Les adieux de Jean Paul Gaultier au prêt-à-porter: l'ultime show au Grand Rex
Fidèle à son amour du spectacle, Jean Paul Gaultier a choisi le décor flamboyant et suranné du Grand Rex, mythique cinéma des grands boulevards parisiens, pour ce show qui sera aussi retransmis en direct sur son site internet. Bien sûr, cet anticonformiste n'a pas envoyé de conventionnel carton d'invitation.
Des écharpes tricolores "Miss Jean Paul Gaultier" à velcro tiennent lieu de sésame pour ce défilé devenu l'événement de la fashion week parisienne. Car l'"enfant terrible de la mode" a créé la surprise en annonçant, à peine une semaine avant le début des défilés printemps-été 2015, qu'il abandonnait le prêt-à-porter. Citant des "contraintes commerciales" et le "rythme frénétique des collections" qui ne laisse "pas le temps d'innover", le designer de 62 ans à la célèbre marinière se recentre désormais sur la haute couture, un savoir-faire qu'il exerce depuis 1997, et les parfums, le secteur le plus rentable.
Ses jupes pour hommes
Charismatique et impertinent, ce créateur-star des années 1980-1990, a su très tôt bouleverser les codes : il a fait défiler des mannequins atypiques, corpulentes ou âgées, mélangé les styles, brouillé les frontières masculin/féminin, avec ses fameuses jupes pour hommes, célébré le pouvoir des femmes avec le corset aux seins pointus de Madonna.
A ses débuts en 1977, sa créativité débridée pouvait pleinement s'exprimer grâce à un rythme moins intense, d'une collection par saison, explique Pamela Golbin, conservatrice en chef mode et textile au Musée des Arts Décoratifs de Paris.
Mais l'industrie a énormément changé depuis, les grandes maisons produisant au moins 10 ou 12 lignes par an, souligne-t-elle. Fils de comptable, grandi à Arcueil en région parisienne, Jean Paul Gaultier a commencé tôt à s'intéresser à la mode grâce à sa grand-mère, qui tenait un salon de beauté, où il ne perdait pas une miette des séances de maquillage et de coiffure, et feuilletait des magazines de mode. C'est chez elle qu'il a découvert le corset, forte source d'inspiration par la suite.
L'ennemi des stéréotypes
Très vite, cet autodidacte se met à dessiner des collections imaginaires. A 18 ans il est engagé par Pierre Cardin, chez qui il revient après un passage chez Jean Patou. Il lance ensuite sa propre griffe, présente sa première collection de prêt-à-porter féminin en 1976, avec des tissus achetés au Marché Saint-Pierre.
Déjà il associe blouson de rocker et tutu de danseuse. "Dès votre première collection en 1976, vous avez remis en cause les critères du goût et du mauvais goût. Vous avez choqué, dérangé et agacé en vous amusant à brouiller les pistes avec une garde-robe ambivalente et interchangeable", avait rappelé Pierre Cardin en remettant au couturier la Légion d'honneur en 2001.
Nommé directeur des collections femmes de Hermès en 2003, Jean Paul Gaultier a réussi, pendant huit ans de collaboration, à apporter fantaisie et fraîcheur à la marque prestigieuse, tout en restant dans ses codes. Influencé par Londres, l'excentricité britannique et le mouvement punk, Gaultier est attiré par les personnalités atypiques, hors normes.
"Il a influencé tout le monde!"
Pour Nathalie Bondil, directrice et conservatrice en chef du Musée des Beaux-Arts de Montréal, la mode du créateur est l'expression de son humanité. "Son attitude est très saine et importante parce qu'il y a une sorte de tyrannie des stéréotypes et Jean Paul Gaultier est celui qui détruit tous ces stéréotypes, toujours avec humour", dit à l'AFP cette Franco-Canadienne, qui a convaincu en 2009 le couturier d'organiser une rétrospective sur son travail.
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