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Le couturier français Pierre Cardin est mort à l’âge de 98 ans

Le couturier français Pierre Cardin s'est éteint à l’âge de 98 ans, a annoncé sa famille. En plus de 70 ans de carrière, il a révolutionné l’univers de la mode.

Article rédigé par franceinfo Culture - Mélisande Queïnnec
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Pierre Cardin dans sa boutique parisienne, le 27 juin 2019. (BERTRAND GUAY / AFP)

Pierre Cardin s'est éteint mardi 29 décembre à l'âge de 98 ans. Il est mort dans la matinée à l'hôpital américain de Neuilly, dans l'ouest de Paris, a annoncé sa famille. "Jour de grande tristesse pour toute notre famille, Pierre Cardin n'est plus. Le grand couturier qu'il fut, a traversé le siècle, laissant à la France et au monde un héritage artistique unique dans la mode mais pas seulement", écrit sa famille dans un communiqué. Le couturier visionnaire et homme d’affaires intraitable, propriétaire du restaurant Maxim’s, avait fondé la maison homonyme en 1950. Sa soif de créativité ne l’aura jamais quitté.

Mort de Pierre Cardin : à 98 ans, le couturier laisse derrière lui 70 ans de vêtements audacieux
Mort de Pierre Cardin : à 98 ans, le couturier laisse derrière lui 70 ans de vêtements audacieux Mort de Pierre Cardin : à 98 ans, le couturier laisse derrière lui 70 ans de vêtements audacieux (France 3)

Né à San Biagio di Callalta (Venise) le 2 juillet 1922, Pierre Cardin passe son enfance à Saint-Étienne où il suit un apprentissage chez un tailleur. Il débarque à Paris en 1945 et y fait ses premières armes, d’abord chez Paquin puis chez l’avant-gardiste Schiaparelli. Jean Cocteau et Christian Bérard le repèrent : il créera pour eux masques et vêtements, notamment pour le film La Belle et la Bête. En 1946, Christian Dior lui offre un poste de tailleur dans la maison de couture qu’il vient de créer. Pierre Cardin y passera quatre ans avant d’ouvrir la sienne, au 10 rue Richepanse. Au milieu d’un bric-à-brac où s’affirmera tout son génie, il se met au service de la mise en scène et crée des costumes de théâtre.

Pierre Cardin sur le plateau de l'émission de Denise Glaser "Discorama". (CLAUDE JAMES / INA)

Infatigable créatif

En 1953, Pierre Cardin lance sa première collection. Ses manteaux, robes et tailleurs en lainage sont aussi élégants que confortables. Maître de l’expérimentation, il crée peu à peu des vêtements jamais vus. Sa célèbre robe bulle cartonne dès 1954. Plus tard, on lui devra la mode unisexe, le costume Mao, l’utilisation du vinyle, d’imprimés fantaisistes et de couleurs provocantes... Les pièces futuristes sont réalisées dans des matières nobles et les coupes géométriques, au volume indécent, redessinent la silhouette.

En 1954, Pierre Cardin ouvre une première boutique de prêt-à-porter féminin, "Eve", suivie trois ans plus tard par "Adam", son équivalente pour hommes. Déjà, le couturier précurseur réinvente le prêt-à-porter et conçoit des cravates à fleurs et des chemises imprimées. L’art de vivre japonais se fait rapidement une place dans son travail : en 1957, Pierre Cardin part enseigner le stylisme au Japon. Il y rencontre le mannequin Hiroko Matsumoto. "Mademoiselle Hiroko" prendra, pendant près de dix ans, une place de maîtresse et de muse et deviendra le premier top model japonais dans une collection de prêt-à-porter française.

La mode, c’est une radiographie de la société.

Pierre Cardin

Défilé Pierre Cardin à l'Institut de France, novembre 2016. (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

Le créateur lance sa première collection de prêt-à-porter féminin en 1959. Sa collection masculine sort l’année suivante. Dans sa carrière, tout ira très vite. Il habillera John Steed pour la série Chapeau melon et bottes de cuir, concevra les costumes de scène des Beatles, ouvrira une boutique pour enfants, lancera un premier parfum pour hommes, puis un autre, puis une collection de bijoux, de vêtements pour adolescents, une ligne "sport" à l’occasion des Jeux olympiques d’Atlanta en 1996… Les défilés et rétrospectives en son honneur se succèderont à Paris, Florence, Londres, Tokyo, Los Angeles… Le créateur est désormais sur tous les fronts.

Défilé Pierre Cardin à l'Institut de France, novembre 2016. (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

Redoutable homme d'affaires

Le mécène rouvre en 1971 L’Espace Pierre Cardin, avenue Gabriel à Paris, dont il rendra les clés en 2016. Pierre Cardin y programme des concerts, des comédies musicales, des ballets… Au milieu d’un restaurant, d’un théâtre et d’une salle de cinéma s’y produisent ainsi des artistes comme Jean Genet, Gérard Depardieu, Jean Marais, Marlene Dietrich ou Jeanne Moreau, avec qu’il vivra quatre ans. Plus tard, Cardin ouvre une galerie de meubles rue du Faubourg Saint-Honoré et y présente une première collection en 1977 : "Sculptures Utilitaires".

Les licences Cardin

Très tôt, Pierre Cardin se fait homme d’affaires grâce à un système de licences : il imagine des articles produits par des industriels qui lui reversent ensuite un pourcentage sur les ventes. Sa marque s’exporte sur des assiettes en porcelaine dès 1968, des meubles, des œuvres d’art ou encore sur le restaurant Maxim’s, dans le quartier de la Madeleine à Paris, dont il prend le contrôle en 1981. L’entrepreneur est à la tête de 800 licences dans une centaine de pays.

Pierre Cardin sort du restaurant Maxim's peu avant d'acheter l'établissement, le 16 avril 1981. (AFP)

Cardin est le démocrate du luxe. Son nom rayonne dans le monde entier et dans tous les domaines, des vêtements aux parfums et aux produits de beauté, en passant par l’alimentation, les vins, les restaurants, les cigares, le mobilier, le linge de maison, les avions et les automobiles.

Marisa Berenson

Pierre Cardin - Jean-Pascal Hesse, 2017.

Les produits qui portent son nom sont vendus dans le monde entier. Des milliers d’actifs très différents, qui vont des lunettes au linge de maison, en passant par l’eau minérale et les produits courants. Dans l’anthologie Pierre Cardin, qui retrace, en 2017, les 70 ans de carrière du créateur, Jean-Pascal Hesse, son directeur de communication, dira de lui : "La force de Pierre Cardin, c’est Pierre Cardin lui-même. C’est la clé de voûte de tout son système." Les boîtes de sardines estampillées Maxim’s vaudront au créateur le surnom "d’épicier". Qu’importe. Son Empire n’a plus de frontières.

Sur le magazine que tient Pierre Cardin, l'ancien chef d'Etat de Cuba Fidel Castro accompagne le couturier. (MEHDI FEDOUACH / AFP)

Initiateur de projets fous

Chevalier des Arts et des Lettres, Commandeur de la Légion d'Honneur, Commandeur de l'Ordre du Mérite, Ambassadeur de bonne volonté auprès de l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture… En plus de 70 ans de carrière, le dandy des temps modernes aura collectionné les récompenses et les "premières". "Une des clés du système Cardin : arriver le premier, avant tout le monde", expliquait Jean-Pascal Hesse. En 1971, il devient le premier civil au monde à revêtir la combinaison spatiale de Buzz Aldrin et confie sa fascination pour le cosmos : "C’est dans ces sphères qu’est mon repère : qui pourrait être cet autre homme qui se distingue de tous les autres hommes ?"

Rétrospective "Pierre Cardin : Future Fashion" au Brooklyn Museum de New York, le 19 juillet 2019. (TIMOTHY A. CLARY / AFP PHOTO)

Le talent et le goût ne suffisent pas, seul le style compte.

Pierre Cardin

En 2001, Pierre Cardin achète le château du Marquis de Sade à Lacoste, dans le Luberon. Un tiers du village lui appartient, ce qui n'est pas du goût de ses habitants. Il y ouvre un festival d’art lyrique et de théâtre. Mais son acquisition la plus spectaculaire reste probablement l'insolite Palais Bulles, en 1991, où il organise des défilés et des soirées privées. Située à Théoule-sur-Mer face à la baie de Cannes, la résidence futuriste de 1200 imaginée par l’architecte hongrois Antti Lovag fait la part belle aux courbes et aux sphères, inspirée par l’habitat troglodyte. Jean-Pascal Hesse lui dédira un autre ouvrage, avant sa mise en vente en 2016.

Le Palais Bulle de Pierre Cardin, à Théoule-sur-Mer. (ORTEO BERTRAND / HEMIS.FR)

Cardin déplace en 2014 le musée homonyme "Passé-Présent-Futur" de Saint-Ouen (93) au Marais (4e arrondissement de Paris). Aujourd'hui fermé pour une durée indéterminée, le lieu retraçait cinquante années de création à travers des modèles de vêtements, de chapeaux, de meubles et de chaussures, plus de 200 pièces illustrant la folie créatrice du couturier, sur 1000m² à quelques pas du centre Pompidou. Passionné d'art, le créateur transforme aussi les étages de Maxim's en un lieu unique recréant l'ambiance d'un appartement de la Belle Époque : le musée "Art Nouveau". Y sont exposés de remarquables objets et meubles "art nouveau", de Majorelle à Tiffany en passant par Toulouse-Lautrec, rassemblés par Cardin depuis plus de soixante ans.

Le musée Pierre Cardin retrace des années de création à travers des pièces devenues incontournables. (LYDIE/SIPA)

L'une de ses dernières folies, sujette à controverses, aura été la conception d'un lieu atypique et écoresponsable : le "Palais Lumière", une "sculpture habitable" géante de 255 mètres de haut aux abords de la lagune de Venise. "Je veux offrir à Venise un grand jardin pour l'éternité", avait affirmé le couturier âgé à l'époque de quatre-vingt dix ans, conscient, déjà, de mener là son dernier grand projet. Pierre Cardin souhaitait l’édifier avant 2015 mais y renoncera finalement, devant le silence du ministère des Biens culturels italien. 

Cardin dévoilant les plans de son Palais Lumière à Marghera (Italie), le 27 août 2012. (AGF S.R.L. / REX FEATUR/REX/SIPA / REX)

Jean-Pascal Hesse a raconté la rencontre entre le jeune créateur de vingt-trois ans jusqu’au-boutiste et une diseuse de bonne aventure. "Jusqu’à votre mort, votre nom sera partout dans le monde", lui avait-elle dit. Et sans doute bien après...

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