Pas moderne, mon clavecin ? Quand un instrument baroque devient "trendy"
Aucun doute, le clavecin est un instrument ancien, mais bien vivant. Le succès de l'Intégrale de l'œuvre de Bach pour clavecin à la Cité de la musique - à revoir sur Culturebox - l'a prouvé. Est-il pour autant moderne ?
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Le rythme joliment entêtant de la valse de "Golden Brown", immense tube du groupe rock britannique The Stranglers (1981) est un bel hommage au clavecin...
Même constat chez Francesco Tristano, pianiste respecté de New-York à Barcelone, qui porte un regard très ouvert sur la musique, du répertoire ancien à la musique électronique. Grand amateur du clavecin, interprète à ses heures, il constate que ce son est "catchy", entendez captivant, à la mode à cause de sa "fraîcheur". "Le clavecin est une véritable lumière, comparé à la pop surproduite que l'on entend", dit-il. Comme lui, le pianiste Bertrand Chamayou a pris des cours de clavecin pour aborder les pièces baroques. Car paradoxalement, la modernité du clavecin réside dans son passé : "c'est tout un répertoire un peu oublié pendant près de deux siècles qui a refait surface ; c'est ce qui est passionnant", explique Jean Rondeau.
Redécouverte du patrimoine baroque
La chose ne date pas d'hier. Début du XXe siècle, le clavecin est réhabilité par Wanda Landowska, puis ressurgissent les clavecins historiques à la faveur de la grande renaissance de la musique baroque depuis près d'un demi-siècle. Couperin, Rameau, Händel, Bach ou Scarlatti : le répertoire baroque pour clavecin continue sa cure de jouvence. Passion partagée et retransmise aux générations : les classes de musique ancienne dans les conservatoires en France et à l'étranger connaissent depuis 20 ans un bond insoupçonné. Et à Paris, le conservatoire national de musique voit son unique classe de clavecin en développement constant depuis 10 ans ; "la plupart de ces clavecinistes parviennent facilement à en vivre", explique le responsable de la formation, Olivier Baumont, grand claveciniste français initiateur de l'intégrale Bach à la Cité de la musique. Jean Rondeau a deux casquettes. Claveciniste, concertiste de répertoire baroque essentiellement, il a aussi créé une formation de jazz, "Note Forget", pour s'exprimer au piano, pas au clavecin. "Le répertoire ancien pour clavecin m'offre déjà la part d'improvisation dont j'ai besoin", explique-t-il. "La basse continue a une ligne écrite pour la main gauche, ainsi qu'un chiffrage à interpréter pour la main droite. On est libres de faire des traits, des phrases, de doubler des mélodies, de faire des accords plaqués, arpégés… Ajoutez à cela, la liberté que laissaient les compositeurs dans l'ornementation."
Inquiétudes contemporaines
Mais qu'on ne s'y trompe pas. Le clavecin contemporain existe aussi. Jean Rondeau compose et on compose pour lui (Stéphane Delplace, par exemple, en ce moment). Olivier Baumont écrit même pour le cinéma ! La France connaît quelques auteurs importants, Henri Dutilleux, Jérémie Rohrer, Yvan Quédélé. "C'est bien que ça correspond à une sensibilité actuelle", explique Olivier Baumont. "Il y a quelque chose dans ce son qui traduit les inquiétudes et les aspirations de la société contemporaine".
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