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Emma Bruschi, Ddiddue et Juana Etcheberry : au Festival de Hyères, de jeunes créateurs s'engagent pour une mode employant des matériaux durables

L’intérêt des consommateurs pour une mode plus green ne cesse de croître et certaines jeunes marques se sont construites autour de ces valeurs pour répondre aux attentes de leur "consomm’acteurs"

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 8min
Collection Emma Bruschi (à gauche) et collection Diddue & Juana Etcheberry (à droite) présentées au Festival de Hyères 2020 (Etienne Tordoir (à gauche) et Philippe Jarrigeon (à droite))

Retour sur l'un des points forts de la 35e édition du Festival international de mode, de photographie et d’accessoires de mode à la Villa Noailles à Hyères, qui s'est tenue du 15 au 18 octobre 2020, l'engagement des jeunes créateurs pour une mode plus durable. 

Lors de ce plus vieux concours de mode qui sert de tremplin aux jeunes créateurs, Tom Van Der Borght a remporté le grand prix du jury Première VisionCe créateur belge de vêtements fabriqués en matériaux recyclés a aussi obtenu le Grand prix mode pour un sac en "cuir marin" réalisé à partir de peaux de poissons récupérées dans l'industrie du sushi.

Il n'est pas le seul à donner une seconde vie à des pièces destinées à être jetées : la créatrice française, originaire de Marseille, Emma Bruschi et le duo basque Ddiddue et Juana Etcheberry, qui ont eux aussi raflé des prix, nous expliquent leurs démarches engagées. Rencontre.

Tom Van Der Borght 35th FIMAPH Festival International Mode Accessoires Photographie Hyères Villa Noailles Friday 16 October5 October 2020 Hyères, France (CATWALKPICTURES SPRL / WWW.CATWALKPICTURES.COM)

J'aime travailler avec des artisans qui sont aussi agriculteurs et qui font pousser leur matière première

Emma Bruschi

à franceinfo Culture

Emma Bruschi, Prix 19 M des Métiers d’art de Chanel (une dotation de 20 000 euros pour la réalisation d'un projet de création qui sera exposé en 2021), a reçu ce prix pour sa collaboration avec la maison Lemarié : des boucles d’oreilles oversized en forme de croix en paille de blé tressée et plumes, inspirée de la tradition ancestrale des bouquets de moisson. 

La créatrice française Emma Braschi  (Rebekka Deubner)

L’expérimentation de matière et l’artisanat sont au coeur du travail d'Emma Bruschi qui s’inspire du milieu rural et agricole, du vestiaire ouvrier, de la faune et de la flore, et des savoirs-faire qui en découlent. En parallèle, elle est passionnée de biotechnologie qu’elle considère comme une nouvelle forme d’artisanat. Son enjeu : réussir à faire pousser ses propres matières. Ainsi pour sa collection Almanach, elle s'est inspirée des racines paysannes et de leur imagerie populaire mettant en scène l’almanach de l’agriculteur savoyard : "Je découvre alors que dans chaque maison on savait broder, filer, tricoter, carder. Ce n’était pas encore des artisans, ce n’était pas forcément des métiers. C’était un savoir-faire domestique que l’on se transmettait. Ces gens qui n’avaient pas le luxe de gaspiller n’en gardaient pas moins l’amour du bel ouvrage et le souci de plaire".

Rendre l'indésiré désirable est un challenge

Ddiddue et Juana Etcheberry

Le duo français (frère et soeur) Ddiddue et Juana Etcheberry, grand prix du jury Accessoires de mode (la dotation de 20 000 euros est un projet de collaboration avec les métiers d'art de Chanel) et prix Hermès des accessoires de mode pour la création d'un bijou en cuir (autre dotation de 20 000 euros), fabriquent eux des casquettes à partir d'objets destinés à l'enfouissement.

Le duo Français (frère et soeur) Ddiddue et Juana Etcheberry, grand prix du jury accessoires de mode et prix de la maison Hermès au Festival de Hyères 2020 (Emile kirsch)

Bien qu'engagés, ces créateurs ont des démarches différentes concernant la collecte de leur matière première et leur façon de travailler. Ainsi, Emma Bruschi "aime beaucoup travailler avec des artisans qui sont aussi agriculteurs et qui font pousser leur matière première. Ils ont une grande maîtrise de leur technique et de leur matériau". Tandis que Ddiddue et Juana Etcheberry ont misé sur le surcyclage avec leur  marque de casquettes créée il y a deux ans. "Le réseau d'approvisionnement s'est fait petit à petit", expliquent-ils.

"Au commencement notre premier matériau était le plastique : des récipients cylindriques de type pots de fleurs, bassines et seaux nous ont interpellés. Nous avons alors décidé de faire des visières", racontent les créateurs basques. "Ensuite nous sommes tombés sur un immense tas d'anciennes peaux de blaireaux d'une ancienne entreprise du coin. Nous avons commencé à sérigraphier sur les peaux et à monter des casquettes. Ensuite, nous avons continué avec des parachutes et des parapentes en fin de vie puis des chambres à air de tracteurs ainsi que des draps que des particuliers nous donnaient".

Si la démarche de récupération est au coeur de leur fonctionnement, les matériaux qu'utilisent ces créateurs ne sont pas les mêmes. Emma Bruschi trouve que "la paille est une matière incroyable, elle est brute mais dans l'histoire, la plupart des civilisations l'ont transformé avec une telle délicatesse qu'elle peut ressembler à de l'or. Sa texture et son odeur me rappelle mon enfance. Les céréales de manière générale, sont un symbole d'agriculture, de fertilité et d'abondance, on peut tout faire avec : s'habiller, construire sa maison, nourrir ses animaux, faire de la farine, nourrir la terre et construire toutes sortes d'objets utiles au quotidien. J'ai découvert l'art de tresser la paille l'année dernière lors de ma visite au Musée de la Paille à Wohlen en Suisse allemande. J'ai été tout de suite passionnée par cette technique et j'ai cherché à rencontrer les personnes qui avaient encore ce savoir-faire et qui pourraient me l'apprendre. Pour ma collection, j'ai pu l'utiliser sous différentes formes, que ce soit au crochet ou en application de broderie de Lunéville".

Emma Bruschi, collection homme présentée au Festival de Hyères, octobre 2020 (Étienne Tordoir / CatwalkPictures)

Tandis que le duo basque privilégie les matières délaissées et non sans raison. "Les récipients en plastique sont tellement diversifiés en coloris et formes que l'on peut faire des formes totalement inattendues", nous disent-ils. "Puis il y a l'arrivage des coloris des parachutes et parapentes qui nous enchante à chaque pêche. Rendre l'indésiré désirable est un challenge que l'on aime. Nous sommes des esthéticiens, donc nous sommes attirés par ce que les gens ne veulent plus. Passer du vieux au neuf est un travail difficile mais on s'en réjouit une fois le travail fait".

Le plastique restant cependant leur matériau de prédilection : "C'est un matériau nouveau et tellement présent autour de nous. Ces anciens cousins tels que le bois, le métal et le verre sont des matériaux qui ont été travaillés depuis des millénaires. Les techniques de travail du plastique sont nouvelles et il y a un nombre infini de différents plastiques. Il faut s'adapter. Les autres matériaux avec lesquels nous travaillerons plus tard viendront un jour à leur tour. Nous travaillons avec ce que l'on a et l'on essaye de les travailler aux mieux. D'extraire au maximum leurs potentiels !"

Collection Ddiddue et Juana Etcheberry, grand prix du jury accessoires de mode et prix de la maison Hermès.au Festival de Hyères 2020 (Philippe Jarrigeon)

L'obtention d'un prix au Festival de Hyères reste pour eux un bon moyen d'ouvrir des portes et mais aussi d'engager des nouveaux process grâce à la dotation obtenue : "Je me réjouis de découvrir tous ces métiers d'art et de pouvoir travailler avec ces artisans incroyables ! Je pense continuer de développer la paille avec eux et voir ce qui est possible de faire, car je ne connais pas encore bien toutes les maisons d'art. Je compte profiter de cette occasion pour les découvrir de plus près" explique Emma Bruschi.

Tandis que Ddiddue et Juana Etcheberry se réjouissent grâce au grand prix du jury qui leur a été décerné "de pouvoir travailler avec les artisans de la maison Chanel. L'idéal serait d'utiliser les techniques qu'ils ont pour s'adapter à nos matériaux ou à leurs propres rebus. Cela reste à voir. En tout cas nous sommes très motivés et curieux des techniques que nous allons employer pour la prochaine collection en collaboration avec Hubert Barrère".

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