Les Pussy Riot condamnées à deux ans de camp
La lecture du jugement
Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, Ekaterina Samoutsevitch, 30 ans, et Maria Alekhina, 24 ans, sont "coupables de hooliganisme", a déclaré vendredi la présidente du tribunal Khamovnitcheski en commençant la lecture du jugement.
"C'est une honte ! C'est une injustice !", ont crié plusieurs personnes dans la salle du tribunal à l'annonce du jugement, inférieur d'un an à ce qu'avait requis le procureur. Nadejda Tolokonnikova a souri en entendant sa condamnation.
La lecture du jugement a duré près de trois heures, la juge reprenant en grande partie les arguments avancés le 7 août dernier par la procureur qui avait alors requis trois ans de camp contre les Pussy Riot .
La juge Marina Syrova a mis l'accent sur le caractère "sacrilège" de l'intervention des Pussy Riot et leur "haine de la religion", citant largement les déclarations d'employés et membres de la sécurité de la cathédrale qui ont porté plainte pour les "souffrances morales" occasionnées par la "prière punk" des jeunes femmes.
Dans une interview publiée vendredi par le journal Novaïa Gazeta, les prévenues avaient indiqué qu'elles ne demanderaient pas à M. Poutine de les gracier. "C'est à lui de nous demander, à nous et à vous, de le gracier", a déclaré Nadejda Tolokonnikova. Deux ans de cauchemar en camp pour femmes les attendent.
"Nous allons faire appel de tout verdict de culpabilité non seulement en Russie, mais dans les instances internationales", a prévenu l'avocate Violetta Volkova, citée par Interfax, avant même la lecture du jugement.
Le sujet du 13h de France 2 vendredi 17 août en direct de Moscou.
Une affaire de dimension internationale
L'affaire, qui soulève la question du droit à la liberté d'expression, a pris une dimension internationale et les trois femmes ont reçu ces dernières semaines de nombreuses marques de soutien du monde entier.
Amnesty International, le Conseil européen des Artistes, ainsi que plusieurs célébrités de la musique telles que Paul McCartney, Bjork, Madonna, Sting et Yoko Ono, la veuve de John Lennon, ont exprimé leur solidarité. Un clip international a également été réalisé à l'initiative de l'artiste canadienne d'electro punk Peaches.
En France, la ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti s'est inquiétée de leur sort, de même que la ministre des Droits des Femmes et porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem. Cette dernière a adressé vendredi avant le prononcé du verdict "une pensée" aux Pussy Riot, ajoutant que "l'impertinence ne devrait jamais amener en prison".
Des rassemblements en faveur des prévenues ont eu lieu vendredi en Russie et dans de très nombreuses capitales européennes, ainsi qu'à Sydney et New York (voir nos photos).
Le clip de soutien international initié par Peaches
L'affaire a divisé la société russe
Avec cette performance parodique, les Pussy Riot voulaient surtout dénoncer l'hypocrisie de l'Eglise et sa collusion avec le pouvoir, mais aussi l'absence de perspectives de changement tant que Poutine tient les rênes du pouvoir. Certains ont aussitôt crié au blasphème pour mieux masquer le caractère éminement politique de leur action.
L'affaire a profondément divisé la société en Russie, de nombreux prêtres et fidèles dénonçant la profanation de la cathédrale et une attaque en règle contre l'Eglise. D'autres, y compris au sein de l'Eglise, ont jugé les poursuites à leur encontre et leur maintien en détention disproportionnés par rapport aux faits qui leur sont reprochés.
Des manifestants ultra-nationalistes et orthodoxes manifestaient vendredi devant le tribunal. "Je veux que les Pussy et ceux qui les soutiennent brûlent en enfer", a déclaré l'un d'entre eux. Une centaine de personnes scandaient de leur côté "Liberté aux Pussy Riot!", "Liberté aux prisonniers politiques !".
Parmi les figures du mouvement de contestation du régime du président russe Vladimir Poutine, le blogueur pourfendeur de la corruption Alexeï Navalny a réussi à entrer dans le tribunal. Le chef du Front de Gauche Sergueï Oudaltsov a, quant à lui, été interpellé au moment où il tentait de franchir une barrière près du bâtiment, de même que deux autres partisans des Pussy Riot.
Vladimir Poutine en chute dans l'opinion russe
Le jugement intervient la semaine même où l'ex-agent du KGB Vladimir Poutine a passé le cap des cent jours depuis son retour au Kremlin pour un troisième mandat présidentiel, une période au cours de laquelle il a renforcé le contrôle de la société civile afin de répondre à un mouvement de protestation inédit à son encontre.
Selon un sondage de l'institut Levada, cité vendredi par le quotidien Vedomosti, la cote de popularité de M. Poutine est au plus bas depuis son arrivée à la tête de la Russie en 2000, avec seulement 48% de personnes satisfaites contre 25% d'insatisfaites. En mai dernier, une enquête d'opinion faisait état de 60% de satisfaits et de 21% d'insatisfaits.
Face à la résonance de l'affaire des Pussy Riot, le chef de l'Etat avait semblé plaider début août en faveur d'une certaine indulgence, estimant que les jeunes femmes ne devaient pas être jugées "trop sévèrement".
Vendredi, après le prononcé du verdict, l'Eglise orthodoxe russe a prôné "la clémence" envers les trois jeunes femmes. "Sans mettre en doute la légitimité de la décision de justice, nous demandons aux autorités de l'Etat de faire preuve de clémence envers les condamnées dans l'espoir qu'elles renonceront à toute répétition de ce genre de sacrilège", indique un communiqué.
DIAPORAMA : rappel de l'histoire de Pussy Riot sur le site de Geopolis
Partager : l’article sur les réseaux sociaux
les mots-clés associés à cet article
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.