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Boudée par l'Europe, la taxe Gafa rapporterait 400 millions aux finances françaises en 2019

La taxe sur les géants du numérique, présentée mercredi en conseil des ministres, devrait rapporter 400 millions d'euros aux finances publiques françaises cette année et 650 millions à l'horizon 2022, a indiqué le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Les géants de l'internet seront taxés leur chiffre d'affaires réalisé en France
 (Riccardo Milani / Hans Lucas / AFP)

Le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire présente mercredi en Conseil des ministres son projet de loi pour taxer les géants du numérique, après avoir échoué à faire l'unanimité en Europe sur la question. Selon la Commission européenne, leur taux d'imposition moyen n'est que de 9% contre 23% pour les entreprises européennes en général. "C'est une injustice inacceptable", s'est écrié M. Le Maire mardi sur Radio Classique, et "totalement inefficace si on veut arriver à financer demain nos écoles, nos crèches, nos hôpitaux".

Un taux unique de 3%

Selon le ministre, qui avait dit initialement tabler sur 500 millions d'euros de recettes fiscales, ce rendement devrait progressivement se renforcer, pour atteindre 450 millions en 2020, 550 millions en 2021 et 650 millions en 2021.

"Ces estimations sont calculées à partir de la progression du chiffre d'affaires des géants du numérique telle que nous l'avons observé depuis cinq ans en France", a précisé M. Le Maire. La taxe Gafa, qui sera débattue début avril à l'Assemblée nationale, concerne les entreprises qui font un chiffre d'affaires sur leurs activités numériques de 750 millions d'euros dans le monde et de plus de 25 millions d'euros en France. Elles seront imposées à un taux unique de 3%, similaire à celui d'un projet européen présenté il y un an, mais qui n'a pas abouti, en raison des réticences de quatre pays européens (Irlande, Suède, Danemark et Finlande).

Taxer les entreprises sur le chiffre d'affaires réalisé dans un pays donné

En décembre, en plein mouvement des "gilets jaunes", M. Le Maire avait annoncé que la France se doterait de sa propre législation, faute de consensus européen et même si des projets de taxe similaires existent en Italie, en Espagne, en Autriche, et au Royaume-Uni. 
 
La semaine dernière, il a échoué à convaincre les quatre derniers pays européens récalcitrants (Irlande, Suède, Danemark et Finlande). Or l'unanimité est nécessaire dans l'UE pour les décisions concernant la fiscalité.
 
Le taux de 3% finalement retenu en France est similaire à celui d'un projet européen présenté il y un an, mais qui n'a pas abouti. Il concerne les entreprises qui font un chiffre d'affaires sur leurs activités numériques de 750 millions d'euros dans le monde et de plus de 25 millions d'euros en France.
 
Comme les bénéfices sont facilement transférables vers les pays où ils sont moins taxés, comme l'Irlande, l'idée retenue est de taxer les entreprises sur le chiffre d'affaires réalisé dans un pays donné. 

Trois domaines concernés par la taxe

Le périmètre de la taxe couvre trois activités : l'intermédiation, c'est-à-dire les plateformes qui renvoient l'internaute vers un site tiers (mais pas les ventes réalisées par une enseigne via internet sur son propre site), les publicités en ligne et la vente à des tiers des données personnelles.
 
Ainsi Apple ne sera pas soumis à la taxe sur ses ventes d'ordinateurs ou de smartphones, mais pour l'AppStore, sa boutique d'applications pour mobile réalisées par des tiers.
Enfin la taxe s'appliquera à l'ensemble de l'année 2019, même si le texte ne devrait être présenté qu'en avril en première lecture à l'Assemblée nationale.

De nombreuses critiques chez les entreprises visées par cette mesure

"Une trentaine de groupes seront touchés", a indiqué M. Le Maire au journal Le Parisien dimanche. Mais selon une source du secteur s'appuyant sur des estimations des services fiscaux, une centaine de sociétés pourraient être concernées.

Cette taxe, qui fait de la France une pionnière en matière de taxation des géants du numérique, a fait naître de nombreuses critiques chez les entreprises visées par cette mesure fiscale, certains ayant évoqué une répercussion de cette taxe sur les consommateurs. "Le consommateur jusqu'à preuve du contraire ne paye pas pour la publicité qu'il regarde. Or c'est le principal revenu de cette taxe", a estimé Bruno Le Maire, disant trouver cet "argument un peu faible".

"J'ai entendu depuis plusieurs jours, avec pas mal de mauvaise foi, pas mal d'arguments qui ne tiennent tout simplement pas la route. Ne jouons pas avec les peurs des Français ou des consommateurs", a-t-il poursuivi.

Interrogé par l'AFP, Tech in France, qui représente notamment les éditeurs de logiciels, regrette que "les compétiteurs qui payent leur impôt sur les sociétés en France so(ie)nt également visés par cette taxe et se trouveront pénalisés". Cette organisation demande aussi des précisions sur le périmètre taxé pour les plateformes "dont le chiffre d'affaires intègre du négoce de fournisseurs tiers", comme dans la vente de billets d'avions, où les marges sont faibles et les volumes importants.

Un combat à l'échelle mondiale

La Plateforme paradis fiscaux et judiciaires, qui regroupe de nombreuses ONG, dénonce elle "beaucoup de bruit pour une mesure très limitée", soulignant que le secteur du numérique "n'est pas le seul à jouer avec notre système fiscal obsolète".  

La taxe sur le chiffre d'affaires est d'ailleurs présentée comme un pis-aller en attendant une harmonisation fiscale au niveau de l'OCDE, dont le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin soutient le principe. M. Le Maire espère pour cela parvenir à "une position européenne commune à défendre au sein de l'OCDE". "Le fait que les Etats-Unis soient partants va créer une dynamique inédite", selon Jean-Pierre Lieb, du cabinet EY.

Cet avocat estime toutefois que les Américains pourraient vouloir étendre ce nouveau type de taxation frappant davantage la consommation que la production à des domaines qui toucheraient aux intérêts européens, de l'automobile pour les Allemands au luxe pour les Français.
 
 

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