Eclectisme créatif sur les podiums de la New York Fashion Week
Si depuis le début de la New York Fashion Week, des créateurs se sont inspirés des mouvements #MeToo et #TimesUp, d'autres designers ont invité à des voyages dans la nature ou les époques. Revue d'éclectisme avec Calvin Klein, Coach, Ralph Lauren, Bottega Veneta, Hugo Boss, Carolina Herrera et J. Mendel.
Article rédigé par franceinfo
- franceinfo Culture (avec AFP)
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Calvin Klein dans l'Amérique des extrêmes, Coach en forêt, sortie en mer pour Ralph Lauren
Raf Simons a poursuivi son voyage dans l'Amérique des extrêmes pour Calvin Klein, dont il a poussé les curseurs loin des bases de la marque. C'est dans un décor de granges en bois typiques de la campagne américaine que le couturier flamand a accueilli son public. Les invités, de même que les mannequins lors du défilé, ont dû se frayer un chemin dans une mer de vrai pop-corn, qui semblait rappeler les excès de l'Amérique. Cette 3e collection version Simons a été marquée par son éclectisme, la multiplicité de ses pièces et l'infusion de références. Sous la bannière Calvin Klein 205W39NYC, le nouvel étendard des collections, il y avait quelques évidences, comme ces robes imprimée façon "Pioneer Woman", les pionnières de l'Ouest, dépeintes par des peintres américains du début du XXe siècle. Classiques et sages au départ, elles étaient devenues transparentes et certaines avaient une manière de décolleté inversé, découvrant le bas de la poitrine plutôt que le haut. Dans ce "paysage" américain "sans hiérarchie culturelle", Raf Simons avait intégré aussi des vestes de pompier, des pulls en laine à grosses mailles, souvent portés sur un costume, ou des chemises cousues d'étoiles. La collection invite à découvrir "un rêve différent", selon les notes, et se veut une célébration de la "liberté", "un mot qui définit l'Amérique et Calvin Klein".
C'est à une balade mélancolique en forêt qu'avait invité la maison Coach, avec un tapis de feuilles mortes et des arbres comme décor. Entre les grandes jupes longues, les robes droites, et les grandes vestes ou manteaux en daim, il y avait une tonalité champêtre dans l'air, teintée de folk et de baba cool. Une impression renforcée par les motifs cachemire, la dentelle et un appétit pour les franges. Le designer britannique Stuart Vevers a pensé au sud-ouest américain et sa dimension "cinématographique". "Je n'ai pas grandi aux Etats-Unis, donc ça me fait rêver", a-t-il dit. Mais les notes de collection évoquaient aussi une "romance sombre et déjantée" et un "charme spectral". Stuart Vevers voit donc cette collection comme un moyen de "célébrer la force et la confiance d'être soi-même".
Ralph Lauren, 78 ans, avait convié ses invités à une croisière. Blanc et bleu étaient au coeur de la collection avec des vêtements de style nautique, du pull marin au blazer bleu marine sur pantalons blancs, aux robes imprimées légères. Au-delà de ces pièces au chic classique, la nouveauté était dans les rayures, jaunes, bleues, rouges, vertes qui venaient barrer des pulls, des blousons à capuche ou des robes scintillantes. Cette collection immédiatement disponible en magasin aidera-t-elle Ralph Lauren à enrayer le déclin de ses ventes ? La marque connaît une période troublée, avec des suppressions d'emplois et des fermetures de magasins. Après avoir longtemps pratiqué les remises, qui ont entamé l'image de marque, il faut la redorer en fermant les magasins qui ne font pas assez de chiffres ou trop de discount. Le nouveau PDG, le Français Patrice Louvet, arrivé à l'été 2017, reconnaissait début février qu'"il y avait encore beaucoup à faire" pour redresser la marque.
Bottega Veneta investit l'American Stock Exchange
Le groupe de luxe italien (groupe Kering), qui montre habituellement ses collections à Milan, s'est offert un unique défilé new-yorkais, pour célébrer l'ouverture de son nouveau magasin de l'Upper East Side, son plus grand magasin au monde avec 1.400 m2 sur Madison Avenue. Il avait investi l'American Stock Exchange, bâtiment emblématique de la capitale financière américaine, au style néo-classique enrichi d'une touche d'art déco ajoutée en 1930 mais déserté par les traders depuis 2009. Le défilé, comme le magasin, était là pour rappeler la douceur des intérieurs sophistiqués italiens, histoire de rappeler que son créateur Tomas Maier fait aussi des meubles, pas seulement de la maroquinerie et du prêt-à-porter. Gigi Hadid et Kaia Gerber faisaient partie d'une armée de 66 mannequins. Parmi les tenues du jour : des combinaisons style pyjamas en soie, fluides, aux couleurs rose, rouge, violette, portés sous des manteaux ou de longs pulls d'hiver. Des vestes, pantalons et pulls composés de grands carrés de couleurs variées, comme des tenues plus classiques, à l'élégance européenne, avec presque toujours un sac ou une pochette de cuir à la main. Tout ça pour un magasin? "Dans le luxe, les clients ont envie d'être reconnus personnellement", dit-il. "Ils viennent peut-être un peu moins souvent qu'auparavant, parce qu'ils ont déjà appris beaucoup par le digital" mais "ils viennent pour concrétiser l'acte" a indiqué Claus-Dietrich Lahrs, pdg de Bottega Veneta.
L'adieu à Jason Wu pour Hugo Boss, le départ de Carolina Herrera
Hugo Boss a mis en scène la dernière collection conçue par le designer Jason Wu, au terme de cinq années de collaboration. Les tenues étaient austères : noir et bleu dominaient, avec de longs manteaux de laine, des pulls camionneurs oversize, de petites robes de soie droites, des ensembles tailleur-pantalons avec des carreaux surpiqués en rouge. Petite touche de gaieté : quelques chemises de soie et une longue robe vert pâle, sans manches, toute en plis pour plus de fluidité. Le nom du remplaçant de Jason Wu à la tête des collections femmes d'Hugo Boss n'a pas encore été annoncé. La marque, qui semble hésiter entre un positionnement haut de gamme ou luxe, a effectué plusieurs changements stratégiques depuis l'arrivée d'une nouvelle direction il y a 18 mois : elle s'est recentrée sur la mode hommes, a ralenti le développement de ses magasins, et mis plus de moyens dans le commerce en ligne.
Le créateur français Gilles Mendel a présenté une collection sous la marque J. Mendel inspirée par deux héroïnes d'Hollywood à la personnalité affirmée, Louise Brooks et Katharine Hepburn. S'il se situe dans un créneau assez intemporel et ne conçoit presque exclusivement que des robes, des manteaux et des accessoires, Gilles Mendel fait aussi écho au mouvement #MeToo. "Ces femmes étaient très fortes", explique l'héritier de ce grand fourreur qui est maintenant plus connu pour sa mode prêt-à-porter. "Pour moi, elles sont une inspiration pour les autres femmes." Comme à chaque collection, ses pièces sont d'une finesse remarquable, qui ne peut souvent se percevoir qu'en y regardant de très près, avec l'aide de techniques artisanales comme le plissage à la main.
Avant le cinéma, "Black Panther" passe par la Fashion Week
La Fashion Week a fait une incursion dans le monde du cinéma avec une collection inspirée du film "Black Panther", qui sort vendredi. La Fashion Week n'était pas qu'un prétexte pour cette présentation (hors calendrier officiel) car à la différence des autres films de super-héros, "Black Panther" a fait une vraie place à la mode. La costumière Ruth E. Carter a fait son marché au Nigeria ou en Afrique du Sud pour habiller ses héros, avec des guerrières rasées qui portent des uniformes rouge et or moulants ou la reine Ramonda et ses robes bustier. Les créateurs Chromat, Laquan Smith ou Cushnie et Oks, qui défilent tous lors de la Fashion Week, ont créé chacun une tenue unique inspirée de l'univers "Black Panther". "Pour moi, l'inspiration a été la mise en avant de la femme", a expliqué Laquan Smith, alors que beaucoup avaient transformé le lieu en piste de danse. Le couturier a dessiné pour l'occasion une combinaison noire à paillettes, ceinture et décolleté plongeant, pour incarner un mélange de "pouvoir, féminité, force et sensualité. J'ai vraiment été inspiré par ce film." "Je pense que ce qui fait que Black Panther est plus connecté à la mode que tout autre film de super-héros, a-t-il poursuivi, c'est la distribution, la personnalité de ces acteurs."
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