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Eurovision : quand la géopolitique se cache derrière les paillettes
Né en pleine Guerre froide, le concours de l'Eurovision reste marqué par les considérations géopolitiques, qui percent régulièrement sous le strass et les paillettes malgré le caractère officiellement "apolitique" de l'émission.
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Avec 40 pays en lice cette année, dont 27 se retrouveront en finale à Vienne samedi prochain, le 23 mai, le rendez-vous fétiche de l'Union européenne de radio-télévision (UER) recouvre inévitablement son lot d'amitiés et d'inimités nationales, quand ce ne sont pas des conflits ouverts.
Contenu cynisme de la chanson russe ?
En 2014, l'ex-champion de boxe ukrainien Vitali Klitschko avait ainsi appelé les Européens à voter pour son pays, alors que la Crimée venait d'être annexée par la Russie. L'Ukraine - absente cette année en raison du conflit - ne l'avait pas emporté. Mais les candidates russes avaient été copieusement sifflées et la victoire de la diva barbue autrichienne Conchita Wurst avait été interprétée comme un pied-de-nez au président russe Vladimir Poutine, qui l'avait critiquée.Mardi, en demi-finale, la nouvelle candidate russe, Polina Gagarina, a recueilli des applaudissements nourris avec un titre vantant l'amour universel. Mais certains ont jugé "cynique" le contenu de la chanson alors que se poursuit le conflit en Ukraine.
"Don't deny" ("Ne niez pas")
Un peu plus loin à l'Est, l'Arménie a été obligée de modifier le titre de son opus : "Don't deny" (Ne niez pas) a été considéré comme une injonction trop directe à la Turquie, qui refuse de reconnaître comme génocide les massacres d'Arméniens de 1915. La chanson a finalement été rebaptisée "Face the shadow" (Faites face à l'ombre).La Turquie ne répliquera pas sur la scène de l'Eurovision cette année : son gouvernement islamo-conservateur a claqué la porte du concours en 2012, un an après que la Suède a transmis les images de deux danseurs s'embrassant. Ankara a toutefois promis un retour en 2016.
Innombrables précédents
En 2009, l'Eurovision avait déjà retoqué la chanson de la Géorgie "We don't wanna put in", dont le titre en forme de jeu de mot apparaissait ouvertement comme un rejet du président russe. Deux ans plus tôt, en revanche, Israël avait réussi à passer entre les gouttes avec "Push the button" (Appuyez sur le bouton), hymne interprété comme une invitation à bombarder l'Iran. Il est à noter par ailleurs que si plusieurs pays arabes sont membres de l'UER, aucun ne participe au concours.Les incidents peuvent être énumérés presque à l'infini, du boycott par l'Autriche en 1969 de l'Eurovision organisé en Espagne franquiste au refus de l'Arménie de participer à l'édition 2012 en Azerbaïdjan.
Est-Ouest
Mais c'est la Guerre froide qui a le plus durablement marqué l'Eurovision, selon le chercheur Dean Vuletic, de l'université de Vienne. "L'Eurovision a représenté un formidable miroir des relations entre l'Ouest et l'Est durant cette époque", explique-t-il.Créé en 1955 par les télévisions publiques occidentales, le concours avait été rejoint dès 1961 par la Yougoslavie, dans ce qui était apparu comme un geste fort d'indépendance de Tito vis-à-vis de Moscou. L'URSS avait créé son propre concours, "Intervision". En 1968, en plein écrasement du Printemps de Prague par les chars russes, l'Autriche avait également manié le symbole en se faisant représenter par un chanteur tchèque, Karell Gott.
A la chute du Rideau de fer, l'adhésion à l'Eurovision avait été l'un des premiers mouvements des anciens pays du bloc soviétique. "C'était la première organisation occidentale que les anciens pays communistes pouvaient rejoindre" immédiatement, note Dean Vuletic. L'intérêt de ces pays pour le concours a d'ailleurs nettement décliné à mesure qu'ils intégraient des structures comme l'Otan ou l'Union européenne, relève le chercheur.
En tout état de cause, "les prises de positions nationalistes ne paient guère" pour ceux dont l'objectif est de gagner le concours, rappelle-t-il. "Avoir un bon message politique ou social au bon moment peut aider, mais il faut qu'il soit universel", souligne-t-il.
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