"Il est urgent de changer notre manière de consommer et de produire" : les marques de maroquinerie Soco et Viahero renaissent conscientes que l'époque a changé
Si une marque ancienne évoque des souvenirs, elle doit, tout en conservant les codes qui ont fait hier son succès, se remettre au goût du jour, car la société a évolué au fil du temps. Aujourd'hui, certaines changent de logo (rebranding), tandis que d'autres, comme Soco et Viahero, après avoir joué les belles endormies, renaissent en s'adaptant à leur époque. Explications et rencontres.
Soco : "les grands-mères voulaient faire perdurer cette tradition de la broderie faite main"
En 1932, un atelier de tannerie français se transforme en atelier de maroquinerie. C’est la naissance de SOCO (Société de vente d’Objets en Cuir Ouvré). Dans les années 80, la marque bouscule le marché du sac à main avec des créations modernes proposant un mélange insolite de matières et de couleurs autour de modèles astucieux pour une femme qui a besoin d’un sac créatif et pratique, qu'elle change en fonction des tendances de la mode, de son utilité, des moments de la journée. La collection la plus emblématique, San Diego, connaît un succès international et son nom résonne encore, aujourd’hui, au Japon et aux Etats-Unis. Mais dans les années 2000, la marque disparaît petit à petit.
En 2020, Soco est relancée par trois jeunes entrepreneuses issues de formations différentes (mode, droit, digital) mais complémentaires avec un goût commun pour la mode et la découverte de nouvelles cultures. Vivant entre Paris et Lisbonne, Marie Mignon, Marie Pandrau-Mignon et Antoinette Monnier ont uni leurs créations au savoir-faire d’artisans de petits ateliers made in Europe avec 90% du produit fabriqué à la main. "Devant le nombre incroyable de marques sur le marché, on s'est dit que cela n'avait pas de sens de créer une énième marque. On avait la chance d'avoir été bercé dans les années Soco par nos mamans et nos grands-mères. La marque avait été l'incontournable des années 80-90. On l'a racheté [elle appartenait au groupe le Tanneur]" explique Marie Pandrau. Elles ont privilégié un processus artisanal avec des cuirs italiens pour une qualité durable et une production responsable avec une fabrication au Portugal.
Sous le charme de la tradition portugaise des mouchoirs des amoureux, elles se sont associées à A Avo Veio de Trabalhar, un centre créatif à Lisbonne dédié à l'apprentissage, au partage et à l'autonomisation qui favorise l’activité des seniors à travers l'utilisation de l'artisanat traditionnel et du design. Leur slogan : Old is the new young. "Les grands-mères étaient hypercontentes car elles voulaient faire perdurer cette tradition de la broderie faite main" souligne-t-elle. "On travaille main dans la main avec elles. On développe les dessins, les couleurs et les messages. Puis on valide les panneaux de broderies, qui sont ensuite montés à l'intérieur du rabat du sac. C'est envoyé à Porto dans nos ateliers pour la réalisation" explique encore Marie Pandrau avant d'ajouter "chaque pièce est unique car brodée à la main par une des grands-mères".
"On a trois modèles iconiques - une grande besace déclinée dans deux coloris, une autre besace à porter tous les jours également en quatre coloris et le modèle avec la ceinture brodée disponible également en quatre coloris. On voulait ajouter quelque chose à la reprise de Soco ; pas juste reprendre les modèles, certes les faire mieux avec les valeurs d'aujourd'hui mais aussi ajouter aussi un peu notre pâte" conclue Marie Pandrau
Viahero : "le made in France était une évidence pour nous "
L’histoire débute en 1992 lorsque Martial Viahero, ancien pilote d'hélicoptère, s'inspire de son expérience et crée sa marque d’accessoires avec un logo ailé qui reprend sa passion pour le vol. Il crée dans son atelier parisien le Pilot Bag qui pivote autour du buste avec sa mono bandoulière, le Record Bag, le Color Bag… Viahero devient une marque emblématique et est omniprésente dans la rue. Loïc Prigent, alors journaliste pour Libération, écrit en 1997 : "Le logo le plus vu dans le métro parisien depuis quelques mois n'est plus celui de la RATP. C'est celui de Viahero."
La marque aux 40 000 sacs vendus par mois dans les années 1990, qui s'est éteinte dans les années 2000, renaît, 31 ans après sa création, en 2023 avec Marion Xerri, la nièce de Martial et Domitille Pescia. Plus qu’une réédition des précédents modèles, elles font le choix d’un reborn conscient pour la Pochette Pilot et le sac à dos Pilot Bag déclinés en six coloris. "Nous souhaitions faire revivre Viahero avec des engagements forts et en faire un projet qui nous ressemble. En 2023, nous sommes tous conscients qu'il est nécessaire et urgent de changer notre manière de consommer et de produire. C’est pourquoi nous avons cherché des partenaires qui partagent notre vision et qui croient en une mode plus responsable et sans compromis, sur le plan environnemental comme sur le plan humain" souligne Marion Xerri.
Elles proposent des pièces écoresponsables et une production éthique avec le choix d’une fabrication française pour un impact économique et environnemental. Les accessoires sont conçus à Limoges, dans un atelier certifié Entreprise Adaptée qui soutient le savoir-faire français et favorise l’insertion professionnelle des travailleurs en situation de handicap. Les créations sont vendues en précommande pour éviter la surproduction. "Depuis le début de notre projet, nous avons à cœur de soutenir l'économie française et de pérenniser les savoir-faire français. Fabriquer en France, c'est aussi un vrai gage de qualité et ça nous permet de réduire notre empreinte carbone : plus qu'un choix, le made in France était une évidence pour nous !" explique Domitille Pescia. Les accessoires sont faits à partir de matériaux durables et innovants : leur partenaire italien a créé une nouvelle matière végétale en marc de raisin upcyclé, semblable au cuir. Fabriquée à partir de déchets de la production vinicole, elle est une alternative au cuir animal.
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