Rubans et foulards verts aux obsèques de Madame Carven, doyenne de la couture
"Carven, c'est évidemment le vert, la couleur de l'espoir, de la chance et de la jeunesse", a rappelé sa petite-nièce au micro. Le prêtre a célébré la mémoire d'une "personnalité solaire", empreinte de "générosité, de bienveillance et d'optimisme". Yvon Gattaz, ancien dirigeant du patronat français et ami de longue date de Madame Carven, a loué "l'audace" de la couturière. "Tu étais un grand entrepreneur malgré ta petite taille, et ce dès 1945", a-t-il déclaré.
Soutenir les jeunes talents
Elle avait abandonné la création en 1993 dans sa 84e année. Mme Carven avait fondé en 2000 l'association Grog-Carven qui soutient les jeunes talents dans les domaines de l'histoire de l'art et de la mode. La maison Carven, qui a abandonné la couture pour se recentrer sur le prêt-à-porter, a été relancée ces dernières années par le jeune créateur Guillaume Henry. Il a été remplacé en début d'année par le duo Adrien Caillaudaud et Alexis Martial, côté collections féminines, et Barnabé Hardy pour la mode hommes.
Une mode fraîche et joyeuse pour les petites femmes
Après des études à l'école des Beaux Arts, Mme de Tommaso s'était rebaptisée Carven, qui signifie "chance" en argot expliquait-elle, lorsqu'elle avait ouvert sa première boutique en 1941 dans le quartier de l'Opéra. En 1945, elle avait fondé, au Rond Point des Champs Elysées, sa maison de couture, incarnant le chic insouciant et gai d'après-guerre, avec des robes pleines de fraîcheur adaptées à la vie quotidienne et déclinées pour chaque occasion.
Emblématiques dès les débuts de Carven : la rayure pimpante verte et blanche ainsi que le vichy rose. Et les coupes réalisées pour les femmes de petite taille dont elle allongeait la silhouette et mettait en valeur les décolletés - en 1950, elle lança d'ailleurs le décolleté balconnet avec un succès qui ne s'est jamais démenti.
En réalité, cette innovation dans les proportions saluée alors par Madame Grès elle-même, était fruit de la nécessité : c'est parce qu'elle était trop petite (1,55 m) et ne trouvait pas de tenues élégantes à son goût qu'elle décida de faire de la couture son métier.
Le style Carven aime les fleurs et les couleurs. Taille de guêpe, jupe ample, épaules larges et décoletté en balconnet, il séduit les jeunes filles.
Voyages et innovations
Marie-Louise Carven fut la première couturière à présenter ses collections à l'étranger, en emmenant ses mannequins en voyage. Elle fut aussi la première à s'inspirer des motifs ethniques africains ou indonésiens. De retour d'Amérique Latine, elle avait créé en 1947 la robe "samba". Autre source d'inspiration : la nature "qui contient toutes les audaces chromatiques. Tous ces dégradés de vert que j'aime tant", disait-elle.
Elle avait lancé dès 1946 un parfum à sa griffe, baptisé... "Ma Griffe". En 1954, elle préfigurait avec audace les plans marketings d'aujourd'hui : à l'occasion des dix ans de la Libération de Paris, elle avait fait lâcher dans la capitale des centaines d'échantillons de ce parfum attachés à de petits parachutes verts et blancs.
Edith Piaf, Michèle Morgan, Martine Carol, Micheline Presle et Leslie Caron comptaient parmi ses clientes.
Elle n'avait abandonné la création qu'en 1993, alors qu'elle avait 84 ans. En une quarantaine d'années, elle a créé au total plus de 25.000 modèles. Dont une robe de mariée pour Mme Valéry Giscard d'Estaing, des tenues pour les hôtesses d'une quinzaine de compagnies aériennes, dont Air France, et les costumes des fameuses "pervenches" (contractuelles) dans les annés 70.
Belle-soeur de Robert Mallet-Stevens
Mme Carven était veuve de Philippe Mallet, frère de l'architecte Robert Mallet-Stevens, puis du collectionneur suisse René Grog. Elle a légué au Louvre et au musée Guimet une collection de meubles et d'objets d'arts du XVIIIe.
Elle a aussi fait don de ses collections de haute couture, soit 80 créations, au Palais Galliera. Elle était à la fois commandeur de la Légion d'honneur et du mérite.
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