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Ahmad "Le Prophète" Jamal fait vibrer Vienne en revenant aux bases du jazz

Les surnoms sont nombreux pour qualifier Ahmad Jamal : "l'architecte", "le prestidigitateur du piano", "le Maître". À Jazz à Vienne, à deux jours de son 87e anniversaire, il a fait étalage de son immense talent, basé sur les décalages rythmiques. Entre groove et silence, le pianiste détonne.
Article rédigé par franceinfo
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À Jazz à Vienne, à deux jours de son 87e anniversaire, il a fait étalage de son immense talent, basé sur les décalages rythmiques
 (Adrien Pittore)

Le pas est hésitant. Sous la clameur, il salue la foule et ses musiciens. Chacun sait que c’est un monument qui prend le chemin de son piano. C’est aussi un évènement que peu auront la chance de connaître une nouvelle fois. "Le Prophète" est sorti exceptionnellement de sa retraite pour quelques concerts en France. Enfin, il s’assied et la magie opère.
Le temps de créer une atmosphère. Les premières notes sont distribuées avec parcimonie, mais déjà il happe tous les spectateurs et les emmène dans son monde. Par son magnétisme, Ahmad Jamal prend possession de la scène.

  (Adrien Pittore)

Au rythme de son interprétation, le public se laisse porter par la mélodie du pianiste et de son groupe. Entre douce ballade et énergie incandescente, le quartet ne laisse pas insensible. Les complices s’amusent aussi à improviser quelques morceaux. Le pianiste se détourne parfois de son instrument pour profiter lui aussi de la créativité de ses partenaires dans des dialogues rythmiques. S'en suivent des sourires qui ravissent le public.

  (Adrien Pittore)
Bien que se faisant plus discret ces dernières années, Ahmad Jamal n'arrive pas à se détacher de la musique. À moins que ce soit l'inverse. "C’est un homme qui a repoussé par deux fois sa retraite", lâchait la chanteuse Mina Agossi quelques heures avant le concert. En juin, sortait son nouvel album, "Marseille". Un disque dans lequel il ose la nouveauté. Il travaille en parfaite osmose avec le batteur Herlin Riley, le percussionniste Manolo Badrena et le contrebassiste James Cammack. Au milieu des sept titres de l'album, se trouvent trois chansons en hommage à Marseille. Une version instrumentale à l'ouverture, puis une collaboration avec Mina Agossi, avant de clôturer par un featuring avec Abd Al Malik.

Il y a quelques années, Ahmad Jamal se plaisait à chanter. Aujourd’hui, il laisse ce soin à ses amis. Mais les paroles sont bien de lui. Lyrique et charnelle, la voix de Mina Agossi envoûte une première fois sur le titre éponyme de son dernier album.

Après une reprise saisissante de "Autumn leaves", Abd Al Malik rejoint à son tour la scène du théâtre antique pour distiller sa prose. Avant de reprendre les morceaux écrits par le pianiste, il s’offre une petite liberté en laissant couler quelques rimes sur Vienne et sa pluie lors du concert. Un moment de répit avant de déclamer son texte sur la "Ville éternelle". Un endroit "où il marche seul et trop souvent il y a disparu." Comme Ahmad Jamal, le slameur / rappeur possède un lien particulier avec Marseille.
 

  (Adrien Pittore)

Albert Camus y était très attaché. Pour moi, il a été comme un grand frère. C’est un rapport organique avec la Méditerranée. C’est aussi la porte de l’Afrique.

Abd Al Malik

Par ses variations rythmiques et des thèmes très éclectiques, Ahmad Jamal est revenu, le temps d’un concert, aux valeurs du jazz. Un moment de communion que le public n’est pas près d'oublier. Il reste maintenant seulement deux dates en France, cet été, pour admirer le phénomène Ahmad Jamal. Il sera présent au théâtre de l’Odéon à Paris les 3 et 6 juillet prochain pour une semaine qui lui est dédiée. Une date avait également été annoncée au Palais des Congrès de Paris le 14 novembre prochain. Ces événements seront peut-être les derniers. À moins qu’il ne repousse une troisième fois sa retraite, tant son amour pour le piano est viscéral.

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