Cet article date de plus d'onze ans.
La Folle Journée de Nantes à l'heure espagnole
La musique espagnole ce sont trois grands noms, Albeniz, Granados, Falla. Mais aussi le petit peuple et un instrument fétiche, la guitare. Exploration avec le mélomane Bertrand Renard.
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Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Trois grands noms seulement : Albeniz, Granados, Falla
La musique espagnole se résume essentiellement à trois noms, Isaac Albeniz (1860-1909), Enrique Granados (1867-1916), tous deux catalans, et l’andalou Manuel de Falla (1876-1946). Il semble étrange que la grande Espagne n’ait pas vu naître davantage de grands musiciens (en comparaison par exemple de l’autre pays latin, la foisonnante Italie). On écoutait pourtant sur les terres ibériques motets, messes, œuvres pieuses. Tentons une explication: la lugubre cour d’Espagne avait un côté « talibanesque » dans sa traque de plaisirs trop profanes. Et la musique, en-dehors de tout accompagnement religieux, en était un.
On savait s'amuser chez le petit peuple
Heureusement l’on savait aussi s’amuser de l’autre côté des Pyrénées, mais chez le petit peuple. C’est donc là que se crée la zarzuela, sorte de théâtre de chansonniers ou de revue satirique musicale, qui fera fureur aux XVIIIe et XIXe siècle. On commence à découvrir chez nous ce genre typiquement espagnol qui regorge d’œuvres de qualité, pas si faciles à chanter. Le grand ténor Placido Domingo en est friand, les auteurs de ces merveilles n’ont pas hélas ! accédé à la notoriété.
Il n’y a pas de mystère dans l’éclosion d’Albeniz, Falla et Granados. L’Espagne au XIXe siècle est à la mode –son caractère tragique, son sens du désespoir et ses couleurs sombres sont en phase avec l’esprit romantique. Toute une génération de créateurs regarde alors vers le grand voisin du Nord. Albeniz, Granados, Falla (comme d’ailleurs Picasso, Miro, Dali, ces trois géants de la peinture) étudieront ou séjourneront à Paris.
L'oeuvre phare d'Albeniz, "Iberia" par Luis Fernando Perez
Leur musique reste cependant très espagnole –mais c’est évidemment une Espagne austère et rude, très éloignée des clichés folklorisants. L’œuvre-phare d’Albeniz, « Iberia », est un chef- d’œuvre, un monument (deux heures et demie de musique) parmi les plus difficiles de la littérature de piano. On l’entendra en deux concerts nantais par Luis Fernando Perez, un des poulains de René Martin, qui sera ici dans son élément. Granados est aussi l’auteur de deux merveilleux cycles de piano, les « Goyescas » et les « Danses espagnoles ». On découvrira aussi son « Quintette avec piano », très étrange car certains mouvements sonnent « musique française » avant qu’une cantilène vraiment espagnole vous serre brusquement le cœur. Granados, retour d’Amérique où ses « Goyescas » avaient triomphé, périra au large de l’Angleterre, le bateau où il avait pris place torpillé par un sous-marin allemand.
La « danse du feu » de Manuel de Falla est un des tubes de la musique andalouse. Elle est l’apothéose de son ballet, l’ « Amour sorcier », composé pour les ballets russes de Diaghilev. Avec ses chatoyantes « Nuits dans les jardins d’Espagne » on découvrira l’œuvre concise de ce génie énigmatique et secret, quelques pièces pour piano, un concerto pour clavecin de 12 minutes! L’Espagne calcinée, brûlante et âpre : Falla était admiré des maîtres de son temps, Bartok ou Ravel.
Une salle dédiée à la guitare du matin au soir !
La guitare, instrument-roi de l’Espagne, à qui une salle sera dédiée : de la guitare du matin au soir! Les compositeurs sont souvent peu connus, Moreno-Torroba, Bacarisse, Llobet, Pipo, Barrios. Car curieusement Albeniz et Granados n’ont pas composé pour elle et Falla des œuvres mineures. Pour être complet je citerai enfin les œuvres « espagnoles » de la musique française, qui seront en bonne place à Nantes : « Carmen », évidemment: l’œuvre de Bizet est une succession de mélodies sublimes… d’un homme qui ne mit jamais les pieds en Espagne. La « symphonie espagnole » d’Edouard Lalo, tube pour les violonistes mais qui, de mon point de vue, n’est pas sans vulgarité. Vulgarité à laquelle échappe « Espana », œuvre symphonique brillantissime, grâce au génie d’Emmanuel Chabrier.
Enfin Debussy et Ravel. « Iberia » de Debussy nous raconte l’Espagne des soirs de fête sans que Debussy réussisse toujours l’équilibre entre l’impressionnisme français et la sécheresse espagnole. Equilibre que trouve Ravel dans sa « Rhapsodie espagnole », musique nocturne concise, parfois aux limites du silence, où les danses ont des allures de tragédie. Ravel, le basque, comprenant intimement la nature secrète de l’Espagne, lieu de son dernier voyage avant qu’il se taise définitivement.
Le Programme complet de La Folle Journée de Nantes 2013
La musique espagnole se résume essentiellement à trois noms, Isaac Albeniz (1860-1909), Enrique Granados (1867-1916), tous deux catalans, et l’andalou Manuel de Falla (1876-1946). Il semble étrange que la grande Espagne n’ait pas vu naître davantage de grands musiciens (en comparaison par exemple de l’autre pays latin, la foisonnante Italie). On écoutait pourtant sur les terres ibériques motets, messes, œuvres pieuses. Tentons une explication: la lugubre cour d’Espagne avait un côté « talibanesque » dans sa traque de plaisirs trop profanes. Et la musique, en-dehors de tout accompagnement religieux, en était un.
On savait s'amuser chez le petit peuple
Heureusement l’on savait aussi s’amuser de l’autre côté des Pyrénées, mais chez le petit peuple. C’est donc là que se crée la zarzuela, sorte de théâtre de chansonniers ou de revue satirique musicale, qui fera fureur aux XVIIIe et XIXe siècle. On commence à découvrir chez nous ce genre typiquement espagnol qui regorge d’œuvres de qualité, pas si faciles à chanter. Le grand ténor Placido Domingo en est friand, les auteurs de ces merveilles n’ont pas hélas ! accédé à la notoriété.
Il n’y a pas de mystère dans l’éclosion d’Albeniz, Falla et Granados. L’Espagne au XIXe siècle est à la mode –son caractère tragique, son sens du désespoir et ses couleurs sombres sont en phase avec l’esprit romantique. Toute une génération de créateurs regarde alors vers le grand voisin du Nord. Albeniz, Granados, Falla (comme d’ailleurs Picasso, Miro, Dali, ces trois géants de la peinture) étudieront ou séjourneront à Paris.
L'oeuvre phare d'Albeniz, "Iberia" par Luis Fernando Perez
Leur musique reste cependant très espagnole –mais c’est évidemment une Espagne austère et rude, très éloignée des clichés folklorisants. L’œuvre-phare d’Albeniz, « Iberia », est un chef- d’œuvre, un monument (deux heures et demie de musique) parmi les plus difficiles de la littérature de piano. On l’entendra en deux concerts nantais par Luis Fernando Perez, un des poulains de René Martin, qui sera ici dans son élément. Granados est aussi l’auteur de deux merveilleux cycles de piano, les « Goyescas » et les « Danses espagnoles ». On découvrira aussi son « Quintette avec piano », très étrange car certains mouvements sonnent « musique française » avant qu’une cantilène vraiment espagnole vous serre brusquement le cœur. Granados, retour d’Amérique où ses « Goyescas » avaient triomphé, périra au large de l’Angleterre, le bateau où il avait pris place torpillé par un sous-marin allemand.
La « danse du feu » de Manuel de Falla est un des tubes de la musique andalouse. Elle est l’apothéose de son ballet, l’ « Amour sorcier », composé pour les ballets russes de Diaghilev. Avec ses chatoyantes « Nuits dans les jardins d’Espagne » on découvrira l’œuvre concise de ce génie énigmatique et secret, quelques pièces pour piano, un concerto pour clavecin de 12 minutes! L’Espagne calcinée, brûlante et âpre : Falla était admiré des maîtres de son temps, Bartok ou Ravel.
Une salle dédiée à la guitare du matin au soir !
La guitare, instrument-roi de l’Espagne, à qui une salle sera dédiée : de la guitare du matin au soir! Les compositeurs sont souvent peu connus, Moreno-Torroba, Bacarisse, Llobet, Pipo, Barrios. Car curieusement Albeniz et Granados n’ont pas composé pour elle et Falla des œuvres mineures. Pour être complet je citerai enfin les œuvres « espagnoles » de la musique française, qui seront en bonne place à Nantes : « Carmen », évidemment: l’œuvre de Bizet est une succession de mélodies sublimes… d’un homme qui ne mit jamais les pieds en Espagne. La « symphonie espagnole » d’Edouard Lalo, tube pour les violonistes mais qui, de mon point de vue, n’est pas sans vulgarité. Vulgarité à laquelle échappe « Espana », œuvre symphonique brillantissime, grâce au génie d’Emmanuel Chabrier.
Enfin Debussy et Ravel. « Iberia » de Debussy nous raconte l’Espagne des soirs de fête sans que Debussy réussisse toujours l’équilibre entre l’impressionnisme français et la sécheresse espagnole. Equilibre que trouve Ravel dans sa « Rhapsodie espagnole », musique nocturne concise, parfois aux limites du silence, où les danses ont des allures de tragédie. Ravel, le basque, comprenant intimement la nature secrète de l’Espagne, lieu de son dernier voyage avant qu’il se taise définitivement.
Le Programme complet de La Folle Journée de Nantes 2013
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