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Guerre en Ukraine : "C'est insupportable pour moi, comme des piqûres de rappel", témoigne Sylvie Vartan

Sylvie Vartan se dit "bouleversée" par ce que vit le peuple ukrainien, jeudi sur franceinfo. La chanteuse revit son départ de Bulgarie. Elle sort vendredi un album de cinq titres dont les bénéfices seront reversés au profit de l'Ukraine.

Article rédigé par franceinfo, Julien Langlet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Sylvie Vartan, le 23 février 2018. (OLIVIER ARANDEL / MAXPPP)

"En regardant les images en permanence de tout ce qui se passe en Ukraine jusqu'à aujourd'hui, j'ai franchement été chavirée", a témoigné jeudi 12 mai sur franceinfo Sylvie Vartan. "C'est comme des piqûres de rappel." Sylvie Vartan a enregistré un album de cinq titres qui comprend La Maritza, que la chanteuse a revisité et dont les bénéfices seront reversés à l'Unicef au profit de l'Ukraine.

Sylvie Vartan se dit "bouleversée" par ce que vit le peuple ukrainien. "Je peux tout à fait me mettre dans la peau de ces enfants." Elle avoue revivre son départ de Bulgarie. "On n'a pas fui la guerre, on a fui une dictature brutale", mais "c'était les mêmes principes qui étaient appliqués". Avec cet album qui sera disponible à partir de vendredi en téléchargement et le 27 mai en physique, Sylvie Vartan espère "rallier et toucher le cœur du plus grand nombre".


franceinfo : La Maritza, c'est la rivière de votre enfance en Bulgarie. Ces images de cette terrible guerre en Ukraine ont violemment résonné en vous. C'est ce que vous dites dans cette chanson. Pour quelles raisons ?

Sylvie Vartan : Cette version que j'ai choisi de mettre sur ce disque est très particulière. Parce que j'y ai évidemment ajouté ce texte qui se rapporte à ce qui se passe en Ukraine, mais aussi dans d'autres pays à d'autres moments. Moi, j'ai connu pratiquement le même désespoir en réalisant que je ne reverrai plus les miens. On les a laissés sur le quai d'une gare, en train de courir après un train qui partait loin, mais vers la liberté. Donc c'était des sentiments très violents et très contrastés de bonheur. Parce que le train roulait vers la liberté, qui était la France pour nous en l'occurrence. Et en même temps, il y avait le désespoir de laisser tous ceux que l'on adorait sur le quai d'une gare. C'est terriblement déchirant. Et c'est vrai qu'en regardant les images en permanence de tout ce qui se passe en Ukraine jusqu'à aujourd'hui, j'ai franchement été chavirée. C'était insupportable pour moi, comme des piqûres de rappel. Non pas que j'ai oublié ce que j'ai vécu. Je n'ai jamais oublié. C'est comme une blessure à jamais ouverte. Mais malgré tout, cela donne les larmes aux yeux. C'est quelque chose qui me bouleverse toujours autant.

Vous aviez huit ans quand vous avez fui la Bulgarie pour rejoindre la France et Paris. Est-ce que vous imaginez le traumatisme de ces enfants qui ont fui la guerre en Ukraine, parfois même sans leurs parents ?

Mais oui, c'est horrible, c'est franchement horrible. Je peux tout à fait me mettre dans la peau de ces enfants. C'est insupportable pour moi. Parce que je sais combien j'étais craintive, combien j'avais peur, combien mes parents étaient sur le qui-vive. Évidemment, ça n'a rien à voir. C'est pire pour ces enfants qui entendent des bombes en permanence et pour certains qui sont séparés de leurs parents. Mais quelle horreur ! Il ne peut pas y avoir de pire horreur de voir ce pays complètement démoli, complètement anéanti, et ces vies brisées à tout jamais. Nous, on n'a pas fui la guerre, on a fui une dictature brutale. C'était les mêmes principes qui étaient appliqués, les mêmes parades, les mêmes gens qui disparaissaient sans aucune raison. On ne savait pas où ils étaient. Tout ça parce qu'ils n'avaient pas affiché le portrait de Staline sur leur balcon. Tout ça, cela vient de la même façon de penser, d'être et d'agir, malheureusement. Mais je ne pouvais pas imaginer, et je crois que personne au monde ne pouvait imaginer, que l'histoire puisse se répéter comme ça.

Est-ce la résistance du peuple ukrainien vous impressionne ?

C'est vraiment incroyable. Ça réconcilie avec le genre humain, d'une certaine manière, un certain genre humain. Parce que ces gens qui ont tout perdu, qui ont pris un sac, rien que le minimum, qui tiennent leurs enfants par la main, qui fuient, qui marchent sans arrêt sans savoir où ils vont, cela force l'admiration. Je pense que ce peuple-là, pendant des années et des décennies, restera dans l'Histoire. J'espère qu'on apprendra. Mais est-ce qu'on apprend ? Parce que la preuve, c'est que, au bout du compte, tout recommence d'une manière encore plus horrible.

Quel réconfort pourrait avoir ce peuple ukrainien ?

Je pense que ce qui leur donne aussi du courage, c'est de savoir peut-être que le monde est derrière eux. La plupart du monde est derrière eux. Et aujourd'hui, grâce aux réseaux sociaux, on arrive à savoir quand même où est la vérité, malgré tout. Et il faut essayer d'aider, de soulager. Mais peut-on faire quelque chose quand on est touché comme ça en plein cœur et que l'on voit des enfants tout seuls perdus, qui marchent ? On leur a dit, va tout droit, tu vas trouver la lumière. C'est désespérant. C'est affreux.

Un mot pour terminer sur le choix de ces chansons. Il n'est évidemment pas fait au hasard. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui vous a dicté votre choix ?

Au cours de ma carrière, j'ai eu la chance de pouvoir, à travers mes chansons, exprimer mes sentiments. Tout ce qui est vrai et qui vous percute d'une façon authentique, physique, émotionnelle, a une résonance plus grande. C'est vrai que La Maritza a donné le ton à beaucoup d'auteurs pour m'écrire des chansons qui tournent autour du courage, de l'espoir. C'est ce qui m'a encouragé à choisir ces chansons. Ensuite, en ce qui concerne Odessa, c'était vraiment comme si elle était prémonitoire. C'est une chanson de Jay Alanski inspirée forcément par le thème de La Maritza. Je l'ai chantée pour la première fois en 1998, 30 ans après La Maritza, c'est fou. Et puis Odessa, c'est le symbole aussi d'une femme qui laisse son homme sur le quai. C'est aussi le symbole du déchirement, de la fuite et du besoin de liberté. Donc c'était des chansons marquantes pour ce projet. Et je suis contente qu'il ait séduit l'Unicef parce que, grâce à eux, il y aura peut-être un rayonnement peut-être plus grand. Et on arrivera à rallier et à toucher le cœur du plus grand nombre.

L'interview intégrale de Sylvie Vartan à réécouter ici

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