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Contre l’oubli, des concerts de "musique dégénérée" composée par des déportés

On pourrait considérer ça comme un Kaddisch artistique. A l'image de l’énoncé à haute voix des noms des morts qui permet de leur éviter l’oubli, Hélios Azoulay a choisi d’interpréter en public les œuvres des compositeurs morts sous la tyrannie nazie. Ces oeuvres ont miraculeusement réussi à survivre à leurs auteurs et nous sont parvenues. De nombreuses autres ont été perdues à jamais.
Article rédigé par franceinfo
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Camp de la mort
 (- / AFP)
Entartete Musik
A l’image d’une certaine forme de peinture, les nazis avaient classé « dégénérées » (Entartete Musik) les compositions des compositeurs juifs, noirs ou d’inspiration prolétarienne. Le jazz des années trente entrait bien sûr dans la catégorie, de même que les œuvres d’artistes comme Schönberg, Kurt Weill ou Bartok. Ce dernier, considérant comme un honneur d’entrer dans la catégorie, demanda à être incorporé dans l’exposition dénonciatrice de ce type de musique organisée par la propagande du Reich. Mais les trois compositeurs sur qui la répression artistique s’acharna particulièrement furent les trois "M" : Meyerber, Mendelssohn et Mahler.

Reportage : B. Dunglas, H. Colosio, Ph. Jantet, MC Varin

La musique pour accompagner la mort
Dans les camps d’extermination, un orchestre composé de musiciens prisonniers accompagnait les hommes et les femmes vers leur supplice. C’était au point que les survivants des camps de la mort mirent parfois des décennies avant de pouvoir à nouveau écouter de la musique classique et principalement Beethoven.

La musique avait en effet, depuis le début du nazisme (et c’est souvent propre aux régimes dictatoriaux), accompagné la propagande. Wagner et son lyrisme convenaient idéalement aux grands messes hitlériennes, de même qu’un certain type d’interprétation grandiloquente de Beethoven.
Affiche de l'exposition nazie consacrée à la musique "dégénérée"
 (DR)

Sauver de l’oubli
Une initiative comme celle d’Hélios Azoulay rappelle que, jusqu’aux portes de la mort, l’inspiration n’a pas manqué aux compositeurs et musiciens voués à la disparition pure et simple de la mémoire de l’humanité. Des œuvres composées derrière les barbelés ont survécu à leurs auteurs. Elles nous sont finalement parvenues, parfois au prix de la vie de ceux qui les protégeaient. Signées ou anonymes, elles sont aujourd’hui interprétées comme une revanche sur le despotisme le plus infâme.

Elles sont émouvantes par ce qu’elles évoquent et par le peu que l’on sait aujourd’hui de ces hommes et ces femmes qui, en les composant, ranimaient de leurs notes l’espoir vacillant qui pouvait survivre en eux, malgré tout.
 
 "Voix étouffées du IIIe Reich", un livre d’Amaury du Closel, paru aux éditions Actes Sud, est entièrement consacré à ces compositeurs oubliés.

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