"Notre engagement pour l'environnement est une priorité absolue" : l'après-confinement selon les créateurs de mode Daniel Essa, Simon Delacour et Bastien Beny
Les boutiques sont fermées et les prochaines fashion weeks parisiennes annulées, mais les créateurs se projettent déjà dans l'après-confinement.
Selon un sondage en ligne, réalisé par YouGov les 30 et 31 mars 2020, sur un échantillon de 1024 personnes, 53,9% des sondés pensent que cette période est un moyen de se rendre compte que la Fast Fashion n'a plus sa place dans notre société et 82,1%.des sondés pensent qu'il est souhaitable que la mode se tourne vers plus de développement durable.
Un avis que partage le créateur de sneakers, Daniel Essa, ainsi que les créateurs de la maroquinerie domestique, Simon Delacour et Bastien Beny, à qui Franceinfo Culture a posé la question : "En quoi cette épidémie de Covid-19 va-t-elle influencer votre travail une fois le confinement levé ?". Rencontres.
C’est l’espoir d’une (réelle) prise de conscience collective pour que la manière de consommer de chacun soit plus responsable
Simon Delacour et Bastien Beny, co-fondateurs de la marque domestique
L’après Covid-19, c’est l’espoir d’une (réelle) prise de conscience collective pour que nos mentalités changent, que nos comportements individuels évoluent, que la manière de consommer de chacun soit plus responsable. Depuis la création de notre laboratoire créatif en 2016, nous avons pris des engagements forts envers la planète et les gens : une seule collection d’accessoires par an, seasonless (sans saison, ndlr), une production à la commande, une fabrication réalisée à la main à Paris, des fournisseurs principalement parisiens et français, des cuirs qui durent dans le temps et sans produit chimique, des produits conçus de manière à optimiser les matières ainsi que des déplacements à pied et à vélo.... Nous avons fait beaucoup de choix en faveur du local, du responsable et du durable. Ces quatre premières années ont été parsemées de doutes qui aujourd’hui nous confortent encore plus dans nos engagements éco-responsables.
Le meilleur reste à venir, nous y croyons. Pour cela, il faut l’engagement de l’Etat en soutenant les fabricants et fournisseurs parisiens et français qui disparaissent un à un depuis 10 ans et plus particulièrement les sous-traitants de la filière cuir. Ceux-là même qui nous permettent de proposer le Fabriqué à Paris. Il existe des irréductibles comme la Maison Poursin Bouclerie qui réalise l’entièreté de sa production de pièces métalliques pour la maroquinerie haut de gamme et le luxe. Nous les soutenons depuis nos débuts.
Bien que les marchés aient été très chahutés ces dernières semaines, nous avons la chance de continuer à faire fonctionner la marque domestique ayant reçu une commande en provenance de Pékin. Par chance dans cette période de confinement, étant dans un appartement-atelier, nous pouvons fabriquer et honorer les commandes. Nous avons aussi l’opportunité de prendre davantage de temps avec nos clients directs en offrant un service personnalisé pour chacun d’entre eux. Ce sens du service a pourtant été mis à mal par la Fast Fashion de ces dernières années.
Mon engagement pour l'environnement et le respect des personnes sont une priorité absolue
Daniel Essa, créateur syrien de sneakers de luxe
Mon expérience de cette crise a débuté pour moi en Italie en février : je participais à la Fashion Week de Milan. Le Covid-19 a fait son apparition dans le Nord de l'Italie et a laissé place à la peur et la panique. J'ai dû annuler mes rendez-vous face à l'ampleur de la crise et me confiner. N'ayant pu me rendre dans mon atelier de production dans le centre de l’Italie, je suis rentré en France pour de nouveau me placer en quarantaine. J'ai vu de suite en Italie les proportions que prenait cette crise et j'ai compris que ce virus allait être un signal d'alarme pour de nombreuses industries.
Aujourd'hui, personne ne sait exactement ce qui changera ou non mais ce dont je suis sûr, c'est que ce déclencheur doit justement nous inviter à réfléchir, à apprendre, à nous adapter et à changer en mieux. Ce temps d'arrêt, cette prise de recul m'ont permis de me rappeler que depuis fin 2017, lors du lancement de ma marque, mon objectif est de proposer des designs intemporels, non liés à une tendance : mes chaussures vous pouvez les porter aujourd'hui ou dans 10 ans. Ces deux dernières années, j'ai créé un modèle économique qui privilégie l'impact environnemental et social et inspire un développement durable grâce à des investissements ciblés, une attention aux personnes et aussi un processus de production raisonné. La période actuelle ne fait que renforcer mes convictions : la durabilité de mes produits doit passer au premier plan, c'est une valeur fondamentale. Mon engagement pour l'environnement et le respect des personnes, pour construire un monde meilleur pour les nouvelles générations sont une priorité absolue. Je souhaite qu'après cette crise, la durabilité ne soit plus un choix pour les marques mais que cela devienne une responsabilité pour chaque industrie. Malheureusement, certaines marques utilisent le mot durable, éthique… pour marketer, vendre et ne pratiquent que peu ou pas de réelle durabilité !
Le consommateur doit engager sa responsabilité : s'interroger, questionner et vérifier avant d'acheter un produit. J'ai le sentiment que la mode appartient aux influenceurs et blogueurs, sachant que la plupart d'entre eux sont loin d'imaginer la vraie valeur de la création (Ils assurent le devenir de leur entreprise qui se cache derrière chaque avis qu'ils donnent). Pendant ce confinement, les gens ont commencé à se rendre compte qu'il ne faut pas toujours compter sur leurs opinions pour acheter. Nous devons enquêter par nous-mêmes, car nous devons être les décideurs et non les suiveurs. Mon leitmotiv : la Terre est ma maison, la Terre est votre maison, la Terre est notre seule maison. Conservons la verte, conservons-la propre.
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