Le tribute band, «The Musical Box», fait revivre Genesis
Acheter son billet pour un concert de « The Musical Box », c’est en quelque sorte prendre place à bord de la DeLorean du film "Retour vers le Futur". En l’occurrence, le curseur est placé sur les années 1974-1975. Giscard arrive, Nixon s’en va, les tours du World Trade Center ont été inaugurées deux ans plus tôt, les rues sont pleines de Renault 16 et Peter Gabriel enregistre « The lamb lies down on Broadway » qui sera son dernier album avec ses complices de Genesis.
Pour résumer, c’était une autre galaxie.
Si les tours sont tombées et qu’on ne rencontre plus guère de R16, il est possible de retrouver étonnamment intactes les émotions du concert de « The lamb », c'est ainsi que les amoureux de Genesis résument le titre du concept album. Pour celui, comme le rédacteur de ces lignes, qui a eu la chance d'assister à l'une des représentations originales de 1974, les deux heures de concert produites par « The Musical Box » laissent ébahi. On revoit ce que l'on a vu, et mieux encore, on réentend ce qu'on avait cru à jamais rangé au rayons des souvenirs.
The Musical Box
Le groupe s'est formé en 1993, pour commémorer sur scène le vingtième anniversaire d'un précédent album de Genesis, « Selling England by the Pound ». Interprétant exclusivement le répertoire du groupe de Peter Gabriel, les cinq Canadiens ne sont jamais dans l'imitation du principal groupe de rock progressif anglais (avec Yes). Même si le bassiste Sébastien Lamothe se donne des airs de Michael Rutherford en cachant son visage derrière ses cheveux blonds, même si le guitariste François Gagnon occupe la chaise, à gauche de la scène, qui fût celle de Steve Hackett, même si le batteur Gregg Bendian se donne des airs de prodige à la manière de Phil Collins, même si l'homme des claviers David Myers retrouve le détachement concentré de Tony Banks et même, surtout, si le chanteur Denis Gagné apparaît vêtu, maquillé comme Peter Gabriel, le miracle n'est jamais factice. Quand d'autres tribute bands singent le groupe qui les inspire (et qui les fait vivre), « The Musical Box » cultive l'image et la note juste.
Un chanteur hors pair
La prestation des musiciens leur a valu le plus bel hommage, celui de Phil Collins assurant que les Canadiens jouent mieux que le groupe original ! Quant au chanteur, il faut constamment se remettre en tête que l'homme que l'on a devant soi n'est pas Peter Gabriel. Denis Gagné a fait sienne cette voix de tête qui fut celle de Peter Gabriel avant qu'elle ne gagne en grave au fil de sa carrière solo. Dans les notes les plus hautes, il a même su trouver cette petite nuance, ce fugace dérapage dans la brillance qui ressemble tant à un cri de désespoir et qui restera l'un des charmes de la voix de Gabriel. Pour rendre tout à fait justice à Denis Gagné, il faut ajouter que cet artiste étonnant, en plus de la perfection vocale, maîtrise l'instrument dont joue Peter Gabriel au début de sa carrière : la flûte traversière. La voix, plus la flûte, ça sent le perfectionnisme.
The lamb lies down on broadway
Ce double disque se situe parmi les premiers concepts albums de l'histoire du rock. Le concept album, qu'il ne faut pas confondre avec l'opéra-rock, raconte une histoire qui évolue au fil de ses chansons. En l'occurrence l'histoire de Rael, un jeune latino américain, et ses aventures psychédéliques et délirantes dans les rues de New York. L'oeuvre comporte vingt trois morceaux et permet à Peter Gabriel d'assouvir plusieurs de ses passions. La musique et le chant, bien sûr, puis l'exercice de son imagination. Elle est sans limite et ses histoires sont peuplées de guerriers, de monstres et de farfadets. Il peut enfin se déguiser. Peter Gabriel a toujours eu la passion des costumes et des masques. Les shows théâtraux de Genesis donnent l'occasion à Peter Gabriel d'occuper toute la scène et de jouer tous les personnages, les autres membres du groupe se cantonnant à leur rôle de musiciens.
La chanson titre de l'album en version audio (le show original de Genesis n'a jamais été filmé)
La même par « The musical box »
Le rock progressif
Dans cette période de l'après Beatles, on était punk ou prog', reggae ou revival, folk ou disco. A l'opposé du courant punk, le rock progressif se voulait mélodique, parfois symphonique, toujours virtuose. Il eut autant d'admirateurs que de détracteurs. Aussi virulents des deux bords. Là où les premiers voyaient force et inspiration, les autres dénonçaient l'emphase. Ce que certains interprétaient comme une recherche époustouflante était dénoncé par les autres comme de fumeux accès de prétention intellectuelle. Genesis, période Gabriel, a pourtant su éviter les plus gros écueils. Près de quarante ans sont passés et sa musique reste parfaitement écoutable. « The musical box » lui rend plus qu'un hommage, il en perpétue la magie. L'émotion est la même qu'à l'écoute d'une boîte à musique retrouvée après des années d'oubli dans un grenier et que l'on ouvre machinalement. Le nom du groupe (celui d'une chanson figurant sur l'album Nursery Cryme) est donc parfaitement bien choisi.
En sortant du concert, j'ai failli rentrer chez mes parents.
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