scène, diffusant des lumières rouges inondant le public. C’est pour mieux introduire l’ambiance électro et feutrée du tube "Starboy", composé en collaboration avec le duo français Daft Punk.https://twitter.com/lollapalooza/status/888889635052695554
Le décor est minimaliste. Quelques lumières, quelques jets d’artifices, un jeu de superpositions de motifs aux écrans. L’esthétique est efficace, propre, belle. Abel Tesfaye, lui, a l’air tout petit sur cette grande scène presque vide, ses musiciens relégués au fond. Mais la présence du jeune homme joufflu et sa voix aigüe occupent l’espace. Viennent plus tard les touches de sensualité si chères aux créations du jeune américain. Ce sont des déclarations d’amour à Paris, aux femmes, aux corps des femmes, avec les titres “Shameless” de l’album “Beauty Behind the Madness” et son refrain “Je serai là pour toi”, ou encore “Acquainted”, où il répète “Je touche ton corps tout entier”.
On passe ensuite aux couleurs des roller disco façon années 80 avec "Secrets" et son synthé aux sonorités retro. C’est hype, et c’est une transition parfaite vers "I Can’t Feel My Face", le titre qui a révélé le jeune homme en 2015. Les feux d’artifice jaillissent enfin avec la douce et lancinante chanson "I Feel it Coming", probablement l’un des meilleurs morceaux de l’été. "Est-ce que c’est la plus grosse fête de France ici ce soir ?" s’exclame le chanteur. La réponse est oui, sans hésitation.
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