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Le luxe part à la conquête de la clientèle masculine

Les grands acteurs du luxe veulent conquérir le marché masculin, segment le plus porteur du secteur, et prendre leur part d'une demande asiatique explosive. Alors que les montres et chronographes sont longtemps restés les principaux emblèmes masculins, les industriels veulent capter le nouvel appétit d'une clientèle devenue sensible à la coupe d'un costume, à la finition d'un sac ou à la patine d'un soulier.
Article rédigé par franceinfo - Corinne Jeammet (avec Reuters)
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100e anniversaire Ermenegildo Zegna in Shanhai, Chine (2010)
 (GE Junmei. Imagine China)

Le luxe masculin, qui représente 40% d'un marché mondial estimé à 180 milliards d'euros, affiche depuis 2009, selon les estimations de Bain & Co, un taux de croissance annuel moyen de 14%, près du double de celui du luxe féminin (+8%). "Le marché des biens personnels (hors voitures ou voyages) reste sous-développé par rapport à celui de la femme. Il y a donc un rattrapage, avec un potentiel de croissance très, très important, dans toutes les catégories de produits", commente Jean-Marc Bellaïche associé du Boston Consulting Group.

Tancrède de Lalun, directeur des marchés homme et femme du Printemps, anticipe une "explosion" du marché, "parce que l'appétence est extrêmement forte et que les consommateurs masculins n'ont aucune limite". Le grand magasin parisien, repositionné sur le haut de gamme, vient d'ouvrir un espace dédié aux accessoires de luxe pour hommes, centré sur la maroquinerie et les chaussures.

La femme est guidée par l'envie, l'homme par le savoir-faire et la technologie
Le savoir-faire constitue une des clés d'entrée sur ce marché et les marques l'ont compris, centrant leur offre sur ce thème mêlant histoire et fabrication. Chez Hermès, où l'univers masculin a toujours été très présent, le premier magasin dédié aux hommes, ouvert il y a 2 ans à New York, connaît un taux de croissance supérieur à celui de la marque aux USA. Le prêt-à-porter masculin pèse autant que le féminin dans le C.A du groupe. Ciblant aussi le luxe extrême, il propose des vêtements sur mesure à Paris, New York mais aussi en Chine et au Japon.

Les grands noms du secteur que sont LVMH (Louis Vuitton, Céline, Bulgari) et PPR (Gucci, Yves Saint Laurent, Bottega Veneta) l'ont bien compris.

Bernard Arnault (LVMH), 2011
 (AFP. E.Permont)

LVMH et PPR veulent créer leur première marque globale de mode haut de gamme exclusivement masculine
LVMH a décidé, pour la première fois, d'investir sur Berluti, une marque existante de son portefeuille. Le bottier célèbre pour ses patines colorées et ses modèles sur mesure à 4.000 euros veut offrir à ses clients l'ensemble du vestiaire contemporain. Avec un C.A estimé à 50 millions d'euros par les analystes, la marque ambitionne de décupler ses ventes. Berluti, qui a débauché en 2011 Alessandro Sartori, D.A. d'Ermenegildo Zegna, le leader de la mode masculine, présentera sa première collection de prêt-à-porter lors des défilés de janvier 2012. En rachetant la maison romaine Brioni, célèbre pour ses tailleurs sur mesure à 5.000 euros, PPR veut profiter du prestige d'une griffe dont la taille reste modeste - 170 millions de C.A - pour en faire une marque globale, avec une gamme d'accessoires et une offre élargie de prêt-à-porter sportswear.

F.H Pinault, (PPR), 2011
 (AFP. B.Langlois)

Le luxe masculin part à la conquête de la Chine
La Chine et son réservoir de consommateurs suscitent toutes les attentions. Car les hommes comptent pour près des 3/4 de ce marché évalué à 23 milliards d'euros (dont 60% réalisés en dehors du territoire) et dont la croissance atteint 25% par an. "A ce rythme incroyable, les consommateurs chinois devraient à terme compter pour 70% de la croissance mondiale du luxe", selon Bernard Malek associé du cabinet Roland Berger. Les analystes de CLSA Asia Pacific estiment que la "Grande Chine" (avec Hong Kong, Macao et Taiwan) devrait représenter pas moins de 44% du marché mondial d'ici 2020, contre 17% aujourd'hui.

Pour conquérir l'Asie, Berluti comme Brioni auront besoin de la surface financière de leurs maisons mères, car les investissements devront être élevés pour concurrencer les poids lourds déjà établis. "La notoriété est un élément clé du succès car la clientèle chinoise achète ce qu'elle connaît", précise Jason Ding, associé de Roland Berger, à Pékin. Ermenegildo Zegna frôlait le milliard d'euros de C.A en 2010 et réalisait près de la moitié de ses ventes en Asie, où il a fait figure de pionnier. Les anglais Burberry et Dunhill (groupe Richemont), l'italien Armani ou l'allemand Hugo Boss sont aussi de sérieux concurrents. Avec Zegna, ces marques sont, selon Bain, les 5 préférées des consommateurs chinois.   

"Le marché masculin était jusqu'ici dominé par des marques spécialisées par catégorie (habillement, souliers, horlogerie). Il devient plus compétitif avec l'émergence d'acteurs généralistes", souligne Joëlle de Montgolfier, directrice de recherche du pôle luxe européen de Bain & Co. Les marchés matures, par leur poids dans le luxe masculin mondial, continuent de réserver un important potentiel de croissance mais peuvent se révéler fragiles. "Ils sont plus sensibles à l'environnement économique. En cas de coup dur, les clients peuvent couper drastiquement leurs dépenses", relève Joëlle de Montgolfier. Jusqu'ici, la demande de luxe a résisté aux soubresauts de l'économie mondiale, à la crise des dettes souveraines en Europe et au plongeon des marchés. Mais pour 2012, les analystes se montrent plus prudents et ont révisé en baisse leur prévisions de croissance.

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