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Mort de Vivienne Westwood : pourquoi cette grande figure de la mode est avant tout une icône punk

Rebelle, transgressive, engagée, cette figure de la contre-culture a agité tout au long de sa carrière le monde feutré de la mode, transformant ses défilés en véritable tribune politique. Vivienne Westwood, à jamais "impératrice du punk".
Article rédigé par Rudy Degardin - AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Vivienne Westwood proteste contre l'extradition du lanceur d'alerte Julian Assange, le 3 juillet 2021, à Londres. (GUY SMALLMAN / GETTY IMAGES EUROPE)

Mars 2022 à Paris : à l'issue du défilé de sa griffe, la créatrice de 81 ans monte sur le podium pour saluer le public. Exit la longue crinière rousse, la voici les cheveux gris, noués dans un élégant chignon. Silhouette longiligne, la créatrice est juchée sur d'impressionnantes chaussures compensées. Celle qui a agité, et même choqué, le monde feutré de la mode est alors encore là, fidèle à elle-même. Depuis les années 70, elle a su faire de la marque Westwood une griffe rebelle, transgressive et engagée.

Les débuts sur King's Road : T-shirts porno et tenues SM 

Une boutique sur King's Road en 1970 marque le début de l'aventure dans la mode de Vivienne Westwood et, d'emblée, sous le signe de la transgression : T-shirts porno, tenues SM, escarpins à talons aiguilles ou collants en vinyle composent les panoplies que la créatrice porte devant des passants médusés. Le succès est au rendez-vous pour cette trentenaire née en 1941 dans un petit village du comté de Derbyshire, dans le centre de l'Angleterre.

Aînée d'une famille modeste de trois enfants, elle quitte sa région natale à 17 ans pour Londres où elle commence à étudier la mode, mais c'est surtout l'univers de la musique et de la nuit qui l'habite et la nourrit. Elle se marie avec Derek Westwood, directeur d'une boite de nuit londonienne, avant de divorcer en 1966. Mais c'est sa rencontre avec Malcolm McLaren, le futur manager des Sex Pistols, qui change sa vie. Animé par le même désir de rompre avec la génération "Peace and Love", le couple se lance dans la confection de vêtements. La boutique sur King's Road se nomme Let it Rock pendant la période hippie, avant de devenir SEX. L'ambiance y est sombre et excentrique.

Vivienne Westwood (à droite) et ses premières créations pour sa boutique à King's Road à Londres, le18 mai 1977 (WWD / PENSKE MEDIA / Getty images)

La proximité du couple avec les Sex Pistols, dont le tube God save the Queen est un succès mondial, ancre le duo dans l'univers punk. C'est à cette période qu'elle dessine son célèbre T-shirt arborant le visage de la reine Elizabeth.

Une marque de mode à l'esprit révolutionnaire

En 1981, Vivienne Westwood organise son premier défilé à Londres, qu'elle nomme Pirates, inspiré de la Révolution française et du romantisme. 

"Pirates", le premier défilé de Vivienne Westwood et Malcolm McLaren, en 1981, à Londres (DAVID CORIO / REDFERNS / Getty images)

Si elle va, au fil des années, s'éloigner des tenues BDSM (bondage, domination soumission et sado-masochisme), elle ne trahira jamais son esprit punk. "Ce que je fais aujourd'hui, c'est toujours punk. Il s'agit toujours de crier contre l'injustice et de faire réfléchir les gens même si c'est inconfortable. Je resterai toujours punk dans ce sens", avait-elle confié à Ian Kelly.

Walkman aux oreilles, teintures au henné, dents en or, ses créations sont tantôt punk, tantôt baroques. Celle qu'on surnomme "l'enfant terrible de la mode" et "l'impératrice du punk" s'amuse à détourner le style de l'époque victorienne et de la haute bourgeoisie anglaise afin de casser les codes. Elle inspire dans les années 90 toute une génération de jeunes créateurs à l'image de Jean Paul Gaultier.

Punk attitude : sans sous-vêtements à Buckingham Palace

Toujours irrévérencieuse, Vivienne Westwood. Comme en 1992 où elle est photographiée à la sortie de Buckingham Palace sans sous-vêtements. La créatrice venait d'être fait officier de l'Empire Britannique (OBE) par la reine et avait dévoilé ses parties intimes en faisait tourbillonner sa jupe.

Quelques années auparavant, elle s'était aussi amusée à imiter Margaret Thatcher en Une du magazine Tatler pour s'opposer à la politique de la Dame de fer, alors première ministre de Grande-Bretagne. Le shooting réalisé par Michael Roberts avait été diffusé sur de grands panneaux publicitaires, créant la confusion dans tout Londres, lors de la Fashion Week de 1989.

Activisme pour la planète

Vivienne Westwood est une créatrice de mode ultra-politisée avec des convictions qu'elle a défendues sur ses podiums. Au centre de ses combats, son engagement pour l'environnement. Elle refusait d'utiliser de la fourrure animale et recyclait d'anciens vêtements pour ses nouvelles créations. Pionnière, elle appelait, dès 2008, l'industrie de la mode à prendre en compte le changement climatique et enjoignait les consommateurs à ne pas constamment acheter des vêtements, même si ses détracteurs pointaient ses contradictions en la matière.

Vivienne Westwood proteste contre l'arme atomique en 2008 à Aldermaston en Angleterre. (BEN STANSALL / AFP)

Toujours en 2008, elle s'engage aux côtés de militants anti-nucléaires en dehors d'un établissement d'armes atomiques à Aldermaston en Angleterre. En 2012, elle soutient publiquement Greenpeace dans sa campagne Save the arctic. 

Soutien indéfectible de Julian Assange

Son autre grand combat a été la défense du lanceur d'alerte Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, arrêté en 2019 après avoir passé plus de sept ans réfugié dans l'ambassade d'Equateur à Londres. La même année elle dénonce durant l'un de ses défilés "la corruption du gouvernement et la mort de la justice". Un an plus tard, elle apparaît dans une cage géante devant un tribunal londonien pour protester contre son extradition.

Vivienne Westwood dans une cage pour protester contre l'extradition du lanceur d'alerte Julian Assange, le 21 juillet 2020, à Londres (SOPA IMAGES / LIGHTROCKET / Getty images)

WikiLeaks a tweeté la nouvelle de la mort de Westwood avec des photos d'elle et de Julian Assange côte à côte, portant le même T-shirt conçu par Westwood, et ajoutant : "Rest in Power" ("Repose en puissance"). "Le monde est déjà un endroit moins intéressant" sans Westwood, a tweeté pour sa part Chrissie Hynde, qui avait travaillé pour SEX, le magasin de vêtements de la créatrice, avant de former le groupe Pretenders.

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