Petit Biscuit : le petit prince de l'électro nous parle de ses 10 albums favoris
Petit Biscuit : J'ai une formation classique. J'ai commencé le violoncelle à 5 ans, à ma demande. J'ai donc appris tout ce qu'on t'apprend au début comme les suites de Bach, j'ai aussi joué du jazz, et des trucs franchement ennuyeux. J'aime Chopin parce que c’est un artiste qui était hyper moderne pour son époque. "Winter Winds" c’est une œuvre où j’ai l’impression qu’il a créé ce qu’on appelle aujourd’hui le "drop" en musique électronique, le moment où tout d’un coup ça explose. Et puis c’est authentique, je trouve que Mozart est beaucoup plus contenu, plus soft. Chopin, lui, te balance des émotions sans filtre. Il se met à nu. C’est ce qui m’a donné envie d’arrêter de suivre des partitions et de faire mon chemin. Il a été libérateur. C’est une œuvre que j’écoute encore.
J’ai commencé à découvrir doucement et subtilement la musique électronique avec Bonobo. J'avais alors 11-12 ans. Je l'ai découvert par hasard sur Soundcloud, et c'est à partir de ce moment je me suis mis à chercher volontairement des choses sur internet. Bonobo, c'est le mélange parfait entre le côté orchestral et un peu épique que j'aime dans la musique, et le côté beaucoup plus sensible avec des textures électroniques. Les mélodies me parlent. Je n’aime pas les mélodies floues où tu ne comprends pas trop ce que l'artiste veut dire, ni où il veut en venir. Autant j’aime beaucoup les textures floues, abstraites, autant dans la mélodie il faut que ce soit clair.
Flume je découvre un peu plus tard, via son fameux remix de "You & Me" de Disclosure. C'était vraiment nouveau à l'époque (2013) et tout le monde n'aimait pas. Outre le côté épique, j'aime chez lui le travail sur les textures, ça m'a marqué. Les textures sont très bizarres, imparfaites, il y a de la vie, c'est tout sauf plat. Je pense qu'il travaille énormément là-dessus que ce soit au niveau des percussions comme des synthés. C'est ce qui m'a beaucoup plu d'emblée. J'aime tout l'album mais le remix de Disclosure c'est vraiment le morceau emblématique d'un titre épique.
C'est quelqu'un qui faisait de l'électro plutôt énervée avant, de la grosse EDM comme ils aiment aux Etats-Unis. Or cet album sorti en 2014 est d'une sensibilité extrême. Il a opéré avec ce disque un tournant énorme et totalement inattendu dans sa carrière. Cet album est très original et il a beaucoup compté pour moi. Il contient ma musique préférée, "Sea of Voices", ce mélange, une fois encore, de délicatesse et de grandiose. Mais aussi un mariage entre humain et machine. Les voix ressemblent parfois à un robot qui dit des choses ultra poétiques - j'aime beaucoup le côté machine gentille qui a des émotions. Sur scène, Porter Robinson c'est exceptionnel. Il est seul, devant un grand écran sur lequel sont projetées des animations japonaises à la Miyazaki. Ca se mélange trop bien avec sa musique qui est assez Kawaï. J'aime trop.
Tame Impala c'est mon côté un peu plus rock, c'est sauvage mais c'est aussi grave électronique. Sur cet album sorti en 2015 j'aime une musique qui s'appelle "Past Life", elle est hors du temps : le début fait assez 70-80 et passé le refrain c'est de la trap. Kevin Parker fait des mélanges audacieux. Il a une patte. J'ai l'impression qu'il mélange tous les bienfaits de chaque style.
Pour moi, Chance c'est le rappeur cool. Il est ultra gentil mais il garde aussi sa street crédibilité. Musicalement, c'est très joyeux, il développe un côté ultra soul et même gospel aussi que j'aime bien. On dirait qu'il s'est inspiré de ses parents et qu'il en a fait un truc qui lui appartient. J'aime écouter de la musique en voyage, dans l'avion, dans le train mais Chance je l'écoute tout le temps. Il m'accompagne partout, y compris das la rue. Quand je mets mes écouteurs sur les oreilles, la musique transforme aussitôt le paysage, ça donne une autre acuité et ça rend les choses plus belles.
Cet album, je l'écoute particulièrement la nuit. Tu as l'impression que quelqu'un vient te murmurer à l'oreille gauche, puis à l'oreille droite, c'est nuancé, c'est doux, c'est mystérieux. J'aime beaucoup M83, ses textures abstraites, ses climats nocturnes et contemplatifs. Ce sont des textures qui évoluent tout doucement, c'est très profond comme musique. Techniquement c'est très bien réalisé mais tu découvres de nouveaux détails tout le temps. Il y a des choses sur cet album, je pourrais réfléchir dix ans sans trouver de mot à mettre dessus. Il faudrait créer un nouveau vocabulaire pour en parler. Beaucoup de gens le résument à de la mélancolie mais pour moi ça va beaucoup plus loin, c'est nuancé. Ceux qui n'y voient que de la tristesse n'ont rien compris, c'est plein d'espoir !
D’habitude, Jon Hopkins fait beaucoup de musique de films et souvent des musiques au piano, rien d’électronique. Avec "Immunity" il a réalisé un album exceptionnel dans un style différent : c’est de la techno ultra intéressante, très orchestrale. En fait, tu as un peu l’impression que c’est l’orchestre du futur avec des textures un peu particulières et des mélodies qui te submergent une fois encore. J’aime quand les artistes proposent quelque chose de totalement différent. C’est un peu ce que j’ai essayé de faire avec mon premier album. Par rapport à mon premier single "Sunset Lover" qui était très ambient, j’ai voulu de la musique en mouvement.
Pour moi Nils Frahm c’est le nouveau prodige. Il y a un côté évolutif dans sa musique, des structures inhabituelles, c’est beaucoup de montées de pressions, je pense à un morceau qui dure genre 10 mn : d’abord il y a un espèce d’arpège qui monte qui monte, tu as un bourdon en basse, et soudain ça change et ça prend une autre dimension. C’est beaucoup de surprises à l’écoute. Et pour le coup c’est ultra mélancolique. J’aime aussi cette façon qu’il a de mélanger le piano, qui ne sonne pas toujours comme un piano, avec ces petites textures qui montent. Je le considère comme un génie.
C'est mon dernier gros coup de coeur musical parce qu'il y a de tout sur cet album, il est très varié. J'aime beaucoup le rap, même si j'écoute davantage de rap américain, mais en ce moment je n'écoute qu'Orelsan. Le titre "Notes pour trop tard" me touche particulièrement. Je pense que c'est le texte que tout le monde aurait aimé écrire et qui devrait être obligatoire de lire en classe. C'est écrit comme une lettre à un adolescent, c'est trop bien raconté, et les chants d'Ibeyi, tout doux derrière, sont parfaits pour raconter un truc assez cru au final. J'aime beaucoup le rythme afro du featuring avec Maître Gims aussi. Des gens vont critiquer parce que ce n'est pas du rap conscient mais le rap n'a pas vocation à être engagé. C'est le rap d'aujourd'hui genre "je m'en bats les couilles" qui personnellement me fait marrer et que j'aime écouter.
Petit Biscuit vient de sortir son premier album, "Presence".
Il est en concert le 20 novembre à Toulouse, le 21 novembre à Paris (Zénith), le 27 novembre à Bruxelles, le 1er février à Rouen et le 3 février à Bordeaux.
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