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Hier rebelle, l'abaya sportive séduit les Saoudiennes

Porter une version colorée et sportive de l'abaya traditionnelle était hier considéré comme un acte de rébellion culturelle en Arabie saoudite. Aujourd'hui, des Saoudiennes en font une tendance de la mode vestimentaire.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Femmes en Arabie saoudite en abaya sportive
 (Capture d'écran instagram de Eman Joharjy)

En mars, des images d'athlètes féminines en tenue de sport dans la ville occidentale de Djeddah, sur les bords de la mer Rouge, se sont répandues sur les réseaux sociaux. Elles ont déclenché un débat sur les libertés vestimentaires des femmes dans un royaume où l'habit noir recouvrant tout le corps est officiellement obligatoire en public.

La créatrice Eman Joharji dans sa boutique de Jeddah, en Arabie saoudite en 2018
 (AMEL PAIN/EPA/Newscom/MaxPPP)
Certains puristes se sont révoltés, dénonçant des atteintes à la tradition, d'autres ont défendu cette évolution. Le prince héritier Mohammed ben Salmane, homme fort du pays, ainsi qu'un haut dignitaire religieux ont récemment estimé que le port de l'abaya n'était pas obligatoire dans l'islam. Mais aucune décision n'a changé la loi en vigueur. 

Des versions sportives taillées dans des tissus naturels

Des créatrices comme Eman Joharjy, une Saoudienne de 43 ans, profitent de la popularité des abayas sportives. "Il y a une forte demande", a-t-elle déclaré à l'AFP dans son studio de mode à Djeddah. Semblable à une combinaison à fermeture éclair, elles enveloppent le corps de la femme mais offrent une plus grande mobilité pour les activités sportives, contrairement à la version "baggy" classique qui présente un risque si on court. Les modèles d'Eman Joharjy se déclinent dans des couleurs comme le vert pistache, le beige et le blanc, plus supportable avec les chaleurs torrides du royaume. Elle défie une maxime populaire en Arabie saoudite: "Si ce n'est pas noir, ce n'est pas une abaya." Ces versions sportives sont taillées dans des tissus naturels, y compris de la popeline, qui ne s'accrochent pas à un corps en sueur.

Eman Joharjy raconte avoir été considérée comme un phénomène social atypique quand elle a commencé à concevoir - et à enfiler - des abayas sportives publiquement en 2007. Certains l'avaient même surnommée "Batman". "Je l'ai conçue pour moi, car c'est pratique", explique-t-elle. "L'abaya, c'est comme le sari indien, cela fait partie de notre identité", dit la créatrice en parlant de l'évolution du vêtement. "Mais si Dieu ne voulait pas que les femmes fassent du sport, nous n'aurions pas de muscles ni de corps".
La créatrice Eman Joharji dans sa boutique de Jeddah en Arabie saoudite, 2018
 (AMEL PAIN/EPA/Newscom/MaxPPP)

Relancer la pratique sportive

Les abayas ont évolué au fil des ans, avec de nouveaux motifs, tissus et embellissements. Elles sont parfois portées dans le royaume avec des casquettes de baseball sur les voiles. La dernière mode est un ensemble d'abayas sur le thème du football, aux couleurs des équipes locales, une façon pour les supportrices d'encourager leurs équipes. Elles se sont développées après l'accès donné aux femmes à certains stades du royaume. Ces dernières pourront notamment conduire à partir du mois de juin.

Le gouvernement cherche également à relancer le sport féminin et s'oriente vers des cours d'éducation physique obligatoires pour les filles. Et les autorités saoudiennes ont annoncé que des femmes pourraient participer en 2019 au marathon international de Ryad, jusque-là réservé aux hommes. La police religieuse, qui a longtemps ciblé les femmes faisant des exercices de sport en public, a quasiment disparu des rues.
La créatrice Eman Joharji dans sa boutique de Jeddah, en Arabie saoudite, 2018
 (AMEL PAIN/EPA/Newscom/MaxPPP)

"Des vêtements décents"

Et l'idée de se débarrasser de l'abaya semble gagner du terrain. "Les lois sont très claires et stipulées dans la charia (loi islamique): que les femmes portent des vêtements décents et respectueux, comme les hommes", a déclaré en mars le prince héritier Mohammed ben Salmane à la chaîne de télévision CBS. "Cependant, cela ne spécifie pas particulièrement une abaya noire. Il appartient aux femmes de décider du type de vêtements décents et respectueux à porter", a-t-il ajouté. Dignitaires religieux, cheikh Ahmed ben Qassim al-Ghamdi a rejeté l'idée selon laquelle les abayas doivent être noires et cheikh Abdullah al-Mutlaq a estimé, lui, que les femmes ne devraient pas être contraintes de porter l'abaya.

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