Versatile, label pionnier de la French Touch, fête ses 15 ans
Synonyme d’exigence et de curiosité, Versatile a imposé avec constance sa marque sur l’électronique made in France. Très ouvert, dénué d’œillères, guidé par les coups de cœur et l’amour du groove, ce label a su traverser les modes en semant les petits cailloux, du hit de house filtré «Venus (Sunshine People)» de Cheek à l’électronique sophistiquée d’I:Cube ou plus récemment au projet rock-électro Aladdin avec le chanteur de Poni Hoax.
"Venus (Sunshine People)" de Cheek, daté 1996, reste un hymne du dance-floor en 2011
10 QUESTIONS à DJ GILB'R
- D’où vient le nom Versatile ?
L’idée était de trouver un mot court qui marche indifféremment en français et en anglais. Versatile correspond bien aussi à mon idée du label qui est de sortir de la musique dans différents genres. Ma ligne directrice c’est d’essayer de trouver des artistes singuliers, qui développent un son bien à eux et que je vais reconnaître dès les 30 premières secondes d’un morceau.
- Il y a quinze ans, tu étais un dj et programmateur respecté sur Radio Nova. Pourquoi as-tu monté un label ?
J’ai travaillé à Nova pendant 5 ans. Je menais alors en parallèle un travail de Dj et de programmateur et je me suis retrouvé dans un truc schizophrène : d’un côté je me tenais hyper au courant, j’écumais les disquaires, j’étais hyper pointu et de l’autre côté ce que je programmais sur Nova imposait d’être plus grand public. A l’époque, je commençais à faire de la musique, j’avais aussi écouté une démo de I:Cube, il y avait une effervescence. Quand une fenêtre s’ouvre, il faut s’écouter, il faut y aller. J’ai quitté Nova du jour au lendemain pour monter Versatile.
- Quels sont les labels qui ont inspiré ta démarche à l’époque ?
J’étais influencé d’un côté par la house de New York et de Chicago, ce groove-là, avec des labels comme Strictly Rythm et Nervous Records, mais aussi les labels européens Warp et Ninja Tune qui balayaient des tas de styles différents.
- 15 ans après, beaucoup de choses ont changé. Te lancerais-tu dans la même aventure aujourd’hui ?
(silence) Peut-être pas. C’est plus compliqué aujourd’hui. A l’époque c’était un schéma assez classique qui permettait à l’artiste et au producteur de vivre. Aujourd’hui, avec l’écoute en streaming qui se généralise, un disque sert surtout de carte de visite pour faire dj ou faire des live. Il ne permet pas de vivre. En 2012, monter une structure de booking (qui permet aux dj et aux artistes de trouver des dates pour se produire NDLR) est sans doute plus pertinent que de fonder un label.
- Au fond, c'est quoi le son Versatile ?
De la musique qui parlerait autant à la tête qu’aux jambes. La musique créée uniquement pour danser ou bien purement mentale et expérimentale, ça ne m’interesse pas. Ce qui me plaît c’est le mélange des deux. J’aime que la musique s’adresse aussi bien au corps qu’à l’esprit. Zombie Zombie, I :Cube et Château Flight reflètent bien ça.
Ecoutez le Mixe d'une heure réalisé pour les 15 ans
[{http://soundcloud.com/llplemouv/versatile-15-ans-underground}]
- Tu as été une figure déterminante pour l’introduction de la drum’n’bass en France. En écoutes-tu encore aujourd’hui ?
J’étais effectivement très impliqué. Mais j’en suis sorti tout aussi vite et subitement. Et je n’en écoute plus du tout. Longtemps, dans les soirées, les gens m’interpellaient à ce sujet. C’était devenu trop dur, ça ne se renouvelait pas. Or moi j’ai toujours besoin d’être excité par le changement et par la nouveauté. Par honnêteté, j’ai préféré arrêter.
- Ton meilleur souvenir, la meilleur anecdote sur Versatile ?
En 1996, à l’époque du second maxi de Versatile, le morceau « Venus », j’avais demandé à La Funk Mob (alias Boombass et Philippe Zdar de Cassius) de faire un remixe pour la sortie. Ils me disent OK et puis finalement ils ne peuvent plus. J’étais embêté. Je connaissais bien Dj Gregory qui commençait à faire des sons. Je lui explique et il me dit « je viens chez toi, je regarde dans tes disques et si je trouve un truc bien je le fais ». Dans ma discothèque, il est tombé sur «Happy People » de Brass Construction et il a fait le remixe en 3-4 jours. Au début j’étais un peu dubitatif, et puis c’est devenu énorme. Il s’est même retrouvé programmé sur NRJ. La consécration (rires). Ca a permis au label d’avoir plus de notoriété et ça a aussi servi à lancer Dj Gregory.
- De quoi es-tu le plus fier ?
La durée. Qu’on ai vécu jusque là tout en se renouvelant un peu et que les artistes puissent vivre de leur travail.
- Des projets ?
Nous sortons ces jours-ci un nouveau maxi d’Etienne Jaumet, «Satori». Début décembre, ce sera au tour d’ I:Cube avec un «Transpiration EP» qui annonce son nouvel album, «Megamix», programmé pour fin février.
- Que voudrais-tu qu’on retienne de Versatile ?
C’est difficile comme question, on dirait qu’on va mourir demain ! (rires puis silence). Je voudrais qu’on retienne à la fois une exigence et une certaine légèreté.
Grosse fête à La Machine samedi 19 Novembre
Pour souffler les 15 bougies de Versatile, ils seront tous présents samedi à La Machine du Moulin Rouge (ex-Locomotive). Les artistes maison bien sûr, comme Château Flight, I:Cube, Zombie Zombie, Joakim ou Aladdin. Mais aussi les vieux copains Busy P (le boss de Ed Banger que Gilb’R connaît depuis l’époque où il manageait Daft Punk), Bertrand Burgalat du label français Tricatel ainsi que Trevor Jackson, le remuant patron de l’écurie britannique Output (Black Strobe, Four Tet…) et Daniele Baldelli, figure de la cosmic disco italienne. Une belle Versatil(ité) de styles unis jusqu’à l’aube sous une même bannière, celle du groove. Et une soirée dédiée à la mémoire de Dj Mehdi, disparu en septembre, dont la présence manque décidément à tous. (Tout le programme de la soirée sur le site de Versatile)
I : Cube "Adore"
Aladdin "The Sun is On Fire"
Zombie Zombie Clip Gi Joe
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