Les présentations virtuelles, "un jeu dangereux" pour Kris Van Assche, le directeur artistique de Berluti
La Paris Fashion Week présentant l'automne-hiver 2021-22 s'est tenue du 19 au 24 janvier mais cette saison, certaines marques ont opté pour une présentation de leur création hors semaine de la mode. Berluti a ainsi présenté le 8 avril 2021 à Shanghai en Chine
"Le luxe ne peut que perdre la bataille" des présentations numériques, juge Kris Van Assche. Après avoir boudé la Fashion Week virtuelle parisienne, le directeur artistique de Berluti a présenté sa collection automne-hiver 2021-22 le 8 avril à Shanghai devant de vrais invités.
Le créateur belge de la maison française a envoyé en Chine sa collection masculine composée de 30 silhouettes, de couleurs vives et à l'allure décontractée, faite en collaboration avec le peintre russe Lev Khesin.
A l’heure des restrictions sociales, les relations humaines se réinventent et le monde se voit contraint d’apprendre à vivre ensemble mais séparément. La collection Living Apart Together a été présentée à travers une œuvre digitale à Paris et une présentation à Shanghai. Kris Van Assche s'est associé au vidéaste Antoine Asseraf et au consultant créatif Yoann Lemoine (alias Woodkid) pour cette expérience virtuelle.
"En vidéo, on peut tricher"
Pourquoi Shanghai ? Parce que c'est "un marché porteur" et "le seul endroit où l'on peut présenter les vêtements à un public vivant". Ne pouvant pas lui-même voyager et superviser sur place le tombé de chaque pièce, le créateur a renoncé au défilé. Mais 500 invités ont pu toucher et essayer les vêtements présentés sur des cintres après avoir regardé le film de sa collection.
Pour le styliste, impossible d'organiser un défilé sans être physiquement sur place. "Je ne voulais pas donner la responsabilité à quelqu'un d'autre de choisir les mannequins, les ajustements de vêtements. Je dois surveiller moi-même les essayages. Quand une manche est trop courte, quand une épaule tombe mal, je le vois", explique-t-il.
La numérisation massivement imposée à la mode en temps du Covid "est un jeu dangereux pour le luxe", a déclaré à l'AFP Kris Van Assche, ex-styliste de Dior homme, lors de la preview parisienne. "Je m'y plie, mais je pense que le luxe ne peut qu'y perdre la bataille. Si on ne peut pas toucher, si on ne peut pas voir de près, si on ne peut pas constater la qualité, la différence avec le marché grand public disparaît. En vidéo on peut beaucoup tricher, on peut beaucoup cacher, et on peut embellir", estime-t-il.
"J'ai envie d'insister sur l'humain derrière les produits"
Si la crise sanitaire a révolutionné la façon de présenter la mode, elle influence la palette de couleurs et les silhouettes décontractées, "avec plus que jamais des finitions à la main, des points à la main, des patines à la main (...) Plus on est confronté au numérique, plus j'ai envie d'insister sur l'humain derrière les produits".
Dans la vidéo, la scénographie reprend le marquage au sol de la distanciation sociale - pour illustrer les restrictions de notre époque - tandis que la chorégraphie traduit un sentiment de liberté. La collection s’inspire des œuvres de l’artiste peintre Lev Khesin, dont les couleurs et les textures témoignent de ses techniques et de ses réalisations. L'artiste russe contemporain, basé à Berlin, crée avec des motifs abstraits des jeux de superposition de couleurs façonnées avec de la peinture silicone.
Chaque tableau, fait de superposition de couches de peintures, de résines et de silicones, "est unique. L'artiste s'est sali les mains en les faisant". Cette technique d'art contemporain fait "un vrai clin d'oeil à l'artisanat Berluti", bottier depuis 1895, célèbre pour ses patines.
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"Au lieu de chercher du réconfort dans la nourriture, on en trouve dans les vêtements"
"Avec le confinement, les gens se disent qu'on va tous avoir envie d'un pull en cachemire parce qu'on est sur notre canapé toute la journée. "Ce n'est pas la solution. J'aime quand même que cela reste créatif, qu'on s'en prenne plein les yeux, qu'il y ait des couleurs, du design mais peut-être avec plus de souplesse".
Une veste-chemise reprend ainsi des codes du costume comme la poche-poitrine, mais avec une épaule complètement déconstruite. Une autre veste, en cachemire double face, est d'une grande souplesse, comme de la maille. Tandis qu'une veste-blouson dotée d'un col tailleur est portée sur un pantalon plus sport : "Cela crée quelque chose qu'on pourrait interpréter comme costume-uniforme et en même temps c'est beaucoup plus décontracté". Dans la gamme des couleurs - violet, orange et bleu - le pantalon est dépareillé de la veste.
"Au lieu de chercher du réconfort dans la nourriture, on en trouve dans les vêtements", conclut Kris Van Assche.
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