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Luz et Fab Moretti des Strokes : l'odyssée du Minotaure
Publié le 06/12/2016 06:30
Temps de lecture : 1min
Luz, le dessinateur de Charlie Hebdo et Fabrizio Moretti, le batteur des Strokes, ont fait oeuvre commune du 5 au 16 juin dans une galerie parisienne du marais, celle d'Emmanuel Perrotin. Sept heures par jour, ils ont dessiné sur les murs sur le thème de Thésée et le Minotaure, revisitant le mythe à leur sauce.
Ce "work in progress" était accessible au public dans le cadre du Fuzlab . Nous ne nous sommes pas privés d'aller goûter l'atmosphère sur la pointe des pieds et de guetter l'avancement du travail à deux jours de distance. On ne s'attendait à rien, on a trouvé un trésor. Nos impressions et leur récit de cette folle épopée inachevée en 27 clichés.
On peut dire que ces deux-là se sont trouvés. "Nous nous sommes rencontrés en mars 2012 dans un bar grâce à un ami commun et nous avons commencé à dessiner sur un coin de table dès le lendemain", raconte Luz.
(Laure Narlian / FTV)
"Très vite, nous avons eu envie d'aller plus loin. J'avais un gros rouleau de papier de 80 mètres de long, une chute d'imprimeur, et nous avons commencé à travailler dans un appartement. Mais il ny avait pas assez de place et de murs. Le galeriste Emmanuel Perrotin a eu vent de notre travail et a proposé de nous prêter sa galerie pour 15 jours".
(Laure Narlian / FTV)
Lors de notre premier passage, nous trouvons les deux artistes dans la seconde pièce de la galerie, chacun de leur côté, concentrés sur leur travail, écouteurs aux oreilles.
(Laure Narlian / FTV)
A grands coups de pinceau, Luz travaille sur un oeil animal dont on retrouve le modèle sur son ordinateur allumé. Qu'écoute cet amateur de rock dans son iPod ? "Roxy Music et Can". Et le batteur des Strokes ? "Pas de musique, mais le podcast d'un très bon programme radio américain sur des thématiques différentes". Dans l'appartement où ils ont démarré c'était Beethoven, George Harrison et Nina Simone.
(Laure Narlian / FTV)
Fab Moretti, assis sur une chaise à roulettes, semble traverser une phase de doute. Il s'approche et s'éloigne régulièrement de son travail, visiblement mécontent.
(Laure Narlian / FTV)
Très rapidement, comme attiré par des antennes, Luz vient voir Moretti. Une discussion s'engage pour sortir le new yorkais de l'ornière. Moins de 15 minutes en leur compagnie suffit à comprendre que le duo fonctionne de façon très imbriquée. Chaque détail donne lieu à échanges et l'entente à de grandes tapes dans les mains. Jubilatoire. Moretti recouvrira bientôt de noir une grande partie de ce dessin, comme à son habitude.
(Laure Narlian / FTV)
Voici le point de départ de l'oeuvre. Une bête à cornes, la tête du Minotaure, monstre à corps d'homme et tête de taureau. Un personnage qui leur a plu car il est inadapté à la société, en marge. Cette première partie a vu le jour dans un appartement avant d'atterrir galerie Perrotin.
(Laure Narlian / FTV)
Si l'on reconnait instantanément ici le trait de Luz, il faut savoir que Fab Moretti est également très impliqué dans cette partie. Dans ce travail à quatre mains, il est souvent difficile de distinguer qui a fait quoi. Et la surprise est grande quand Luz nous désigne les détails signés de l'un et de l'autre. Il s'agit d'une véritable co-création.
(Laure Narlian / FTV)
"Nous travaillons vraiment à deux", explique Luz. "On a défini en commun tout le déroulé de l'histoire, qui est notre version, notre interprétation du mythe. Nous avons en tête des scènes très précises. Et on discute énormément".
(Laure Narlian / FTV)
"Ici par exemple, c'est Fab qui s'est amusé à faire ce travail de titan". Cela ressemble à l'assaut des spermatozoïdes sur l'ovule. Chaque "tête" est d'ailleurs munie de cornes. Et dans le déroulé du récit, nous approchons effectivement de l'incarnation du monstre.
(Laure Narlian / FTV)
Le Minotaure en gestation dans la matrice de sa mère Pasiphaé, femme de Minos. La naissance au plan suivant.
(Laure Narlian / FTV)
Ici encore, le trait de Luz semble dominer. Erreur. D'abord, le sol bleu a été réalisé par Moretti, avec son motif de prédilection. Mais il a également dessiné le visage de l'enfant à cornes, la lampe et le pied de la table d'opération...
(Laure Narlian / FTV)
"En fait, je découvre la création pour la première fois", confie Luz. "D'habitude, avec les délais de Charlie Hebdo, je travaille vite. Avec les livres, c'est pareil, c'est très spontané, périssable. Là, c'est beaucoup plus réfléchi. Avec lui, j'apprends le côté méticuleux. En général je ne reviens jamais sur un dessin. Lui, défaire et refaire, c'est son truc."
(Laure Narlian / FTV)
Les médailles de cette scène représentent "le roi Minos bardé de ses pouvoirs de pacotille, mais aussi tous les éléments qui constituent l'histoire à venir". Sur ce plan foisonnant de détails, l'imbrication des deux dessinateurs atteint son summum. On se dit qu'ils ont dû travailler en chevauchant leurs bras et leurs doigts.
(Laure Narlian / FTV)
Dans la version de Luz et Moretti, le Minotaure est un être gauche et maladroit plus qu'un monstre assoiffé de sacrifices sanglants. Ici, semble-t-il au seuil du labyrinthe, il est plus attachant que jamais. Pour les deux complices, le labyrinthe n'est autre que "sa propre psyché".
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Suite de l'oeuvre
(Laure Narlian / FTV)
Détail
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Détail, le loup
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En haut, le travail du batteur des Strokes, réalisé à l'équerre, qui fait écho à la pochette du dernier album des new-yorkais, "Angles". Il nous précise qu'il n'en était pas l'auteur.
(Laure Narlian / FTV)
La tête inversée est typique du travail de hachurage de Fab Moretti. Plus généralement, le duo travaille au feutre Posca et à l'encre, mais aussi au crayon.
(Laure Narlian / FTV)
Il s'agit d'une des scènes les plus impressionnantes de l'oeuvre. Elle est basée sur un cliché réalisé par Moretti aux Halles de Rungis. Pour le Minotaure, Moretti a poussé Luz "dans ses retranchements". "Il trouvait qu'il n'y avait pas assez de moi dans le dessin d'origine. Ca m'a vachement travaillé, j'ai tout recouvert et dû sortir autre chose C'était comme de sauter d'un plongeoir de 10m. Mais il avait raison".
(Laure Narlian / FTV)
Avec la précédente, c'est une autre scène particulièrement réussie de cette fresque. Réalisée entièrement au crayon, elle est caractéristique du travail du batteur des Strokes.
(Laure Narlian/ FTV)
Lors du vernissage, Luz et Moretti ont pris des photos des visiteurs. Ils ont reproduit plusieurs portraits des personnes présentes sur cette partie qui se trouve à l'entrée, au seuil de la seconde pièce de la galerie.
(Laure Narlian / FTV)
"On ne sait pas où est le fil d'Ariane, mais on veut que tout soit connecté et que les visiteurs le comprennent : on ne fait pas une bédé."
(Laure Narlian / FTV)
Nous sommes vendredi et les deux complices vont devoir plier bagage le lendemain. L'oeuvre est loin d'être terminée. Plusieurs scènes sont inachevées. Des pans entiers du rouleau de papier sont restés blancs. "Si on avait pu travailler toute la nuit, on aurait pu finir", assure Fabrizzio.
(Laure Narlian / FTV)
Ce "work in progress", cette performance, a débuté à huis-clos, alors que Luz travaillait en parallèle sur la campagne présidentielle et Moretti sur un nouvel album des Strokes. Il s'est poursuivi à la galerie sous l'oeil des visiteurs et doit maintenant trouver un autre lieu. Peut-être une galerie à New York ou Tokyo. En attendant, depuis le 17 juin, le rouleau replié "dort, comme un monstre hibernant", nous informe Luz.
(Laure Narlian / FTV)
Quel était le but ? "Ca" répond le batteur des Strokes en désignant la fresque en progrès sur le mur. "Ce qui me plaît c'est de créer à deux. Lui et moi, cest comme une danse".
(Laure Narlian / FTV)
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