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Formes à chapeaux, croquis, Polaroïds… Cinq choses à découvrir dans l'exposition "Yves Saint Laurent au 5, avenue Marceau" à Paris

L’événement "Yves Saint Laurent aux musées" offre un parcours dans les collections permanentes de six musées parisiens, dont le musée Yves Saint Laurent. Dans ce dernier, point de robes mais la découverte du processus créatif avec l'exposition "Yves Saint Laurent au 5, avenue Marceau".

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
L'exposition "Yves Saint Laurent au 5, avenue Marceau" au musée Yves Saint Laurent, janvier 2022 : une planche de polaroids.  (CORINNE JEAMMET)

Yves Saint Laurent au 5, avenue Marceau est l'une des six expositions présentées dans le cadre de l'événement Yves Saint Laurent aux muséesEn écho aux collections exposées dans cinq autres musées parisiens, une partie des archives de la maison de couture est présentée au musée Yves Saint Laurent Paris. En majorité inédites, elles permettent de lire la fabrique des modèles, sentir la vie de cette maison, et comprendre le processus créatif. "C’est ma maison, c’est une grande joie d’avoir autant d’amour qu’elle me porte. Je parle des ouvrières, des premiers, toute la maison, c’est une maison basée sur l’amour", affirmait le couturier. L'exposition Yves Saint Laurent au 5, avenue Marceau rend justement hommage aux ateliers, à celles et ceux qui ont participé à la réalisation des modèles.

En ce sens, l'exposition est un portrait de la maison de couture. Mouna Mekouar, une des co-commissaires, l'explique : "Ici, on a essayé de montrer un autre aspect de son œuvre, l'importance et l'amour qu'il avait pour le travail, l'obsession qu'il avait pour les dessins mais aussi l'importance de ses ateliers. Car aucune de ses œuvres n'aurait pu être réalisée sans ses ateliers et sans toutes les personnes qui ont collaboré avec lui." Dans cette exposition, point de vêtements mais un voyage à la découverte de l'âme d'une maison et de son fondateur. Bouleversant. Voici cinq étapes que nous vous conseillons de découvrir. 

1Les croquis du défilé d'adieu de 2002

Le 22 janvier 2002, le couturier Yves Saint Laurent met fin à sa carrière et  organise un défilé rétrospectif, le dernier show haute couture de sa maison. Tous ses grands classiques sont présentés, soit 300 modèles, portés par les plus grands tops, de Claudia Schiffer à Carla Bruni, en passant par Jerry Hall et Naomi Campbell. Pour le final sur le podium étaient aussi là Laetitia Casta ainsi que Catherine Deneuve – amie intime et l'une de ses muses – qui chante Barbara, Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous. L'exposition montre les croquis des modèles de ce dernier défilé. Mais il est également possible de revivre ce moment fort au Centre Pompidou, où la captation du défilé d’adieu est diffusée le 10 février 2022 dans le cadre de l'événement Yves Saint Laurent aux musées.

L'exposition "Yves Saint Laurent au 5, avenue Marceau" au musée Yves Saint Laurent, janvier 2022 : les croquis du défilé d'adieu en 2002 (CORINNE JEAMMET)

Dans la même salle d'exposition, l'ex-petit salon de la maison de couture, on peut trouver le premier dessin de la première collection du couturier. Lors de la visite presse, Madison Cox, président de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, nous l'a détaillé : "C'est un caban de 1962. Vous allez voir la modernité de cet objet où l'on parle de masculin/féminin. C'est un vêtement extraordinaire. Tout ce que vous voyez ici et dans les salles suivantes, ce sont les dessins qui représentent les modèles qui ont défilé lors de son dernier défilé d'adieu au Centre Pompidou, il y a exactement vingt ans. Nous fêtons aussi les 60 ans de son premier défilé, le 29 janvier 1962." 

Avant de nous laisser parcourir l'exposition, Madison Cox a ajouté : "Il n'y a pas de vêtement ici mais vous allez comprendre le processus créatif : à partir d'un simple dessin, il y a un patron, ensuite une toile, que cela soit répliqué pour un vêtement, pour une chaussure ou pour un chapeau. Dans cette maison, il y avait tous ces différents ateliers." 

2Les formes en bois à chaussures et à chapeaux

Après les 300 dessins réalisés entre 1962 et 2002, vous découvrez "les patrons, les toiles, les formes à chaussures, les formes à chapeaux. On montre tous ces objets, à la fois en tant que processus didactique pour expliquer le processus créatif, et aussi un peu comme des objets d''art. C'est bouleversant de voir la dévotion et l'amour que chacun des ateliers avaient pour créer une toile ou créer un patron. Ces objets n'étaient pas faits pour être montrés, ils étaient juste des instruments de travail", souligne la commissaire Mouna Mekouar.

Yves Saint Laurent accorde une importance toute particulière à la chaussure mais aussi au chapeau. Plus que des accessoires, ils font partie intégrante de son style. Le chapeau suppose un port de tête et donne le ton à un ensemble tandis que la chaussure détermine l'allure générale et une démarche qui doit être la plus naturelle possible. En 1969, un atelier de chaussures voit le jour au sein de la maison et propose pour chaque défilé un éventail de modèles. Pour les réaliser, il utilise des formes existantes pour créer de nouveaux patronages. Des prototypes sont soumis à l'approbation du couturier, qui parfois les corrige au millimètre près. Certains fidèles de la maison avaient même leur propre forme !

Le couturier voit aussi le chapeau comme le point final de la tenue, fantasque et exubérant, allant du plus anodin au plus sophistiqué. Il y apporte une touche de fantaisie, de légère provocation et un grain de folie. Pour leur confection, l'atelier utilise en guise de toile des sparteries (à base de fibres végétales) et des formes en bois. Une fois le modèle approuvé, un ébéniste sculpte une nouvelle forme. Installées sur des étagères, ces formes apparaissent ici dans toute leur simplicité, belles comme des objets de design. C'est bluffant de modernité. 

L'exposition "Yves Saint Laurent au 5, avenue Marceau" au musée Yves Saint Laurent Paris, le 28 janvier 2022 : les formes en bois à chapeaux présentées tels des objets de design. (Corinne Jeammet)

3Les toiles, premières ébauches du vêtement

A l'étage, dans une pièce toute blanche, sont accrochées en hauteur des toiles qui servaient à mettre en volume le dessin du couturier. Avant que le vêtement ne défile, il y a plusieurs étapes dans sa conception : les toiles sont la première ébauche du futur vêtement. Elles sont une étape fondamentale pour la matérialisation du vêtement et le point de référence, la base ou le mètre étalon pour chaque commande ou reproduction. Ces toiles, rarement dévoilées lors d'expositions, sont précieuses et très émouvantes car parfois elles sont annotées de la main du couturier. 

Un des co-commissaires, Stephan Janson, nous avait précédemment parlé de certaines toiles rangées dans des cartons "On a ouvert et on a découvert les toiles cubistes, les toiles Picasso. Cela a été vraiment une émotion, elles étaient entassées les unes sur les autres. On a senti tout le travail qu'il y avait derrière... c'était émouvant de voir une telle précision dans les toiles."

L'exposition "Yves Saint Laurent au 5, avenue Marceau" au musée Yves Saint Laurent, janvier 2022 : les toiles, premières ébauches du futur vêtement.  (CORINNE JEAMMET)

4Le studio, lieu central de la maison

Le parcours d'une exposition au musée Yves Saint Laurent Paris se termine toujours dans le bureau du couturier. Lieu central de cette maison de couture pendant près de trente ans, le studio est la pièce la plus émouvante du musée. Si elle frappe par sa simplicité et contraste avec la somptuosité des salons de l'époque, elle s'accorde à l'atmosphère de travail dont le couturier avait besoin. Dans le miroir au fond, il examinait le reflet du mannequin pour apprécier le vêtement. Ses objets fétiches sont ici réunis, ses souvenirs et ses pots à crayons de couleurs. Sur le rebord de sa chaise, sa blouse blanche. Au pied du bureau, la gamelle de son chien Moujik. Et, dans la bibliothèque, des ouvrages, principales sources d'inspiration du couturier. 

Pour Stephan Janson, "la chose la plus émouvante de cette pièce, c'est cette petite boîte, qui n'était jamais là d'ailleurs". Cette boîte était toujours chez Monsieur Saint Laurent et "c'est lui qui l'amenait le jour du défilé. C'était son fétiche de collection. Il le mettait sur le modèle qui représentait le plus le message qu'il voulait faire passer cette année-là... Ici, nous avons la boîte, mais le cœur [qu'elle contenait] est exposé au musée du Louvre", précise-t-il. 

L'exposition "Yves Saint Laurent au 5, avenue Marceau" au musée Yves Saint Laurent, janvier 2022 : le studio de travail du couturier (CORINNE JEAMMET)

5Les Polaroïds de mannequins

Dans la dernière salle, sorte de couloir, est accroché un tableau constitué de Polaroïds. Avant chaque défilé, ces derniers sont réalisés de manière à confirmer le choix des accessoires de chaque tenue. Ils apparaissent en 1969, mais deviennent systématiques à partir de 1980, et ce, jusqu'à la fermeture de la maison en 2002. L'instantanéité du Polaroïd, son rapport direct au réel et à l'instant présent, ainsi que la simplicité de son usage séduisent Yves Saint Laurent.

Ces images témoignent d'une atmosphère de travail vive et joyeuse, les mannequins sont naturels avec des jeux de regards hors champ, des attitudes détendues parfois même frivoles. Ces Polaroïds permettent aussi de saisir la manière dont Yves Saint Laurent pense ses défilés et expérimente de nouvelles façons de mettre en scène les vêtements. C'est une plongée touchante en images dans l'intimité même de la maison de couture. 

L'exposition "Yves Saint Laurent au 5, avenue Marceau" au musée Yves Saint Laurent, janvier 2022 : une planche de polaroids.  (CORINNE JEAMMET)

"Yves Saint Laurent aux musées" jusqu'au 15 mai 2022, au Louvre, au musée d'Art moderne de la Ville de Paris, au musée Picasso, au musée d'Orsay, au Centre Pompidou et au musée Yves Saint Laurent Paris.

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