Petites et grandes maisons de mode se rebellent contre la frénésie des Fashion Weeks
Gucci, Saint Laurent et Armani ont lancé le mouvement en affirmant désormais défiler à leur rythme. De plus petites maisons leur ont emboîté le pas et ont signé un manifeste s'engageant à produire moins et à revisiter les défilés.
"Invivable", l'adjectif revenait souvent chez les créateurs dans les coulisses des défilés ou chez les acheteurs et journalistes entrant dans les "tunnels" des quatre Fashion Weeks annuelles, sans compter les défilés croisière annexes.
Après Saint Laurent, Gucci a renoncé au rituel "démodé" des Fashion Weeks. En parallèle dans une lettre ouverte des centaines d'acteurs du secteur appellent à repenser la fabrication et les défilés.
Les désistements de Gucci, Saint Laurent et Armani sonneront-ils la fin des Fashion Weeks ?
La crise sanitaire provoquée par le coronavirus a poussé les créateurs à réagir. Face à "la tragédie" actuelle, l'influent directeur artistique italien de Gucci, Alessandro Michele, a annoncé qu'il ne présenterait désormais ses collections que "deux fois par an". Il a publié sur Instagram des extraits de son journal intime, tenu tout au long du confinement, dans lequel il dénonce "la tyrannie de la vitesse", "les deadlines imposées par les autres qui risquent d'humilier la créativité" et "la performativité excessive qui n'a plus raison d'être".
Alessandro Michele a décidé d'abandonner "le rituel démodé des saisonnalités" et de proposer "des chapitres irréguliers, joyeux et complètement libres, qui seront écrits dans un mélange de règles et de genres, et se nourriront de nouveaux endroits, codes linguistiques et plateformes de communication". Sa prochaine collection Epilogue sera présentée pendant la semaine de la mode numérique de Milan en juillet.
Fin avril, c'était la maison parisienne Saint Laurent, fleuron comme Gucci du géant du luxe Kering, qui s'était rebellée, en annonçant son retrait du calendrier des Fashions Weeks 2020. "Consciente des changements radicaux" induits par la crise du coronavirus, la marque présentera ses collections à son propre rythme "guidée par les besoins de la créativité" avait martelé le créateur belge de Saint Laurent, Anthony Vaccarello.
L'Italien Giorgio Armani a été parmi les premiers à appeler à se saisir de ce moment et "réparer ce qui ne va pas": "supprimer le superflu" et "retrouver une dimension plus humaine". Il présentera ses collections homme et femme en septembre à Milan mais ne participera pas à la Fashion Week virtuelle cet été.
Un manifeste lancé par Dries Van Noten et Marine Serre
La rébellion de ces poids lourds rejoint les revendications de plus petites maisons, qui ont signé un manifeste lancé par le créateur belge Dries Van Noten et la styliste française Marine Serre. Les signataires de cette lettre ouverte, fruit de discussions qui se sont déroulées par visioconférences lors du confinement, s'engagent à produire moins, à réduire les voyages en privilégiant les showrooms numériques et à revisiter les défilés.
Plusieurs centaines d'acteurs de l'industrie - marques, créateurs ou grands magasins - ont signé ce manifeste parmi lesquels Chloé, Thom Browne, Lemaire, Alexandre Mattiussi, Nordstrom, Bergdorf Goodman, Selfridges et Harvey Nichols....
Fabriquer moins de vêtements et de façon plus respectueuse
"Il est difficile pour une petite maison comme la nôtre (...) de changer les règles du jeu alors qu'il y a tant de marques plus puissantes. Mais on peut choisir de faire les choses bien à notre niveau", a expliqué Marine Serre dans une interview au journal Le Monde. "Il y a certainement trop de Fashions Weeks partout dans le monde. Peut-être qu'une seule pourrait suffire", a-t-elle encore indiqué.
Également dans le journal Le Monde, Dries Van Noten appelle à mettre fin à des soldes et rabais incessants de type Black Friday et plaide pour que les vêtements arrivent en magasin pendant la saison, et non plusieurs mois auparavant comme c'est le cas maintenant, et y restent plus longtemps.
Pour Marine Serre comme pour Dries Van Noten, l'émotion créative est indissociable des défilés mais ceux-ci doivent être rendus "plus écologiques", précise le créateur belge. Il espère que la mode évoluera à la façon de la gastronomie où "on a vu émerger une vague de restaurants de très bonne qualité avec une carte plus courte, des produits de saison, et moins d'ostentation dans le décor".
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