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Hier symbole de pouvoir, la cravate s'est libérée

Depuis près de 4 siècles, les hommes et parfois les femmes nouent toutes sortes de cravates. Cet accessoire en dit long sur celui ou celle qui le porte, sur son rang social, ses préférences esthétiques ou ses opinions politiques. Hier synonyme de conformisme et d’esprit bourgeois, elle est un accessoire chic mais décontracté. « La cravate. Hommes mode pouvoir » jusqu’en janvier 2015 à Zurich.
Article rédigé par franceinfo - Corinne Jeammet (avec AFP)
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Temps de lecture : 3 min
Patti Smith dans l’émission « Saturday Night Live », 1976.
 (Owen Franken/Corbis)

La cravate a fait son apparition au XVIIe siècle lorsque la noblesse française s'inspira de l'écharpe que portaient les soldats croates pour ajouter à leur cou un ornement raffiné et élégant. Elle avait alors sa place dans les garde-robes des dames de la Cour, comme le rappelle cette exposition qui consacre une section à la cravate féminine. "Ce n'est que plus tard qu'elle est devenue une forme d'affirmation, quand George Sand ou Colette ont commencé à l'utiliser comme un symbole d'émancipation", décrypte Joya Indermühle.

Anonyme, portrait de Friedrich Ludwig von Hallwil, 1684. Huile sur toile.
 (Musée national suisse. Donat Stuppan.)
L’exposition propose des modèles de cravate rares et anciens, parmi lesquels un des exemplaires en dentelle à l’aiguille vénitienne (XVIIe siècle) ou la cravate du costume de couronnement de Christian VII, roi de Danemark et de Norvège (XVIIIe siècle). Au XIXe siècle, les cravates présentent une incroyable richesse de formes et d’innombrables variantes de noeuds.
Évolution des formes de cravate à la fin du XIXe siècle, de la régate large à la cravate actuelle.
 (Musée national suisse)
Femmes et artistes l'adopte
 
L’exposition consacre un chapitre aux cravates portées par les femmes et les musiciens. L’actrice Marlene Dietrich, dont on peut admirer à Zurich le frac des années 1930, n’est pas la première femme à avoir porté une cravate : déjà au XVIIe siècle, les dames de la noblesse nouaient autour de leur cou des rubans de soie. Les stars de la musique punk et rock arboraient une cravate plus souvent qu’on pourrait le croire. Le monde artistique s’est y intéressé : l’exposition présente les dessins de cravates d’artistes tels que Salvador Dalí ou Pablo Picasso, les modèles appartenant à la garde-robe personnelle d’Andy Warhol, le maître du pop Art, ou encore la mise en scène photographique d’Ugo Rondinone.
Walter Pfeiffer, Nadine Strittmatter, tiré de la série « From Zurich with Love. Portraits by Walter Pfeiffer », 2014.
 (Musée national suisse. © 2014, ProLitteris, Zurich.)
La cravate s'est libérée des obligations
 
Libérée des conventions et des codes vestimentaires stricts, la cravate est de plus en plus appréciée par les jeunes qui la portent avec nonchalance. Elle se pose désormais comme un accessoire de mode permettant aux hommes de personnaliser leur tenue. "Le port de la cravate est tombé dans le côté statutaire et revient par la mode", constate Isabelle Lartigue, responsable de la mode masculine au sein du cabinet de tendances parisien Peclers. Sur les podiums, la cravate devait affronter une rude concurrence des foulards et des longues étoles, plus décontractés, pointe Isabelle Lartigue qui relève cependant un retour de la cravate  en laine, "tricotée", "à bout carré", dans un esprit "rétro branché". Elle retrouve également sa place dans le chic à l'italienne, portée "de manière presque théâtrale" ou "ton sur ton" pour se fondre avec la chemise chez les créateurs américains.
Walter Pfeiffer, François Berthoud, tiré de la série « From Zurich with Love. Portraits by Walter Pfeiffer », 2014.
 (Musée national suisse. © 2014, ProLitteris, Zurich.)
La créativité des entreprises

L’exposition réserve une place aux collections du Musée national suisse. On peut y voir des échantillons de tissus, des livres d’échantillons et des dessins réalisés par les producteurs suisses de tissus pour cravates, parmi lesquels Weisbrod-Zürrer, Robt. Schwarzenbach & Co., Gessner et Stehli Seiden. Ces objets témoignent non seulement de l’esprit qui régnait à chaque époque mais également de la maîtrise technique et de la créativité de ces entreprises.
Walter Pfeiffer, Fabian Peña, tiré de la série « From Zurich with Love - Portraits by Walter Pfeiffer », 2014.
 (Musée national suisse. © 2014, ProLitteris, Zurich.)
Elle est devenue au fil du temps une partie intégrante de l'habit masculin, contribuant à la prospérité de Zurich qui a longtemps été un des principaux centres de production de tissus, aux côtés de Côme en Italie, et de Krefeld, en Allemagne. Destinées à être retravaillées par les tailleurs, les étoffes étaient exportées vers l'Angleterre au XIXe siècle puis majoritairement vers les États-Unis et le Japon au siècle suivant, retrace Alexis Schwarzenbach, un historien qui mène des recherches sur l'industrie de la soie à Zurich.
Cravate à fixer, 1930 – 1950. 
 (Musée national suisse)
"La dévaluation du dollar dans les années 1970 a quasiment détruit le marché américain", explique-t-il. Les exportateurs suisses ont alors été confrontés à une concurrence grandissante des producteurs asiatiques alors même que la cravate, avec l'évolution des codes vestimentaires, amorçait un lent déclin. Les fabricants japonais ont continué de se fournir en Suisse, en particulier pour venir y chercher des coupons en petite quantité afin de proposer à leurs clients des motifs qu'ils ne retrouvaient pas partout.
 
L'exposition « La cravate. Hommes mode pouvoir » jusqu'au 15 janvier 2015. Landesmuseum Zürich. Museumstrasse 2. 8001 Zürich.

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