Agnes Obel et sa délicatesse enchantent le Casino de Paris
"Quand je suis sur scène, tout devient différent. Je pense au son, au public, à moi-même, à la crainte de la fausse note, à l'obligation de bien chanter. Toutes ces choses là m'assaillent soudain. L'instant devient une épreuve", déclarait Agnes Obel quelques heures avant ce concert parisien à guichets fermés. Une épreuve qu'elle a entamée avec retenue par "Red Virgin Soil", un morceau instrumental de son dernier opus, qui a d'emblée installé une ambiance mystérieuse voire mystique, intimidant même les spectateurs qui n'osaient pas applaudir trop fort.
Et la voix subtile, tantôt cristalline, tantôt grave d'Agnes Obel de se faire enfin entendre, avec "Dorian" issu de son précédent opus "Aventine". Une chanson dans l'ombre de laquelle s'extirpe un premier fantôme, celui de Kate Bush. Le premier tiers du récital pose alors les bases d'un concert à la fois intime et dense, prompt à offrir un rêve éveillé au public déjà conquis. Les plus beaux titres de ce dernier effort s'enchaînent: "Trojan Horses" et ses choeurs déchirants, "It's happening again" au terme duquel le temps reste comme suspendu et les respirations des spectateurs avec lui, "Familiar" porté par ses cordes enchanteresses. La mélancolie se fait aérienne.
Sur scène, Agnes Obel reste assise, occupée à balader ses doigts délicats sur son synthétiseur et son piano droit. Autour d'elles s'activent ses quatre musiciennes accompagnatrices, pour lesquelles violon, violoncelle, clarinette, célesta, clavecin, saxophone, percussions électroniques n'ont pas de secret. Survient alors un intermède au piano. Un "instant Erik Satie" qui brise doucement la pesanteur et précède un creux inattendu, au risque de tutoyer parfois l'ennui, trois, quatre titres durant.
Une musique de chambre qui ouvre les fenêtres en grand
Mais la courbe finit par redevenir sinusoïdale et de nouvelles hauteurs sont atteintes avec "Stone" et "Stretch your eyes" et leur final enlevé. Un rappel de trois chansons achève de parfaire l'ensemble. Seule face à ce piano droit qu'elle suspecte de voir "tomber en morceaux" ("This piano is falling apart", dit-elle en anglais), elle ajoute un soupçon de jazz sur "Smoke and Mirror".
"Riverside", un des morceaux-phares de son premier album "Philarmonics", est quant à lui magnifiquement revisité et crée une ambiance oscillant entre les Oiseaux d'Alfred Hitchcock et les Hauts de Hurlevent d'Emilie Brontë. Avant que "On Powdered Ground" n'offre un épilogue tourbillonnant sous une brume qui a envahi la scène sans qu'on ne l'ait vue venir. Son "épreuve" passée avec succès, Agnes Obel peut sourire. Sa musique de chambre a ouvert les fenêtres en grand. En face d'elle, non seulement les oiseaux n'avaient rien d'inquiétants, mais ils sont en plus repartis enchantés.
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