La créatrice Chantal Thomass se sépare de "40 ans de mode" lors d'une vente aux enchères, précédée d'une exposition à Paris
La créatrice - qui a bousculé les codes établis de la lingerie la transformant en accessoire de mode - met aux enchères "40 ans de mode". La vente au marteau en mai est précédée d'une vente en ligne du 19 avril au 8 mai et d'une exposition dans les vitrines de la Joyce Gallery à Paris à partir du 6 avril.
Chantal Thomass - la créatrice qui a bousculé les codes établis de la lingerie - organise une vente aux enchères qui commémore le chemin accompli par celle qui a marqué plusieurs générations.
Première créatrice à faire défiler les dessous féminins sur les podiums dans les années 1970, elle fut depuis lors, une des figures majeures de la vague des créateurs français. Ces créateurs éclectiques au style reconnaissable qui vont dessiner la femme des années 80’ et 90’. Irrévérencieuse et créative, cette jeune garde va apporter une nouvelle énergie à la mode parisienne : ainsi Chantal Thomass définit les contours d’une nouvelle féminité, extravagante, libre, charnelle, nimbée d’humour et de clins d’œil. Elle est l'instigatrice du masculin féminin, du voilé dévoilé, du dessous dessus, empruntant au vestiaire masculin étoffes et esprit. Une mode unique qui souligne le corps et le remodèle.
Une vente précédée d'une exposition "vitrines"
A Drouot à Paris, la maison Millon présentera Chantal Thomass "40 ans de mode", une vente, prévue le 6 mai, qui révélera 274 pièces uniques de défilés, de collections de prêt-à-porter et d’accessoires. Une vente online sera également organisée du 19 avril au 8 mai réunissant 355 pièces. Et pour avoir un avant-goût des pièces proposées, une exposition se tient dans les vitrines de la Joyce Gallery Paris (du 6 avril au 2 mai).
Cette rétrospective est une première du genre sous le marteau explique Maître Alexandre Millon : "De tous les adjectifs qui émaillent sa carrière pour décrire son style, je retiendrais innovante, libre et irrévérencieuse. Il y a dans cette douceur incarnée, cette volonté incassable de ne jamais rentrer dans une case. Mue par l’énergie décidément immortelle des années 70, elle a su parler avec humour et curiosité le langage de la femme qui attendait que ses dessous prennent le dessus".
Rencontre avec une créatrice multi-facettes
Franceinfo culture : pourquoi vous séparez-vous de cette garde-robe ?
Chantal Thomass : En 2019, la Joyce Gallery à Paris a organisé une exposition baptisée Personal Dressing qui m’était consacrée : j’y ai exposé mes objets, mes photos, mes collaborations et aussi une partie de mes archives mode. Cette exposition a piqué la curiosité de l’expert Didier Ludot - que je connaissais bien – (ndlr, il est antiquaire de mode à Paris, spécialiste de la haute couture et du prêt-à-porter de luxe du XXe siècle) et qui a demandé à voir l’ensemble des pièces ; pièces archivées précieusement près de Paris dans un local à température constante de 15°. L’idée de la vente aux enchères a été rapidement évoquée et la collaboration avec la maison de vente Millon lui a donnée vie.
Mon travail a souvent été exposé dans le passé : une vente aux enchères - avec le très beau catalogue qui en a été tiré - était une façon inattendue de présenter mon travail de mode et de faire découvrir la genèse Chantal Thomass "que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître !". Mon univers n’est pas né ex nihilo ! (rires). Et cette envie aussi de donner une nouvelle vie à toutes ces pièces que j’ai imaginées, des femmes vont pouvoir les acquérir et les porter !
Parmi les 274 pièces mises aux enchères, pouvez-vous m'en citer trois qui sont représentatives de votre parcours
Toutes ces pièces ont une histoire et sont "un moment de vie" ! Il y a cette "mariée écuyère" en doudoune XXL immaculée (lot 45) : j’avais approché dans les années 80 la maison Moncler - encore grenobloise à l’époque - pour travailler sur des doudounes que je voulais théâtrales avec l’envie de détourner un vêtement technique, d’y mettre de la mode pour se mettre en scène dans la vie. Cela a donnée des pièces généreuses enveloppantes, poids plume, confortables pour le jour comme pour le soir.
J’ai aussi d’heureux souvenirs liés à une tenue portée par Isabelle Adjani pour les César en 1984 (lot 191). J’ai travaillé dès mes débuts avec les plumassiers parisiens sur des manteaux, vestes, boléros : c’est chaud, léger et facile à rouler dans une valise. J’avais pensé une tenue tout à la fois légère, confortable "un soir sportswear" spectaculaire dans un blanc mat - comme un écrin à sa beauté – très loin de ce qui se portait à l’époque sur le tapis rouge !
Pendant l’été 1979, le Palace s’était déplacé au casino de Cabourg. Pour le voyage, un train avait spécialement été affrété avec deux bars et une boite de nuit. Le "Tout Paris" de l’époque – Clio Goldsmith, Helmut Berger, Michel Klein… - s’était déplacé et s’enivrait de champagne. Je portais pour l’occasion une combinaison en jersey soie perlée d’étoiles de mer or (lot 189) que j’avais dessinée et réalisée à mes mesures. Un joli vestige d’une soirée devenue mémorable !
Comment s'est faite la sélection ?
Les pièces étaient déjà classées et répertoriées ce qui a considérablement facilité le travail de sélection et Didier Ludot est aguerri à ce genre d’exercice. Le choix s’est fait en fonction de critères des plus concrets aux plus émotionnels : évidemment l’état général mais aussi l’ancienneté, la rareté, l’unicité, même si sur ce dernier point la quasi, voire la totalité des pièces est unique ou a été produite en courte série. Et n’oublions pas, les souvenirs liés à chaque vêtement et accessoire…
Jo Zhou a réalisé les photos du catalogue qui a été édité pour l’occasion ; catalogue que nous avons voulu comme un livre avec moult images de défilé, une biographie autorisée, un abécédaire et des dessins de mes grands amis Jean-Charles de Castelbajac et Hippolyte Romain dans un flot de rose, de noir, de blanc et de rouge… très important le rouge, toujours en touche et mat comme mon rouge à lèvres (rires).
Quelles pièces avez-vous précieusement conservées que vous ne vendriez pour rien au monde ?
Une véritable casquette d’amiral en feutre noir mais brodée à mon nom en cannetille or, une pièce réalisée dans les ateliers de la maison Michel. Il y a aussi une doudoune longue aux fermoirs en brandebourgs crée en collaboration avec Monclerc : nylon glacé noir, col châle généreux, matelassage en losange, taille travaillée comme un corset et volume patineuse … J’ai aussi conservé quelques pièces en plume et marabout ! J’ai travaillé dès mes débuts avec les plumassiers parisiens sur des manteaux, vestes, boléros : c’est chaud, léger et facile à rouler dans une valise !
En 2019 vous exposiez à la Joyce Gallery, en 2021 vous organisez cette vente, quels sont vos prochains projets ?
"À tout seigneur tout honneur" ; une exposition dans les vitrines de la Joyce Gallery dans le jardin du Palais Royal (du 6 avril au 2 mai) présentera une partie des pièces de la vente aux enchères. On y retrouvera aussi en exclusivité et à la vente (en click and collect) des broches camées en céramique réalisées à la main en collaboration avec la manufacture italienne Rometti. Manufacture avec laquelle je crée déjà des vases aux volumes généreux : j’avais imaginé un vase piqué de camées et comme j’ai la folie des broches (rires), l’envie de réaliser des "broches - bijoux" à partir de ces camés a été comme une évidence. Les pièces de la vente online seront présentées dans leur intégralité dans l’espace de la maison Millon rue Rossini à Paris (du 29 avril au 7 mai sur rdv). Dans les deux cas, vous pourrez acquérir le catalogue de la vente au marteau. Didier Ludot habillera également ses vitrines de la boutique du Palais Royal.
Le 4 mai sera aussi inaugurée l’exposition Les Rubans de l’Intime au Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne. Le ruban a toujours accompagné mon travail de mode et de lingerie et mes pas m’ont souvent menée à Saint-Étienne pour travailler sur ce savoir-faire unique. Alors c’est une très grande émotion d’être la marraine de l’exposition qui lui rend hommage.
Vient d’être lancé avec Barrisol - avec qui je collabore sur des toiles décoratives - un projet de suspensions lumineuses : j’ai pu exprimer mon envie de créer des pièces "Bigger than life" et mettre la lumière en volume par des motifs qui me sont chers. Butterfly et Oriflamme, fruits de cette collaboration, sont des luminaires tout à la fois techniques, poétiques mais aussi légers, protecteurs, aériens et posés dans les airs, le temps semble suspendre son vol. Une jolie façon d’enrichir “le vocabulaire Chantal Thomass” ! Le rangement et l’archivage de mes collections de lingerie m’occupent également beaucoup. Mais ça nous en reparlerons.
Et enfin mon site "Madame Chantal Thomass" que nous finalisons d’arrache-pied avec mes équipes ! Un site qui sera la vitrine de mon travail passé, présent et futur.
Vente au marteau Drouot le 6 mai 2021 à 14h. Exposition les 4, 5, 6 mai (salle 5, Drouot Richelieu. 9, rue Drouot 75009 Paris). Vente online du 19 avril au 8 mai sur www.Millon.com
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