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Les candidats à la présidentielle et la culture : les propositions de Marine Le Pen

A l'heure où les grands chantiers de la culture ne semblent pas être au centre du débat politique, nous avons questionné les candidats pour connaître leur programme en matière de culture. Marine Le Pen a répondu par mail à nos questions. Au cœur de son dispositif culturel notamment, la protection du patrimoine et de l’identité nationale et la défense de la langue française.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture
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Marine Le Pen le 3 avril 2017.
 (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

Inscrire dans la Constitution la défense et la promotion du patrimoine historique et culturel est l’une des mesures phare proposées par Marine Le Pen. Avec un protectionnisme visant à maintenir et même à étendre l’exception culturelle française, la protection du patrimoine est l’une de ses grandes priorités : sa dotation budgétaire est augmentée de 25% dans le programme. La candidate nous dévoile aussi ses goûts culturels, comédies au cinéma, musique française et théâtre.

1. La culture pour vous, c’est quoi, à quoi ça sert ?
Je pourrais me contenter de vous citer Théophile Gautier : « Rien de ce qui est beau n’est indispensable à la vie. […] À quoi bon la musique ? A quoi bon la peinture ? Qui aurait la folie de préférer Mozart à M. Carrel, et Michel-Ange à l’inventeur de la moutarde blanche ? Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature». Néanmoins, je sais bien que l’art et la culture ne se limitent pas au beau et, surtout, je pense qu’ils sont plus qu’utiles, mais pas d’abord au sens économique. Pour l’individu, la culture est une richesse essentielle dans le développement de son esprit et de sa capacité à être libre, ce qui explique les beaux noms d’ « humanités » et d’« arts libéraux » qu’on a longtemps utilisés. C’est pourquoi je tiens à encourager la connaissance des arts et la création artistique. Enfin, la culture est un patrimoine qui nous inscrit dans une histoire et une civilisation. Elle est un lien fort d’unité pour un peuple. Et c’est le dialogue de leurs cultures qui permet aux différents peuples de s’enrichir mutuellement en respectant leurs différences et leurs spécificités.


2. Faut-il ou non un Ministère de la culture ?
Il me semble indispensable qu’il y ait un ministère de la Culture. L’action culturelle de l’État se décline selon plusieurs pôles : un pôle création et patrimoine pour permettre aux artistes vivants d’exercer et aux œuvres du patrimoine de continuer à vivre ; un pôle socio-culturel pour permettre un accès à la culture le plus large possible dans la population et éviter un cloisonnement déterminé par des critères socioéconomiques ; enfin un pôle marchand qui envisage l’aspect purement économique d’un secteur qui contribue largement à la richesse de la France (57,8 milliards d'euros de valeur ajoutée par an pour un coût total pour la collectivité de 21,5 milliards d'euros). Ainsi, si ce n’est pas à l’État d’avoir une mainmise sur la création artistique, c’est bien lui qui doit organiser le secteur économique de façon efficace, assurer la protection du patrimoine et l’accès de la population aux œuvres. Un ministère de la Culture est donc le meilleur moyen pour agir.

3. Quelles sont vos priorités dans le domaine de la culture ?
J’ai présenté plusieurs engagements concernant la culture dans mon projet présidentiel. Ils correspondent à mes priorités en ce domaine. Les voici :
. Défendre l’identité nationale, les valeurs et les traditions de notre civilisation française.
. Inscrire dans la Constitution la défense et la promotion de notre patrimoine historique et culturel.
. Défendre la langue française. Abroger notamment les dispositions de la loi Fioraso qui permettent de restreindre l’enseignement en français dans les universités.
. Développer le mécénat populaire par la création d’une plate-forme numérique dédiée.
. Bâtir une loi de programmation du patrimoine pour permettre un meilleur soutien à l’entretien et à la préservation du patrimoine. Augmenter le budget alloué de 25 %.
. Mettre un coup d’arrêt à la politique de vente à l’étranger et au privé de palais et
bâtiments nationaux.
. Lancer un grand plan national de création de filières (lycées, universités) des métiers d’art dans nos territoires et implanter un réseau de pépinières d’artistes sur tout le territoire.
. Restaurer une véritable éducation musicale généraliste dans les établissements scolaires.
. Réformer le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel avec la création de trois collèges : l’un composé des représentants de l’État, le deuxième de professionnels, le troisième de représentants de la société civile (associations de consommateurs, de téléspectateurs, etc.).
. Remettre en ordre le statut d’intermittent du spectacle par la création d’une carte
professionnelle afin de préserver ce régime tout en opérant un meilleur contrôle des
structures qui en abusent.
. Supprimer Hadopi et ouvrir le chantier de la licence globale.

4. Et quelle est la mesure que vous vous engagez à mettre en œuvre dès votre
arrivée au pouvoir ?

Comme je ferai dès le début de mon mandat une importante réforme constitutionnelle, la première mesure culturelle qui sera effective sera probablement l’inscription dans la Constitution de la défense et la promotion de notre patrimoine historique et culturel. Ensuite, ce sera la réforme du CSA, que je considère comme très urgente.

5. Dans quelle proportion souhaitez-vous augmenter ou diminuer le budget de
la culture ?

François Hollande a engagé, au début de son mandat, une baisse historique des
crédits du ministère de la Culture. Aucun de mes adversaires dans cette élection ne
reviendra sur cette baisse car tous sont enfermés dans le carcan de l’austérité que nous impose l’Union européenne. Pour ma part, je considère que la culture ne peut pas être une variable d’ajustement budgétaire. Je m’engage donc à augmenter le budget de la culture et notamment les crédits consacrés à la protection de notre patrimoine : l’effort budgétaire sur ce dernier point sera ainsi réhaussé de 25 %.

6. Êtes-vous favorable au maintien de l’"exception culturelle française" ?
Non seulement je tiens à l’exception culturelle française mais je veux même l’étendre à d’autres secteurs puisque je veux établir un protectionnisme intelligent permettant à toute notre économie de respirer et de vivre sans être menacée. Il faut d’ailleurs bien comprendre que les traités de libre-échange que l’Union européenne multiple en tous sens sont des menaces réelles pour l’exception culturelle française : la France en tant que telle ne négocie plus et les technocrates chargés des négociations n’ont que faire de cette exception culturelle. L’exception culturelle, âprement négociée et défendue, prouve d’ailleurs qu’un politique protectionniste menée avec discernement permet de garantir à un secteur son activité sans que sa capacité à rayonner à l’étranger en soit affectée.

7. Que proposez-vous pour favoriser l’accès à la culture pour tous ?
Je pense que l’accès à la culture pour tous doit s’organiser dès le plus jeune âge. Les mesures démagogiques de type « pass culturel pour tous » ne servent à rien car on sait que la gratuité ne suffit pas pour attirer un nouveau public. Il faut construire une familiarité avec les activités culturelles au fil des années durant toute l’éducation. Je veux repenser les rapports entre le secteur culturel et l’Éducation nationale. Une véritable éducation artistique et culturelle me paraît indispensable, en particulier une éducation musicale. Malheureusement, trop peu d’enfants ont l’occasion de s’inscrire au conservatoire et des critères socio-économiques sont de plus en plus déterminants dans le type de culture auquel les gens accèdent.

8. Êtes-vous favorable à la préservation du statut des intermittents ?
Je souhaite préserver ce régime tout en opérant un meilleur contrôle des structures qui en abusent. C’est pour cela que je propose la création d’une carte professionnelle. Il est important que les artistes et techniciens du spectacle soient protégés et puissent travailler sereinement mais les abus importants doivent être combattus sans faute. Cela suppose par exemple de mieux reconnaître le temps de répétition et de préparation mais d’être intransigeant avec les grands groupes, particulièrement audiovisuels, qui ont détourné le statut pour augmenter leurs profits aux dépens des finances publiques.

9. Quelles mesures pour la préservation du patrimoine ?
La préservation du patrimoine et sa mise ne valeur sont pour moi des priorités. L’importance du patrimoine est multiple : elle est bien sûr d’abord culturelle, en raison du grand intérêt que les monuments historiques français présentent. Mais elle est aussi démocratique car c’est l’héritage commun du peuple français qui lui permet d’inscrire son unité et son identité dans la longue durée (quelle que soit l’origine des individus, ils deviennent héritiers de l’histoire de France en devenant Français et le riche patrimoine de notre pays devient donc le leur). Je n’oublie pas non plus la dimension économique : le patrimoine permet d’attirer des touristes et il est devenu une ressource importante, voire essentielle, pour faire vivre des zones éloignées des grands centres. C’est pourquoi je veux prendre en faveur du patrimoine des mesures qui relèvent autant du symbole fort, comme l’inscription dans la Constitution de sa défense et de sa promotion, que du très concret, comme la loi de programmation du patrimoine que je prévois, avec une augmentation de 25% du budget alloué. Il faut aussi renforcer la connaissance et donc l’amour pour le patrimoine à travers l’apprentissage de l’histoire et de la géographie à l’école.

10. Comment accompagner le développement de la numérisation de la
culture ?

Le numérique a un impact très fort sur le secteur culturel. Il remet en question le
système des droits d’auteur tel qu’il s’était construit depuis la première société d’auteurs fondée par Beaumarchais en 1777. En outre, l’arrivée de multinationales puissantes comme Amazon bouleverse considérablement les circuits de distribution. Malheureusement, on a vu que les maisons de disque avaient eu le plus grand mal à gérer cette évolution, qui s’apparente à une révolution. Je crois donc important que l’État stratège joue son rôle non pour scléroser le système en place et l’empêcher d’évoluer mais pour appréhender les changements et permettre aux acteurs culturels de s’y adapter sans provoquer des désastres économiques mais surtout humains. C’est pourquoi je m’engage à créer un secrétariat d’État dédié aux mutations économiques ; il sera rattaché au ministère des Finances afin d’anticiper les évolutions des formes de travail liées aux nouvelles technologies (ubérisation, robotisation, économie du partage…). En coopération avec les secteurs concernés, il permettra d’établir une nouvelle régulation pour préserver une concurrence loyale. Je mettrai également en place une taxe sur l’activité réalisée en France par les grands groupes et les profits qui auraient été détournés.

11. Et pour finir quels sont vos goûts en matière de culture ? La dernière œuvre qui vous a touchée ?
J’aime la culture française et j’ai un attachement particulier à la culture populaire. Je ris aux éclats devant les comédies de notre cinéma car l’esprit français y est si présent. Je vibre au son de la musique française : des années 1970 aux artistes d’aujourd’hui, en passant par les mythiques années 1980 ! Je suis d’ailleurs allée voir le film biographique réalisé par Lisa Azuelos sur Dalida : il est chargé d’émotions, il m’a émue et je l’ai beaucoup aimé. J’aime aussi le théâtre, ses jeux d’acteurs, et l’ambiance toute particulière qui y règne avant le début de la représentation. Et c’est d’ailleurs avec grand plaisir que nous avons accueilli parmi les patriotes, ce comédien de talent qu’est Franck de Lapersonne. Son engagement à mes côtés m’a particulièrement touchée. 

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