Le plateau surprise du samedi met la fièvre aux Nuits Sonores
Frénésie et déluge sonore, le Secret Stage tient ses promesses
Venue pour la musique, pour faire la fête et surtout pour danser, la foule est compacte dès minuit devant la scène principale de l'ancienne usine Brossette. Précédés par la jeune Autrichienne Clara Moto et sa techno minimale et mélodique - honneur aux filles ? - les Français The Hacker et Gesaffelstein se livrent à un ping-pong efficace à puissance sonore maximum, qui met K.O. d'emblée. Dès lors, on ne peut plus circuler qu'en jouant des coudes, dans un corps à corps parfois éprouvant avec ses voisins, et l'on doit renoncer à toute progression vers l'avant sous peine d'être broyé vivant.
Il en faudrait beaucoup plus pour décourager la transe frénétique qui s'est emparée du public. Avec son live mordant, plus offensif que son album, le Grenoblois Oxia (signé comme Clara Motto sur Infiné, le label fondé par le Lyonnais Agoria) n'opère aucune baisse de régime et fait encore grimper d'un cran la force des décibels.
La house minimale mais néanmoins musclée du Berlinois Dixon à beau être un poil plus souple et moins menaçante, les tympans commencent à saigner. Le Secret Stage, qui avait monopolisé l'attention jusque là, cannibalisant les deux autres scènes moins affriolantes, commence à lâcher quelques grappes de curieux. Il est l'heure d'aller baguenauder du côté de l'excellent Kode 9, qui donne sur la modeste Scène 3, une belle leçon de bass music (drum'n'bass, dubstep...).
L'arrivée sur le Secret Stage du cultissime Ricardo Villalobos, que l'on a vu quelques heures plus tôt dans un projet plus expérimental au Théâtre des Célestins, rebat à nouveau les cartes et ramène les danseurs sur la piste. Avec une élégance folle et une grâce inouïe jusque dans sa gestuelle (un homme qui ne sait que carresser ses platines et dont la danse sensuelle semble épouser les courants d'air), cet aristocrate de la techo embarque le public à bord d'un de ces voyages cosmiques dont il a le secret. Elégant et mélodique, toujours subtil dans ses variations et ses clins d'oeil, notamment à Donna Summer et Giorgio Moroder dont on aura souvent entendu les échos cette année aux Nuits Sonores, le Chilien est un habitué des sets au long cours et des petits matins radieux qu'on arrache difficilement du poste de pilotage.
C'est le jeune rémois Brodinski à qui échoit la délicate charge de lui succéder. Mais il est très vite rejoint par le pétillant Agoria. Sur ses terres, cette figure locale qui connaît aujourd'hui un beau succès à l'international, est comme un poisson dans l'eau. Avec malice, le prochain parrain de la Techno Parade joue gentiment (et je coupe le son, et je remets le son...) avec les nerfs des danseurs, qui lui obéissent au doigt et à l'oeil.
Le trio de choc de la techno française joue les prolongations
Laurent Garnier, planqué derrière une enceinte, attend dans l'ombre. Dès qu'il montre le bout de son nez, le maître incontesté de la techno française reçoit l'ovation. En compagnie d'Agoria et de Brodinski, ce familier du festival lyonnais va donner durant près de deux heures l'estocade finale à cette magnifique édition anniversaire avec un set tour à tour endiablé et extatique.
Coutûmier comme Villalobos des Dj sets marathon que les lueurs du jour sont loin d'arrêter, Laurent Garnier taquinera même le directeur des Nuits Sonores en menaçant avec Agoria de ne jamais arrêter de jouer. Après l'heure, c'est encore l'heure. A 5h, heure finale prévue sur le programme, les platines chauffent toujours à plein régime et la foule hurle sa joie les bras en l'air. A 6h, heure fatidique du couvre-feu, on joue les prolongations. Après quelques faux départs, la dernière note retentit à 6h22. L'honneur de la techno des origines est sauf. Mieux, sa sève et son esprit sont ici plus vivants que jamais.
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