Jazz à Vienne : Ayo, Ester Rada, Roy Hargrove et Snarky Puppy jusqu'à l'aube...
C'est une tradition à Vienne : le festival se termine aux toutes petites heures d'un dimanche de juillet, à l'heure des croissants, distribués avec le café et la dernière édition du Dauphiné Libéré qui titre sur cette nuit lumineuse et en raconte la première partie. Et c'est avec les chansons d'Esther Rada que Jazz à Vienne 2015 a mis la clé sous les notes.
Mais avant d'écouter la radieuse Israélienne, le public qui avait eu la bonne idée de venir passer sa nuit sur les pierres du théâtre antique de Vienne a eu droit aux prestations de Uptake, du Jean-Pierre Bertrand Boogie System, de Ayo, de Snarky Puppy et de Roy Hargrove and the RH Factor. Un programme marathon au cours duquel les festivaliers ont pu faire quelques belles découvertes..
Ester Rada, la révélation
Uptake
Il faisait encore jour quand Uptake est monté sur scène avec la responsabilité d’ouvrir la soirée. Uptake, quatre jeunes de la région dont un Viennois, le batteur Paul Berne ovationné pour cette raison par le public du théâtre antique. Le tromboniste, Robinson Khoury est venu dire avec beaucoup d’humilité l’émotion que ces quatre jeunes musiciens ressentent à jouer là où ils ont passé tant de soirée côté gradins. Ils ont proposé un court set de jazz très moderne, une fusion évolutive pleine d’énergie et de promesses. Premier concert dans la cours des grands, une réussite pour ce quarte encore régional mais qui devrait rapidement gravir les échelons de la renommée.
Jean-Pierre Bertrand Boogie System
C’est un sextet plein d’entrain qui a succédé à Uptake, avec une moyenne d’âge un peu plus élevée. Un combo mené, comme son nom l’indique par le pianiste parisien Jean-Pierre Bertrand et qui joue du… boogie. Sa musique festive et pleine de gaieté a accompagné le crépuscule et mené le théâtre antique jusqu’à la nuit. Le public a enfin pu bénéficier des éclairages dont l’innocuité en plein jour déssert toujours les premiers groupes à se produire les soirs d’été. Le JPBBS a offert une prestation tout à fait dans la lignée de l’idole de son leader, Memphis Slim. Avec des relents de New Orleans du premier quart du vingtième siècle, le public de Vienne a exploré une nouvelle fois l’une des origines du Jazz. La soirée ne faisait que commencer.
Message de paix
Ayo a pris quelques minutes pour parler, sur une mélodie discrète, afin de rappeler la chance que nous avons d'être nés sur un continent qui permet aux malades d'être soignés, d'évoquer la nécessaire fraternité entre les ethnies, les peuples et les individus. Des larmes plein les yeux et sur les joues, elle a porté un message d'amour universel sans qu'il paraisse jamais maladroit ou convenu. Timide et gauche au début de son spectacle, Ayo a gagné en assurance au fil des chansons, comme à chaque rencontre avec son publicv, comme si c'était la première fois qu'elle montait sur une scène sa guitare à la main.
Ayo a terminé son concert avec le formidable hit de son dernier album "Fire". Elle en a fait un medley en y glissant des reprises de deux morceaux de Bob Marley : "No woman no cry" et "Waiting in Vain". Elle a quitté la scène sous les appels du public qui aurait volontiers passé plus de temps à écouter cette femme enfant au sourire éclatant, à la voix bouleversante et au regard généreux.
Snarky Puppy
Ils sont Texans et New yorkais et ils emportent tout sur leur passage. Les Snarky Puppy ont fait beaucoup pour la réusite de cette longue et ultime nuit de Jazz à Vienne 2015. Plus funk que jazz, parfois plus rock que funk, ils débarquent comme un gang et électrisent leur public. Pas le temps de respirer, ils enchaînent morceau sur morceau, enquillent les solos d'anthologie, déversent des tonnes d'énergie pure que le public, en grande partie venu pour eux, transforme instantanément en ferveur et communion. Même les moments moins intenses portent en eux la fièvre qui va suivre, comme le fameux calme précède immanquablement la non moins fameuse tempête. Montés sur scène à minuit vingt, les musiciens de Snarky Puppy l'ont quittée à deux heures. Il restait encore deux concerts avant l'aube.
Roy Hargrove and the RH Factor
Avant dernier artiste de cette nuit viennoise, l'Américain Roy Hargrove a produit un spectacle étrange. Excellent trompettiste qui évoque parfois Miles Davis, parfois Chet Baker, il aurait pu se contenter d'assurer un spectacle entièrement comme sa première moitié, c'est à dire d'un classicisme bien venu dans la programmation d'un Jazz à Vienne qui en manque parfois un peu. Ses mélodies, ses interventions à la trompette, la grande qualité des musiciens de son groupe, tout concourait à ce que cette partie de la nuit du jazz reste dans les mémoire comme un très bon moment cool ponctué d'instants virtuoses. C'est alors qu'il a invité Mos Def (alias Yasiin Beh) un rappeur New Yorkais, à le rejoindre sur scène. On est alors passé directement de Miles Davis au rap américain actuel, rupture quasi complète avec le "mood" dans lequel Hargrove nous avait installé avec tant de nuances et de sensibilité. Mos Def a rappé deux chansons, en a chanté une, puis il est sorti de scène et Hargrove a repris son tempo précédent. Juqu'au retour de Mos Def ! Si bon nombre de spectateurs ont semblé déconcerté, les amateurs de rap, et ils étaient quelques uns, ont paru beaucoup apprécier la prestation de l'artiste new yorkais. Mais le charme rompu n'a pas pu être retrouvé. Par ailleurs, Roy Hargrove a lui-même chanté quelques airs : il devrait se concentrer sur sa trompette, on ne saurait exceller en tout.
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