Les orchestres de Radio France trop chers ? Les musiciens se défendent
Ils sont une petite dizaine, violonistes ou trompettistes au "Philhar" (Orchestre Philharmonique, 130 musiciens) et au "National" (Orchestre national de France, 120 musiciens), à témoigner dans l'Agora, ce vaste espace au coeur de la Maison ronde rénovée, au milieu d'affichettes "Radio France en colère", ou "Mathieu Gallet, par ici la sortie".
"Il y a une forme de populisme dans le fait de caricaturer les musiciens comme de soi-disant privilégiés", s'indigne Gilles Mercier, trompettiste au Philharmonique.
"Nous ne sommes pas fonctionnaires, nous avons des contrats de droit privé", rappelle-t-il. Un musicien gagne entre 2.600 et 4.500 euros par mois. Pour intégrer un des deux orchestres permanents, il aura suivi un parcours ultra compétitif de concours et d'auditions, et arrive avec son propre instrument (60.000 euros pour un violon).
"On ne demande qu'à jouer"
Les deux orchestres ont tout juste réintégré la Maison ronde, après cinq ans de "nomadisme" dans de grandes salles parisiennes (Pleyel, Théâtre des Champs-Elysées) en raison des travaux de rénovation. Ils jouent désormais dans le nouvel Auditorium de la Maison de la radio, ouvert en novembre, tout en continuant de se produire sur les grandes scènes françaises et internationales.
"On revient après cinq ans d'absence, on ne demande qu'à jouer", souligne Jean-Pierre Odasso, élu par les musiciens pour représenter le Philharmonique, en réponse aux critiques de sous-emploi des musiciens de la Cour des comptes.
Mais de l'avis de tous, la billetterie n'est pas au point et l'accueil médiocre pour le nouvel outil qu'est l'Auditorium. "Personne n'a pris en compte la nécessité de faire tourner la salle", remarque Gilles Mercier.
Faire fonctionner une salle est un métier
Faire fonctionner une salle est un vrai métier, qui nécessite des équipes techniques, soulignent les musiciens. La publicité est également insuffisante : "Pendant cinq ans, on a bénéficié de la publicité faite par nos salles d'accueil, Pleyel et le TCE", remarque Marc Olivier de Nattes, violoniste au National.
Les artistes jugent facile dans ces conditions de pointer la faiblesse des recettes de billetterie (2 millions d'euros) pour un coût global des quatre formations (choeur, maîtrise d'enfants et deux orchestres) estimé par le président de Radio France à 60 millions d'euros.
"On fait croire que les orchestres coûtent 60 millions, alors que ça englobe tout ce qu'il y a autour de la musique" y compris l'administration et France Musique, souligne Jean-Pierre Odasso. En 2013, les quatre formations ont coûté 39,1 millions de coûts directs, selon la Cour des comptes.
L'absence de projet artistique critiquée
Dans une pétition signée par de grands noms de la musique, des soeurs Labèque au quatuors Ebène et Modigliani, mais aussi par des politiques (Roselyne Bachelot, Jacques Attali), les musiciens de Radio France rappellent que "les formations musicales ne représentent que 6% du budget global de Radio France".
"On compte seulement quatre orchestres symphoniques à Paris, nos deux orchestres, l'Orchestre de Paris et celui de l'Opéra", souligne Gilles Mercier. "Il faudrait rappeler au gouvernement qu'il ne s'agit pas seulement de la Maison de la radio, mais du rayonnement de la France".
Nicolas Vaslier, violoniste au National, se dit "soulagé" que la ministre ait "conforté les deux formations permanentes de Radio France", désavouant le projet de Mathieu Gallet d'externaliser le National sous la tutelle de la Caisse des dépôts, propriétaire du Théâtre des Champs-Elysées (TCE). "Une farce !" s'exclame-t-il, "puisque la Caisse et le directeur du théâtre l'ont appris dans la presse."
"Le vrai problème c'est l'absence totale de projet artistique", pointe-t-il. Le "redimensionnement" des orchestres relève selon les musiciens de la pure vision comptable. "Réduire les orchestres à 90 musiciens, cela signifie qu'on supprime toutes les grandes formes, Strauss, Mahler, ou même certaines oeuvres de Schönberg", avertit la violoniste du Philharmonique Béatrice Gaugué.
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