Parolier pour Michel Polnareff, scénariste pour François Truffaut et académicien, Jean-Loup Dabadie est mort
L'homme de lettres fut auteur, traducteur, metteur en scène, parolier, dialoguiste et journaliste. Il est mort dimanche à l'âge de 81 ans. Parmi ses chansons les plus connues, "Lettre à France", chantée par Michel Polnareff, et "Ma préférence", interprétée par Julien Clerc.
C'était un homme aux mille vies. L'écrivain et membre de l'Académie française Jean-Loup Dabadie est mort à l'âge de 81 ans, a annoncé son agent à l'AFP dimanche 24 mai.
Jean-Loup Dabadie est mort à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, d'une maladie autre que le Covid-19, a précisé Bertrand de Labbey. "Jean-Loup Dabadie est décédé aujourd'hui à 13 heures. C'était un artiste complet, il avait réussi dans tous les arts : le sketch avec Guy Bedos ; la chanson avec Polnareff (Lettre à France) et Julien Clerc (Femmes je vous aime); et également le cinéma en tant que scénariste et adaptateur", a-t-il rappelé.
L'auteur des Yeux secs (1957) et des Dieux du foyer (1958) est connu pour avoir eu une carrière très variée, notamment comme parolier. Il est l'auteur de titres pour des artistes très connus. C'était également un auteur prolifique pour la télévision et le cinéma. Après avoir débuté en envoyant des sketchs à Guy Bedos, il a écrit des scénarios de films pour le cinéma. Jean-Loup Dabadie a collaboré notamment avec François Truffaut, avec qui il a écrit Une belle fille comme moi. Mais aussi avec Yves Robert pour Un éléphant ça trompe énormément, sorti en 1976 et Nous irons tous au paradis (1977). Il avait été nommé à l'Académie française en 2008.
La France des années 1970
La France de Dabadie est celle des copains dans les films d'Yves Robert, qui triomphent dans les années 1970. Celle aussi de la tendresse bourrue et de la famille malmenée. Une France moyenne. Avec la crise économique, le chômage, les ruptures en toile de fond. Un monde de chefs d'entreprises à la dérive, de cadres licenciés, de jeunes qui débutent et de couples éclatés. Une France de l'amitié, essentiellement masculine, et la crise de la quarantaine a longtemps été le point commun des personnages des films de Sautet et d'Yves Robert. Un univers tendre et joyeux, semé de gags, dans la lignée des grands scénaristes du cinéma français.
"Le métier de scénariste doit se faire dans une ombre infinie", aimait dire ce discret qui ciselait ses répliques loin du tapage du show-business. Et ce fou de travail (et de tennis) aux allures de dilettante et à la silhouette de dandy n'aura guère cessé d'écrire. Ses derniers succès au cinéma remontaient au début des années 1980. Ensuite, Jean-Loup Dabadie avait semblé moins en phase avec son époque. Il venait pourtant de terminer l'adaptation pour le cinéma d'un roman de Georges Simenon, Les Volets verts, dont le premier rôle devait être tenu par Gérard Depardieu.
Romancier publié à 20 ans
Jean-Loup Dabadie est né le 27 septembre 1938 à Paris, mais il passe son enfance à Grenoble. Il revient à Paris pour terminer ses études, dans les prestigieux lycées Janson-de-Sailly et Louis-le-Grand, puis à la Sorbonne. L'été de ses 18 ans, il est stagiaire au Théâtre national populaire (TNP) de Jean Vilar, pour le festival d'Avignon, et prend goût pour toujours au spectacle.
L'écriture commence pour lui avec deux romans, publiés quand il a 20 et 21 ans (Les Yeux secs et Les Dieux du foyer, 1957 et 1958). Le patron de presse Pierre Lazareff est séduit par ces deux livres, ainsi que par les articles qu'il signe dans Arts et Spectacles. Il l'embauche dans son groupe comme journaliste. Il collabore à la création de la revue Tel quel, avec Philippe Sollers et Jean-Edern Hallier, et écrit des critiques de films et des reportages pour Arts.
Dès 1962, il travaille pour la télévision, avec Jean-Christophe Averty, imagine des sketchs pour Guy Bedos (il en écrira aussi pour Sylvie Joly, Muriel Robin ou Jacques Villeret). Pierre Brasseur crée sa première pièce, La famille écarlate, au théâtre de Paris (1967). Jean-Loup Dabadie quitte alors la presse pour devenir à temps plein un "écrivain de spectacles", selon les mots de François Truffaut. A partir de là, il écrit des scénarios et dialogues de films, des pièces de théâtre, des sketches et des chansons.
Le cinéma avec Sautet, Robert, Truffaut...
Au cinéma, il commence en écrivant le sketch Ella réalisé par Jacques Poitrenaud pour le film Les Parisiennes, en 1962. Il rencontre Claude Sautet pour Les Choses de la vie, prix Louis-Delluc en 1970. Les deux hommes collaborent encore sur Max et les Ferrailleurs (1971), César et Rosalie (1972), Vincent, François, Paul et les autres (1974), Une histoire simple (1978) et Garçon ! (1983).
Jean-Loup Dabadie travaille avec d'autres grands réalisateurs français de cette époque comme Yves Robert (Un éléphant ça trompe énormément, 1976, Nous irons tous au paradis, 1977), Philippe de Broca (Chère Louise, 1972) ou Claude Pinoteau (Le Silencieux, 1973) avec lequel il remporte le prix Louis-Delluc pour le film La Gifle en 1974. Il signe également le scénario d'Une belle fille comme moi de François Truffaut en 1972.
La musique avec Polnareff, Clerc, Dutronc...
Jean-Loup Dabadie signe aussi plusieurs pièces de théâtre (Le Vison voyageur, 1969, Madame Marguerite, 1974). Il écrit de nombreux textes de chansons et collabore avec les plus grands noms de la scène française : Serge Reggiani, Michel Polnareff, Claude Francois, Barbara, Jacques Dutronc, Dalida, Julien Clerc, Juliette Greco...
Jean-Loup Dabadie est élu le 10 avril 2008 à l'Académie française au fauteuil de Pierre Moinot : l'institution le reconnaît ainsi pour son talent dans tous les aspects de l'écriture. Avec lui, l'Académie renoue avec le cinéma, qui n'était plus représenté depuis la mort de René Clair en 1981.
De nombreux prix
Et tous ses talents lui ont valu des prix : le prix Jean Le Duc de l'Académie française pour César et Rosalie (1972) et pour La Gifle (1974), le grand prix du cinéma de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre (1983), le grand prix (humour) de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) en 1984, le grand prix de la chanson française de la Sacem (parolier) en 2000, le prix Raymond-Devos de la langue française en 2004, le prix Henri-Jeanson de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) pour l'ensemble de son œuvre la même année.
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