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Haute couture : "Revendiquer la valeur artistique de la broderie, qui est considérée comme un travail domestique, est un message féministe", pour Dior

Après la parenthèse de la Covid-19 où les vêtements ont été présentés virtuellement pendant les semaines de la mode, la maison Dior titille les sens avec un défilé dans un pavillon entièrement brodé par des artisans indiens, au premier jour de la semaine de la haute couture automne-hiver 2021-22 à Paris.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Dior haute couture automne-hiver 2021-22 à Paris, le 5 juillet 2021 (NOEMI OTTILIA SZABO)

Dior est l'une des sept maisons qui revient aux défilés physiques cette saison, ce qui "permet d'appréhender la collection de façon plus complète par rapport au film", explique à l'AFP la créatrice des collections femme, l'Italienne Maria Grazia Chiuri qui avait confié la présentation des deux précédentes collections haute couture au réalisateur Matteo Garrone (Dogman, Gomorra).

Les actrices italienne Monica Bellucci et américaine Jessica Chastain, la réalisatrice française Nicole Garcia ou la mannequin britannique Cara Delevingne se sont déplacées au musée Rodin pour contempler les vêtements aux côtés de convives masqués.

La "matérialité" ou la présence de l'objet ont guidé cette collection riche en total looks en tweeds - des bottes au chapeau - et en robes du soir aériennes dans lesquelles les tresses et les chaînes en tissu tiennent le plissé de façon presque invisible. Il a fallu douze jours de travail pour faire des points invisibles sur les plissés qui donnent "une légèreté incroyable" à une robe, précise Maria Grazia Chiuri.

"Folie du détail"

Le spectacle s'est déroulé dans un pavillon dont les murs ont été entièrement brodés selon les esquisses de l'artiste française Eva Jospin. "Les tableaux brodés représentent une forme d'artisanat pas très connue (...) mais pour lequel Maria Grazia a une sensibilité. Elle m'a proposé de travailler sur cette chambre de soie à la taille du défilé", raconte Eva Jospin à l'AFP. 

Les broderies, d'une superficie de 350 m2, ont été faites par les ateliers Chanakya à Bombay avec lesquels la styliste de Dior a créé une école pour former des femmes à cet artisanat qui est en Inde un métier d'homme. "Dans un défilé en présentiel, il y a un rapport très tactile, très physique à l'oeuvre", souligne encore Eva Jospin.

Écrin du défilé Dior haute couture automne-hiver 2021-22, l’installation monumentale imaginée par Eva Jospin – au cœur du musée Rodin, à Paris – est accessible au public du 6 au 11 juillet 2021. (Courtesy of Dior)

Intitulée Chambre de soie, cette œuvre unique est une double référence à la Salle aux Broderies d’inspiration indienne du palais Colonna, à Rome, et au manifeste féministe de Virginia Woolf A Room of One’s Own.

Plus de 400 couleurs, 150 types de points, les brillances : "Quand on voit la folie du détail, on se rend compte qu'il y a des oeuvres qui ne peuvent pas être virtuelles, elles doivent vivre", ajoute-t-elle. 

Dior haute couture automne-hiver 2021-22 à Paris, le 5 juillet 2021 (LUDWIG BONNET-JAVA)

Fin du féminisme? Jamais

Féministe avérée, Maria Grazia Chiuri développe ce thème avec subtilité. Pas de slogans militants, ni d'installation en forme de vagin comme celle imaginée par l'artiste américaine Judy Chicago en janvier 2020 pour la collection printemps-été 2020 de Dior face au musée Rodin. "Jamais ce ne sera la fin du féminisme", sourit Maria Grazia Chiuri pour qui "revendiquer la valeur artistique de la broderie, qui est considérée comme un travail domestique, est un message féministe".

Comme l'installation de Judy Chicago pour laquelle les broderies ont été réalisées par la même école à Bombay, celle d'Eva Jospin sera accessible au public jusqu'au 11 juillet 2021.

Dior haute couture automne-hiver 2021-22 à Paris, le 5 juillet 2021 (LUDWIG BONNET-JAVA)

La palette de la collection dialogue avec les broderies, dans les nuances raffinées de bleu, rose, vert ou chair. "Les couleurs sont naturelles et hors du temps", ce qui traduit l'idée chère à la créatrice que les pièces haute couture peuvent se transmettre de mère à fille.

Elle joue également avec les proportions pour une silhouette "plus contemporaine et intemporelle". Plus confortable aussi parce que la finesse de la taille est visuellement créée grâce aux jeux de volumes et non à la coupe ajustée.

Le chapeau-casquette en tweed assorti à la tenue s'inspire de celui créé dans les années 1960, "très masculin", en rupture avec les grands chapeaux à fleurs dont la maison Dior coiffait jusque-là ses clientes. "Maria Grazia voulait des chapeaux sportifs, pas trop dramatiques, ni féminins, pour ajouter un peu de peps aux looks", explique le chapelier de Dior, le Britannique Stephen Jones.

Dior haute couture automne-hiver 2021-22 à Paris, le 5 juillet 2021 (LUDWIG BONNET-JAVA))

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