Le rappeur Emino a rejoint Daech, "il avait vraiment la rage"
Dans ses chansons, Emino parle de sexe, d'argent, d'alcool. Bad Boy anti-système, anti-flic, il y a moins d'un an, il apparaissait encore dans ses clips avec une casquette de travers et des lunettes américaines. Le rappeur réclamait alors un gros joint et un bon whiskey sec. Une vidéo qui contraste avec la dernière photo qu'il a postée de lui sur Facebook, il y a deux semaines, la veille de l'attentat du Bardo. On y voit Emino, keffieh autour du cou, tout en noir, le drapeau de Daech flotte derrière lui. Et ses fans accusent le coup. Saif, rencontré dans un taxi, a assisté à tous les concerts d'Emino. Il vient du même quartier La Manouba, dans le nord-ouest de Tunis, et il raconte le choc de l'annonce. "Au début, on a pensé que c'était drôle. C'est catastrophique. Ça fait mal au coeur ".
Pour Emino, c'est le passage en prison qui a tout fait basculer. Il y a passé huit mois en 2012, pour possession de haschich. C'est la fameuse loi 52 qui date de Ben Ali, jugé trop répressive à l'égard des jeunes et que même le gouvernement tunisien a promis d'abroger. Azyz Amami est une figure de la révolution tunisienne, blogueur, activiste. Il connaît bien Emino : "On s'était rencontrés après sa sortie de prison, il avait vraiment la rage. En prison, il est passé du statut de quasi-star à celui d'un insecte qu'on peut écraser ."
Aujourd'hui, plus de 3000 jeunes Tunisiens sont partis faire le djihad. C'est le plus gros contingent étranger de djihadistes en Syrie, en Irak ou en Lybie. En Tunisie, beaucoup accusent le parti islamiste d'Enharda d'avoir laissé prospérer les salafistes, quand il était au pouvoir en 2011. Mais les critiques visent aussi le gouvernement actuel, qui a laissé tomber ses jeunes.
L'avocat d'Emino, maître Ghazi Mrabet, explique que les jeunes Tunisiens sont aujourd'hui perdus.
D'après le dernier message posté sur son profil, Emino n'a pas l'air décidé à rentrer un jour chez lui, en Tunisie.
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