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Enquête : Les dessous financiers des fondations d'art privées

Louis Vuitton, Cartier, Galeries Lafayette, Emerige, aujourd’hui les grosses entreprises investissent dans la culture sous la forme de fondations privées. Mécénat, financement, organisation d’expositions, ces fondations sont bien souvent financées en partie par l’Etat français et en partie exonérées de l’impôt.
Article rédigé par franceinfo - O. Morain . S. Ricottier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Comment fonctionne le financement des fondations d'art privées
 (France 3 / Culturebox )

Les visiteurs s’y précipitent, les conservateurs se régalent, les artistes augmentent leur visibilité, aujourd’hui les fondations privées gagnent du terrain dans le monde des arts. Et pour cause, parmi les grands groupes qui rayonnent dans le milieu de la culture, figurent des noms prestigieux. Louis Vuitton, Bijoux Cartier, Galeries Lafayette ou encore le groupe immobilier Emerige, toutes ces industries de luxe ont saisi l’occasion de briller à coûts réduits. Financées en partie par l’Etat français, ces fondations bénéficient de nombreux avantages fiscaux, mais combien coûtent-elles ? La rédaction de France 2 a mené son enquête.

Reportage : S. Ricottier / J. Normand / V. Travert / JM. Nouck-Nouck / S. Giaume / B. de St Jore


60% de déduction fiscale

Dans un ancien entrepôt du Marais à Paris, les Galeries Lafayette viennent d'inaugurer un atelier d'artistes et 1 000 m2 d'exposition. Une autre forme de communication pour le groupe. Au total, 60% du coût de cette fondation ont été déduits des impôts de la société, c'est le cas pour toutes les entreprises qui font du mécénat.

Omerta chez les mécènes

Si les grands groupes de luxe sont prêts à communiquer sur leurs grandes actions de mécènes, dès lors que l’on aborde la question du budget, les portes se ferment. Dans un communiqué lapidaire, la Fondation Vuitton remet les choses à leur place. « Les oeuvres doivent être mises en lumière plutôt que les chiffres. ».

La fondation Vuitton financée par l’Etat à 80%


Inauguré en grande pompe en 2014, le bâtiment signé de l’architecte Frank Ghery, a coûté près de 800 millions d'euros. Grâce aux avantages fiscaux LVMH a réussi à faire peser sur l'Etat 80% de ce montant, soit plus de 610 millions d'euros, selon une enquête de Marianne.  À la fin du bail, en 2062, le bâtiment reviendra à la ville de Paris.

990 millions d’euros d’exonération fiscale en 2017 accordée aux mécènes

Source : Commission des Finances Assemblée Nationale
  (France 2 / Culturebox)
Entre 2004 et 2017, l'exonération fiscale attribuée aux entreprises mécènes est passée de 90 à 990 millions d'euros. Ce chiffre englobe culture, sport et social, difficile donc de cerner la part de chacun. Impossible alors de savoir exactement, combien les fondations culturelles coûtent à l’Etat. « On ne le sait pas et je pense que dès lors qu’il y a de l’argent public il faut pouvoir l’identifier », souligne Gilles Carrez, Député LR du Val-de-Marne qui a décidé de saisir la cour des comptes.

La fuite des mécènes 

L’éclosion de toutes ces fondations privées a eu un effet retors sur le financement que les entreprises accordaient aux établissements publics. En 2012, le montant total du mécénat culturel pour le public s’élevait à 173 millions d’Euros. En 2016, il n’est plus que de 79 millions. Un constat alarmant qui inquiète les professionnels. « Les musées publics sont sujets à deux difficultés : A la fois moins de moyens budgétaires et une difficulté à trouver des mécènes puisque ceux-ci ont créé leur propres fondations », analyse Jean-Michel Tobelem, professeur à l’Ecole du Louvres.
  (France 2 / Culturebox / Capture d'écran)

Public-Privé : la grande concurrence

Une autre forme de concurrence est également apparue dans le milieu des musées. Les fondations privées peuvent louer des collections d’art prestigieuses et très coûteuses. A l’image de l’exposition Chtchoukine à la Fondation Vuitton qui aurait coûté plus de dix millions d’Euros mais attiré plus d’un million de visiteurs.
  (France 2 / Culturebox)

« L’Etat n’aurait jamais eu les moyens de payer cette exposition, mais tous les visiteurs qui passent à Vuitton vont ensuite à Orsay ou à Pompidou », souligne François Debiesse, Président association du développement du mécénat industriel et commercial.

En 2019, François Pinault va créer son musée dans l'ancienne Bourse de commerce, à Paris. Ce projet, qui coûtera 108 millions d'euros, sera financé entièrement par la famille Pinault, sans exonération fiscale, selon la volonté du milliardaire.

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