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Eurovision : la France a déjà tout tenté pour gagner

Pour remporter l'Eurovision, la France a déjà essayé à peu près tous les styles musicaux. De la chanteuse à voix au groupe complètement décalé, rien n'y fait, la France ne gagne plus depuis 1977.  

Article rédigé par Tatiana Lissitzky
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Le groupe français Twin Twin, lors de la finale de l'Eurovision, à Copenhague au Danemark, le 10 mai 2014. (JÖRG CARSTENSEN / AFP)

La France commence à désespérer. On nous le répète chaque année, elle n'a pas gagné l'Eurovision depuis 1977, année de L'Oiseau et l'Enfant, interprété par Marie Myriam. Pour cette nouvelle édition du concours, c'est Lisa Angell qui représente l'Hexagone à Vienne (Autriche), samedi 23 mai.

Si elle peut difficilement faire pire que ses trois prédécesseurs – les Twin Twin sont arrivés derniers l'an passé et Amandine Bourgeois et Anggun se sont classées respectivement à la 23e et à la 22e place en 2013 et en 2012 –, le résultat semble tout de même couru d'avance. Bien qu'ayant à peu près tout essayé, la France a peu de chance de l'emporter. Francetv info revient sur les différentes tentatives de notre pays pour inverser la tendance :

 La carte de la sécurité : la chanteuse à voix

Les différents classements de la France à l'Eurovision montrent que la chanteuse à voix est une valeur sûre. Alors, forcément, notre pays joue sur ce créneau. Patricia Kaas a été choisie en 2009, pour représenter la France à Moscou. Outre sa voix, l'interprète de Mon mec à moi disposait d'un atout de taille : c'est une star en Russie et dans les pays de l'Est. Mais, contre toute attente, ces nations n'ont pas voté pour elle. La chanteuse à la voix rauque n'est arrivée qu'à la 8e place, avec en bonus le prix de la meilleure performance artistique. Un score honorable puisque c'est la dernière fois que la France s'est classée dans le top 10 du concours européen de chansons.

Avant elle, Natasha St-Pier et Sandrine François ont accédé à la 4e place en 2001 et à la 5e en 2002. Des succès qui s'expliquent par la popularité de ces interprètes à l'étranger. "Ces chanteuses à voix sont très appréciées par les pays anglo-saxons qui s'attendent à ce style musical venant de la France", explique pour francetv info Franck Thomas, créateur et administrateur du site des fans français eurovision-fr.net. "La France a donc souvent joué cette carte", note ce passionné, qui rappelle que "la chanteuse à voix Annick Thoumazeau s'est également fait remarquer en 1984, en arrivant à la 8e place."

La carte de l'humour : le groupe décalé

C'est bien connu, à l'Eurovision, le kitsch et la bonne humeur sont souvent mis à l'honneur. Alors l'Hexagone s'est essayé à plusieurs reprises aux prestations déjantées en suivant les exemples de la Finlande, vainqueur de l'Eurovision en 2006 grâce à ses chanteurs de metal au costume particulièrement monstrueux, ou encore de l'Ukraine, qui avait fini deuxième, en 2007, avec un groupe futuriste se déhanchant en combinaison argentée. L'an dernier, c'est le travesti autrichien Conchita Wurst qui avait déchaîné les passions en remportant l'Eurovision. Bien plus que de sa chanson, on se souvient surtout de son look improbable : robe fourreau, barbe et talons hauts.  

Malheureusement, l'humour à la française n'est pas toujours compris par nos voisins européens. Les Twin Twin et leur chanson Moustache ont fait un flop total, en 2014, remportant le plus faible score de l'histoire de l'Eurovision pour la délégation française. Trop décalé ? On vous laisse juger :

Les Fatals Picards, avec leur titre en franglais, L'Amour à la française, n'avaient pas fait beaucoup mieux en 2007. Un échec que le spécialiste de l'Eurovision Franck Thomas explique par la médiocrité de la présentation scénique. "Contrairement aux Twin Twin, les Fatals Picards avaient une bonne chanson, ils ont été massacrés à la présentation, par la mise en scène, le décor et les costumes." 

La carte de l'ouverture : les paroles en anglais

La critique revient souvent. Pourquoi la France refuse-t-elle de chanter en anglais ? Depuis 1999, les langues nationales ou régionales ne sont plus obligatoires. Résultat : les titres écrits dans la langue de Shakespeare sont ceux qui gagnent le plus. Ces quinze dernières années, seules deux chansons non-anglophones ont remporté le concours (en 2004 pour l'Ukraine et en 2007 pour la Serbie). "Tout le monde peut comprendre quelques mots d'anglais. Même si tout le monde ne le parle pas, c'est une langue familière aux oreilles de tous. Alors, lorsque l'on n'a que trois minutes pour séduire, forcément, c'est plus simple d'utiliser l'anglais", note le spécialiste de l'Eurovision.

La France n'a, dans l'histoire de l'Eurovision, tenté qu'une seule fois cette carte, avec le chanteur aux lunettes noires Sébastien Tellier et son titre Divine, en 2008. La chanson entièrement en anglais a, par ailleurs, déclenché un tel tollé auprès de la classe politique, pour atteinte à la francophonie, que le chanteur a dû se résoudre à ajouter quelques lignes en français avant son passage à l'Eurovision. Même en anglais, la France se classe 19e. 

La carte du terroir : la chanson en langue régionale

La France s'est également illustrée en jouant la carte régionale avec quelques bons classements. En 1992, le chanteur Kali, qui interprète Monté la riviè, en créole, finit 8e. Un an plus tard, en 1993, c'est Patrick Fiori qui rend hommage à sa région avec Mama Corsica et des refrains chantés en corse. La star de la comédie musicale Notre-Dame de Paris obtient alors la quatrième place.

En 1996, le musicien breton Dan Ar Braz est moins chanceux que ses compatriotes. Il finit 19e, avec son titre tout en breton, intitulé Diwanit Bugale ("Que naissent les enfants"). Plus récemment, l'île de Beauté a été à nouveau mise à l'honneur par Amaury Vassili. En 2001, le chanteur lyrique interprète son titre Sognu, entièrement en corse. Favori des bookmakers anglais pendant un temps, il termine finalement à la 15e place du classement. 

La carte de l'originalité : une scénographie reconnaissable

Les exemples ne manquent pas pour comprendre qu'à l'Eurovision, la mise en scène est plus importante que la chanson ou même que la justesse de la voix. "Pour gagner, il faut une bonne mise en scène, une chorégraphie et un look en accord avec la chanson", note le spécialiste, qui donne l'exemple de Jessy Matador, le chanteur d'origine congolaise, qui a marqué les esprits avec son coupé-décalé. Son titre Allez ! Ola ! Olé ! avait fait danser l'Europe en 2010. "Une très bonne prestation, même s'il a fini 12e", se souvient Franck Thomas. 

Cette semaine, la candidate de la France, Lisa Angell, a créé la surprise lors des répétitions à Vienne. Elle a connu une remontée spectaculaire de sa cote chez les bookmakers : "La chanson est classique, mais la mise en scène est très élaborée et bien pensée, avec de très belles images, des jeux de lumière et des tambours qui sont en adéquation avec le message que veut faire passer la chanson", relève Franck Thomas. "C'est assez rare pour la France, qui pèche généralement sur la scénographie", ajoute le spécialiste, qui se dit très confiant pour le score de la délégation française. Verdict le 23 mai.

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